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Droit des biens
Canalisation entre deux étangs : pas de servitude
Mots-clefs : Servitude légale (eaux vives), Servitude (acquisition par prescription, par destination du bon père de famille), Servitude (caractères, continuité, apparence)
L'article 642, alinéa 2, du Code civil ne s'applique pas aux étangs ; une servitude doit être considérée comme discontinue et non apparente lorsque l'eau ne s'écoule pas naturellement mais requiert d'actionner divers ouvrages, visibles par un seul homme de l'art.
Par un arrêt du 25 novembre 2009, la troisième chambre civile approuve une cour d'appel qui, pour conclure à l'absence de servitude, relève, d'une part, que l'article 642, alinéa 2, du Code civil s'applique aux seules eaux vives, d'autre part, que la servitude alléguée était discontinue et non-apparente. En l'espèce, deux couples avaient fait l'acquisition de deux parcelles issues de la division d'un même fonds, comprenant chacune un étang ; les propriétaires de l'étang situé en contrebas, qui se plaignaient de ce que la canalisation dite « turbine » assurant l'écoulement des eaux entre les deux étangs avait été bouchée, avaient assigné leurs voisins en rétablissement de la circulation de l'eau.
Se posait la question de savoir si les propriétaires de l'étang se situant en contrebas pouvaient revendiquer l'existence d'une servitude (art. 637 C. civ.). Statuant sur leur pourvoi, la Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond : la canalisation n'étant pas reliée à la source qui alimentait l'étang mais partant de la prise d'eau située au milieu de celui-ci, l'article 642, alinéa 2, qui ne concerne que les eaux vives, ne pouvait s'appliquer ; en outre, l'eau ne s'écoulant pas naturellement mais nécessitant d'actionner divers ouvrages, visibles par un seul homme de l'art qui les cherchent (la prise d'eau et la canalisation étant cachées, le robinet enterré et la vanne dissimulée dans un mur derrière deux ouvrages), la prétendue servitude était discontinue et non apparente, de sorte qu'elle ne pouvait ni être acquise par prescription (art. 690 C. civ.) ni par destination du père de famille (art. 692 et 694 C. civ.).
Civ. 3e, 25 nov. 2009
Références
« Charge imposée à un immeuble, bâti ou non bâti (le fonds servant), au profit d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire distinct (le fonds dominant). La servitude établit une sorte de rapport juridique entre deux fonds, s’imposant ou bénéficiant à tous les propriétaires successifs du même fonds. Elle est apparente lorsqu’un signe extérieur la révèle. Elle est continue lorsqu’elle s’exerce sans l’intervention de l’homme. Elle est positive lorsqu’elle confère au propriétaire du fonds dominant le droit de faire un acte positif sur le fonds servant (droit de passage par exemple).
Quant à son origine, la servitude dérive ou de la situation naturelle des lieux (écoulement des eaux), ou des obligations imposées par la loi (marchepied), ou des conventions entre propriétaires (passage). »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code civil
« Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. »
« Celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage.
Le propriétaire d'une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété.
Il ne peut pas non plus en user de manière à enlever aux habitants d'une commune, village ou hameau, l'eau qui leur est nécessaire ; mais si les habitants n'en n'ont pas acquis ou prescrit l'usage, le propriétaire peut réclamer une indemnité, laquelle est réglée par experts. »
« Les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans. »
« La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes. »
« Si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné. »
■ S. Schiller, Droit des biens, Dalloz, 2009, coll. « Cours », 2009, nos 262 s.
■ Rép. Immo. Dalloz, V° « Servitudes », par J. Djoudi.
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