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Droit des contrats et marchés publics
Cas d'incompatibilité d'une loi de validation à la Convention européenne des droits de l'homme
Mots-clefs : Acte, Contrat, Résiliation, Indemnités, Loi de validation, Validation législative
La section du contentieux a accepté d'écarter les dispositions d'une loi validant des contrats irréguliers, dès lors que l'application de cette loi à l'espèce la rendait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
En avril 1990, un contrat d’affermage du service public d’eau potable a été conclu entre un syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) composé des communes de Lattes et de Palavas-les-Flots et la société SAUR. Ce SIVOM a résilié le contrat au 31 décembre 1999 et a lui-même été dissous par arrêté préfectoral le 28 décembre 1999. Dans le cadre de l’exécution du contrat, la société SAUR demandait aux communes le paiement d’une indemnité prévue par les parties dans le cas où le contrat n’atteignait pas son terme.
Devant le refus de paiement par les communes, la société SAUR saisit le tribunal administratif, qui, par deux jugements en date du 18 février 2005, déclare nul le contrat litigieux au motif que celui-ci avait été signé avant que la délibération du comité syndical donnant compétence au président du SIVOM pour conclure le contrat ait été transmise au préfet pour contrôle de légalité.
Par la suite, la cour administrative d'appel annule les jugements et fait droit aux conclusions de la société sur le terrain contractuel (CAA Marseille, 17 janv. 2008, Société SAUR France).
Au cours de la procédure devant la cour administrative d’appel, fut promulguée la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau. Son article 101-VII valide rétroactivement les contrats conclus par les communes et leurs groupements avant le 10 juin 1996 pour la gestion des services publics d'eau et d'assainissement dans la mesure où ils seraient contestés pour un motif tiré de l'absence de caractère exécutoire, à la date de leur signature, de la délibération autorisant cette signature, et sous réserve de la transmission effective de ladite délibération au représentant de l'État dans le département (conformément à l'avis contentieux Préfet de la Côte-d'Or du 10 juin 1996).
Ainsi, la cour administrative d’appel considère-t-elle que l’entrée en vigueur de cet article valide les contrats dont la légalité aurait pu être contestée en raison de l’incompétence du signataire du contrat.
Néanmoins, le Conseil d’État va annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel et les jugements du tribunal administratif.
En effet, il va apprécier la compatibilité de la loi de validation de 2006 avec les exigences qui découlent de l’article 6 § 1de la Conv. EDH (droit à un procès équitable) en tenant compte des particularités de la situation contractuelle dont le juge est saisi. Ainsi, la suppression du vice d’incompétence affectant les contrats couverts par la validation a pour objectif d’assurer la continuité du service public. Or, en l’espèce, il n’existait pas de motifs impérieux d’intérêt général (l’atteinte au droit à un procès équitable pouvant être justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général) justifiant l’intervention des dispositions de validation au cours du procès car à la date à laquelle est intervenue la loi, le SIVOM avait dénoncé le contrat.
Le Conseil d’État règle alors l’affaire au fond et condamne les deux communes aux paiements des indemnités demandées par la Société SAUR.
CE, Sect., 10 nov. 2010, Cne de Palavas-les-Flots et Cne de Lattes, req. n° 314449.
Références
« Mode de gestion déléguée de services publics, ou de bâtiments publics. Dans son principe, l’État ou une collectivité territoriale, qui a financé et réalisé lui-même les installations, à la différence de la concession, en confie la gestion à une personne privée (très généralement une société) moyennant le versement périodique d’une somme fixée forfaitairement. Le fermier est rémunéré par les sommes perçues sur les usagers. L’affermage est largement employé pour l’exploitation des réseaux d’eau potable. »
« L’extension de la décentralisation en 1982 a conduit au remplacement de l’ancienne tutelle administrative sur les collectivités territoriales par un contrôle de légalité, beaucoup plus respectueux de leur autonomie, et qui ne comporte plus, notamment, l’approbation de certains de leurs actes par l’État. Si le préfet (ou le sous-préfet) estime qu’un acte pris par elles est illégal, il peut seulement former un recours juridictionnel contre celui-ci – et non pas en prononcer lui-même l’annulation.
Au contrôle de légalité s’ajoute, en matière budgétaire, le contrôle budgétaire. »
« Loi votée par le Parlement dont l’objet ou l’effet est de valider rétroactivement des actes juridiques qui n’avait pas été créés valablement sous l’empire d’une loi ancienne, de manière à les rendre définitifs et insusceptibles d’annulation. Ce type de loi est nécessairement, ou naturellement, rétroactif. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme subordonnent leur validité à l’existence “ d’impérieux motifs d’intérêt général” ».
« Une des notions clés du droit administratif français, ce concept est largement ignoré ailleurs dans l’Union européenne, où l’idée de reconnaître des “ services publics européens ” suscite des controverses parfois passionnelles.
1° Au sens matériel, toute activité destinée à satisfaire à un besoin d’intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l’Administration, parce que la satisfaction continue de ce besoin ne peut être garantie que par elle. Objet de nombreuses controverses doctrinales, cette notion n’en est pas moins pour la jurisprudence, aujourd’hui encore, l’un des éléments servant à définir le champ d’application du droit administratif.
2° Au sens formel, ces termes désignent un ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en œuvre par l’État ou une autre collectivité publique, en vue de l’exécution de ses tâches. Dans cette acception, les termes de service public sont synonymes d’Administration au sens formel.
Mission de service public : notion dégagée par la jurisprudence du Conseil d’État dans la première moitié du siècle, mais d’appellation beaucoup plus récente, et dont on trouve des manifestations aussi bien, par exemple, en matière de travaux publics, de fonction publique, que de contrats administratifs ou d’actes unilatéraux. Cette qualification est décernée de manière prétorienne par le juge à des activités présentant un caractère d’intérêt général, assumées même par des organismes privés ou des particuliers. Le juge veut élargir le champ d’application du droit et du contentieux administratifs à ceux des aspects de l’organisation et du fonctionnement de cette activité qu’il estime techniquement inopportun de soumettre aux règles du droit privé. »
« Établissement public pouvant être créé par des communes pour gérer en commun une (syndicat intercommunal à vocation unique : SIVU) ou plusieurs (syndicat intercommunal à vocation multiple : SIVOM) tâches de leur compétence.
Cette forme, la plus ancienne de coopération intercommunale a connu, et connaît encore, des applications nombreuses et fructueuses. Elle a notamment permis en milieu rural le développement des adductions d’eau et d’électricité. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
■ CAA Marseille, 17 janv. 2008, Société SAUR France, req. n° 05MA01089.
■ CE 10 juin 1996, Préfet de la Côte-d'Or du 10 juin 1996, n° 176873.
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