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[ 8 novembre 2011 ] Imprimer

Droit pénal spécial

Caractérisation de la circonstance aggravante d’« ex »

Mots-clefs : Viol (éléments constitutifs, défaut de consentement, violence), Circonstance aggravante (union antérieure entre l’auteur et la victime, caractérisation, non)

Ne justifie pas sa décision la chambre de l’instruction qui, pour renvoyer l’accusé devant la cour d’assises pour viol commis par un ancien concubin, se contente de relever que le mis en examen, ancien compagnon de la victime, lui a imposé un rapport sexuel en faisant usage de la violence.

En l’espèce, un individu contestait son renvoi devant la cour d’assises sous la qualification de viol commis par l’ancien concubin de la victime (art. 222-24, 11° C. pén.). L’article 222-24 du Code pénal prévoit un certain nombre de circonstances aggravantes du crime de viol (portant la peine encourue à 20 ans de réclusion criminelle), notamment « lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité » (11°). L’article 132-80, alinéa 2, précise pour sa part que « la circonstance aggravante prévue au premier alinéa [infraction commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS actuels] est également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité », ces dispositions étant applicables « dès lors que l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime ».

Pour conclure au renvoi sous la qualification de viol aggravé par l’union antérieure entre l’auteur et la victime, la chambre de l’instruction avait relevé que le mis en examen était l’ancien compagnon de la victime dont il s’était séparé depuis plusieurs mois et avec laquelle il entretenait occasionnellement des relations intimes, et qu’il lui avait imposé des relations sexuelles en faisant usage de la violence. Cette décision est cassée par la chambre criminelle au visa des articles 593 du Code de procédure pénale, 132-80 et 222-24, 11° du Code pénal. La Haute cour estime qu’« en se déterminant ainsi, sans rechercher si, pour caractériser la circonstance aggravante, l’infraction avait été commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ». En d’autres termes, le viol doit trouver sa cause dans la relation particulière ayant uni par le passé l’auteur et la victime. Cette exigence, qui fait la spécificité de l’incrimination et entraîne l’aggravation de la peine encourue, est étroitement contrôlée par les juges du fond (Toulouse, 8 sept. 2008). La chambre criminelle a eu l’occasion de préciser que la circonstance aggravante devait s’appliquer à des violences commises à l’occasion de la remise au prévenu des enfants communs du couple, et alors que la victime se plaignait du retard dans le paiement de la pension alimentaire (Crim. 7 avr. 2009). En l’espèce, la Haute cour estime que la circonstance aggravante n’a pas été caractérisée (la violence, établissant le défaut de consentement de la victime, était bien démontrée mais pas sa motivation).

Par le biais d’une QPC incidente, le mis en examen avait tenté de dénoncer l’inconstitutionnalité de l’article 132-80, alinéa 2, du Code pénal. La chambre criminelle juge que la question n’est pas sérieuse « dès lors que la disposition législative en cause, rédigée en termes suffisamment clairs et précis, et dont l’application relève de l’appréciation, par les juges du fond, des éléments constitutifs de la circonstance aggravante, ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines ».

Crim. 12 oct. 2011, no 11-85.474, F-P+B

Références

Rép. pén. Dalloz, Vo « Viol », par A. Darsonville, spéc. no 65.

Toulouse, 8 sept. 2008, Dr. pénal 2009, comm. no 17, obs. Véron.

Crim. 7 avr. 2009, Bull. crim. no 69 ; D. 2009. Pan. 2830, obs. Mirabail ; RSC 2009. 593, obs. Mayaud ; AJ pénal 2009. 313, obs. Duparc ; Dr. pénal 2009, no 93, obs. Véron.

Article 593 du Code de procédure pénale

 « Les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.

Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. »

■ Code pénal

Article 132-80

« Dans les cas respectivement prévus par la loi ou le règlement, les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime. »

Article 222-24

« Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle :

1° Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;

2° Lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ;

3° Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;

4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

5° Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

6° Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

7° Lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;

8° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;

9° Lorsqu'il a été commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime ;

10° Lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes ;

11° Lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;

12° Lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »

 

Auteur :S. L.

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