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Droit de la responsabilité civile
Caractère apparent du désordre dans le cadre d’une VEFA : articulation des actions et appréciation de l’apparence
L’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents. Le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception.
Civ. 3e, 14 janv. 2021, n° 19-21-130
Une SCI avait fait construire, en vue de la vente d’appartements en l’état futur d’achèvement, une résidence comportant plusieurs bâtiments dont la réception est prononcée. L’assemblée générale des copropriétaires avait autorisé le syndic à prendre livraison des parties communes. Se plaignant de la persistance, au sein de ces parties communes, de désordres et non-finitions, le syndicat des copropriétaires (SDC) avait assigné le promoteur sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs (C. civ., art. 1792).
La cour d’appel déclara son action irrecevable comme forclose. Les désordres et les vices invoqués ayant été apparents à la date de possession de ces parties communes, les demandes auraient dû être formées, sur le fondement de l’article 1642-1 du Code civil relatif à la responsabilité du vendeur au titre des vices et défauts de conformité apparents, au plus tard dans l’année suivant cette date, c’est-à-dire dans le bref délai de l’article 1648 du Code civil.
Sur le pourvoi formé par le SDC reprochant à la cour d’appel une fausse application des articles 1642-1 et 1648 du Code civil, sa demande n’ayant pas été formée à l’appui de désordres apparents et n’ayant donc pas porté sur la responsabilité du vendeur au titre des vices et défauts de conformité apparents (C. civ., art. 1642-1), mais sur sa responsabilité décennale (C. civ., art. 1646-1), la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel. Au visa des articles 1646-1, 1642-1, dans sa rédaction alors applicable, et 1648, alinéa 2, du Code civil elle juge qu’« il résulte de la combinaison de ces textes que l’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents. Lorsqu’il agit en réparation contre le vendeur en l’état futur d’achèvement sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du Code civil, le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception. Pour déclarer forcloses les demandes du syndicat des copropriétaires sur le fondement de la responsabilité décennale du constructeur- vendeur en l’état futur d’achèvement, l’arrêt retient que les désordres […] étaient apparents à la date de la livraison, de sorte que l’action aurait dû être engagée dans le délai prévu par l’article 1648, alinéa 2, du Code civil ». Or, « le caractère apparent ou caché d’un désordre dont la réparation est sollicitée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du Code civil s’appréciant en la personne du maître de l’ouvrage et à la date de la réception, il importe peu que le vice de construction ait été apparent à la date de la prise de possession par l’acquéreur ».
Dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), l’accédant à la propriété dispose de plusieurs fondements pour agir contre le promoteur, leur fondement dépendant du caractère apparent ou non du vice. Or cette caractérisation est déterminante, les différentes actions n’étant pas soumises aux mêmes règles de prescriptions.
En application des articles 1642-1 et 1648 du Code civil, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux ni dans un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur des vices de construction apparents, étant précisé que l’action doit toutefois être exercée dans le court délai d’un an à compter de la date à laquelle l’acquéreur peut être déchargé des vices apparents.
L’acquéreur bénéficie, d’autre part, à compter de la livraison de son bien, des actions fondées sur les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil, c’est-à-dire du droit spécial de la responsabilité des constructeurs. Il ressort d’une part de l’article 1792 du Code civil que l’action en responsabilité décennale suit la chose et qu’elle se transmet aux acquéreurs successifs de l’ouvrage. Il ressort, d’autre part, de l’article 1792-1 du Code civil que le vendeur d’immeuble à construire est débiteur de la responsabilité décennale des constructeurs, comme cela est rappelé à l’article 1646-1 du Code civil.
L’admission du concours de l’action en réparation des vices de construction apparents et de celle en garantie décennale laisse toutefois les conditions de d’engagement de la responsabilité décennale inchangées : l’action suppose la démonstration d’un désordre caché à la réception, laquelle est définie par l’article 1792-6 du Code civil comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Ainsi, quel que soit l’acquéreur qui agit, le caractère apparent ou caché du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception des travaux.
La Cour avait déjà eu l’occasion de préciser que c’est au regard du maître de l’ouvrage ayant signé le procès-verbal de réception qu’il y a lieu d’apprécier le caractère apparent ou caché des désordres (Civ. 3e, 27 sept. 2000, n° 98-21.397 ; Civ. 3e, 8 nov. 2005, n° 04-16.932 ; Civ. 3e, 10 nov. 2016, n° 15-24.379 ; Civ. 3e, 21 mars 2019, n° 17-28.021 ; Civ. 3e, 19 sept. 2019, n° 18-19.918).
Dans la ligne de cette jurisprudence devenue constante, la Cour de cassation rappelle dans le présent arrêt que c’est en la personne de celui qui signe matériellement la réception que doit être apprécié in concreto le caractère apparent ou caché du désordre. Incombant aux juges du fond (Civ. 3e, 3 mai 2001, n° 00-10.021), cette appréciation est déterminante puisque, selon la formule consacrée, la réserve purge le vice. Dans cette mesure, excepté le cas dans lequel la gravité du désordre se révèle durant le délai décennal mais après la réception, son caractère apparent ne permet plus d’agir sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.
Tel était précisément le cas en l’espèce, les différents désordres et vices dénoncés étant apparents au jour de la livraison. Cependant, le syndicat ne pouvait se voir opposer la forclusion de son action dès lors que le caractère apparent ou caché d’un désordre s’apprécie, au jour de la réception, en la personne du maître de l’ouvrage et non en celle de l’accédant à la propriété ; peu importait, partant, que le vice de construction eût été apparent à la date de prise de possession par l’acquéreur.
Références :
■ Civ. 3e, 27 sept. 2000, n° 98-21.397: RDI 2001. 80, obs. P. Malinvaud
■ Civ. 3e, 8 nov. 2005, n° 04-16.932: RDI 2006. 52, obs. P. Malinvaud
■ Civ. 3e, 10 nov. 2016, n° 15-24.379P: D. 2016. 2400 ; RDI 2017. 34, obs. P. Malinvaud ; ibid. 144, obs. B. Boubli
■ Civ. 3e, 21 mars 2019, n° 17-28.021 P: D. 2019. 583 ; ibid. 1358, chron. A.-L. Collomp, C. Corbel, L. Jariel et V. Georget ; RDI 2019. 288, obs. D. Noguéro ; RTD civ. 2019. 586, obs. H. Barbier
■ Civ. 3e, 19 sept. 2019, n° 18-19.918: RDI 2019. 577, obs. P. Malinvaud
■ Civ. 3e, 3 mai 2001, n° 00-10.021: RDI 2001. 386, obs. D. Tomasin
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