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Droit pénal général
Bouteilles de champagne warrantées
Mots-clefs : Administrateur judiciaire, Autorité légitime, Responsabilité, Acte manifestement illégal
L’administrateur judiciaire n’est pas une autorité légitime au sens de l’article 122-4 du Code pénal.
Le second alinéa de l'article 122-4 du Code pénal dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Comme le relève le professeur Yves Mayaud, par ce fait justificatif, « c'est l'obéissance que le législateur érige en intérêt supérieur » (Y. Mayaud, Droit pénal général, 2e éd., 2007, no 427, p. 456). L’application de cette cause objective d’irresponsabilité pénale repose en premier lieu sur la notion « d’autorité légitime ». Celle-ci s'entend d'une autorité publique (Crim. 28 avr. 1866. Crim. 4 oct. 1989, n° 89-80.643) et doit être entendue comme celle disposant du pouvoir d'ordonner l'acte. Tel n’est pas le cas, par exemple, du Président de la République qui ordonne une mise sur écoutes téléphoniques (Crim. 30 sept. 2008, n° 07-82.249). Ce n’est pas non plus le cas d’un administrateur judiciaire comme l’illustre le présent arrêt.
En l’espèce, le PDG d’une holding qui avait été placée en redressement judiciaire le 2 mars 2010, puis en liquidation judiciaire le 25 janvier 2011, était poursuivi du chef de détournement d’objets gagés pour avoir, entre le 1er janvier 2008 et le 25 mars 2010, vendu plusieurs centaines d’hectolitres de vins de champagne qui avaient été donnés en gage à divers établissements bancaires pour garantir des prêts consentis. Le prévenu avait été déclaré coupable des faits reprochés et condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et à cinq ans d’interdiction de gérer par la Cour d’appel.
Pour tenter d’échapper à sa responsabilité, le prévenu invoque, sans succès, le fait justificatif du commandement de l’autorité légitime arguant que l’administrateur judiciaire désigné dans le cadre de la procédure collective l’avait autorisé à vendre lesdites bouteilles warrantées tout en consignant le produit de ces ventes à la caisse des dépôts et consignations. La chambre criminelle affirme que « dès lors qu’un administrateur judiciaire, qui ne dispose pas d’un pouvoir de décision au nom de la puissance publique, ne constitue pas une autorité légitime au sens de l’article 122-4 du code pénal ». Une telle position n’est pas surprenante, dans un autre contexte, la Cour de cassation avait pu admettre que ne disposant d’aucune prérogative de puissance publique, les administrateurs judiciaires ne bénéficient pas de la protection renforcée accordée par l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (protection en matière de diffamation) aux « citoyens chargés d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent » (Cass., ch. mixte, 4 nov. 2002, nos 00-13.524, 00-15.087, 00-13.610, 3 esp.). Les administrateurs, bien qu’auxiliaires de justice, ne sauraient être regardés comme « investis d'une portion de la puissance publique » avec ce que cela suppose de pouvoir de contrainte et de coercition et donc ne sauraient être une autorité publique légitime au sens de l’article 122-4 du Code pénal.
Crim. 20 avril 2017, n° 16-80.808
Références
■ Crim. 28 avr. 1866: DP 1866. 1. 356 ;
■ Crim. 4 oct. 1989, n° 89-80.643, RSC 1990. 570, obs. G. Levasseur.
■ Crim. 30 sept. 2008, n° 07-82.249 P, AJDA 2008. 1801 ; D. 2008. 2975, note H. Matsopoulou ; ibid. 2009. 2238, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2008. 505, obs. G. Royer ; ibid. 511, obs. G. Royer ; RSC 2009. 92, obs. E. Fortis.
■ Cass., ch. mixte, 4 nov. 2002, nos 00-13.524 P, 00-15.087 P, 00-13.610 P (3 esp.), D. 2003. 1194, note E. Dreyer ; Rev. sociétés 2003. 370, note B. Bouloc ; RSC 2004. 91, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire ; RTD com. 2003. 388, obs. B. Bouloc.
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