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Caution : le recul du formalisme informatif
Mots-clefs : Cautionnement, Personne physique, Créancier professionnel, Mentions manuscrites
L’exacte reproduction des mentions manuscrites prévues par le Code de la consommation en faveur de la caution personne physique n’a pas à être exigée dès lors que cette dernière a néanmoins pu comprendre la nature et la portée de son engagement.
Encore une affaire relative aux mentions manuscrites que la caution personne physique doit reproduire dans son contrat avant de s’engager au profit d’un créancier professionnel !
L’hypothèse était, en l’espèce, on ne peut plus classique. Une caution solidaire s’était, au moment de devoir exécuter son engagement, prévalue de la nullité de celui-ci en raison de la non-conformité de sa mention manuscrite à la formule requise par l’article L. 341-2 du Code de la consommation. En appel, sa demande fut rejetée au motif que la simple omission dans l’acte des termes « mes biens » n’affectait ni la nature ni la portée de l’engagement souscrit. La caution forma alors un pourvoi en cassation.
Espérant l’annulation de son engagement en raison de la divergence constatée entre la formule légale et celle contenue dans l’acte litigieux, la caution vit pourtant son pourvoi rejeté : « l’arrêt retient que la mention manuscrite apposée sur l’engagement reflète la parfaite information dont avait bénéficié la caution quant à la nature et la portée de son engagement ; que par ces seuls motifs dont il résultait que l’omission des termes “ mes biens ” n’avait pour conséquence que de limiter l’engagement de la banque aux revenus de la caution et n’affectait pas la validité du cautionnement souscrit, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».
L’exigence de mentions manuscrites dans les contrats de cautionnement souscrits par des personnes physiques a pour seul but de faire prendre conscience à la caution de l’importance du contrat qu'elle conclut, de lui en faire comprendre la nature et mesurer la portée. Dans cette perspective, le Code de la consommation impose l’exacte reproduction dans l’acte de certaines formules légales censées garantir la bonne information de la caution. L’article L. 341-2 en fournit l’illustration. C’est notamment à propos de ce texte que la question de l’inexacte reproduction dans l’acte des mentions manuscrites légalement requises s’est posée en jurisprudence. Comme en témoigne la décision rapportée, elle continue de donner lieu à un contentieux important (v. A. Cerles). Si à l’origine, certaines juridictions du fond ont pu exiger un respect scrupuleux du formalisme légal, annulant des engagements de cautions en raison de différences mineures entre la mention reproduite et celle visée par la loi (v. Rennes, 22 janv. 2010, ayant conclu à la nullité du cautionnement car les mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code avaient été jointes en une seule et même mention et n'étaient séparées que par une virgule), la Cour de cassation paraît bien désormais vouloir infléchir cette tendance, qui favorisait la mauvaise foi de la caution voulant échapper à son engagement, même pris en pleine connaissance de cause.
Ainsi, la chambre commerciale tempère à nouveau, en l’espèce, les excès du formalisme informatif, considérant que la mention manuscrite peut valablement se démarquer du modèle légal dès lors que la divergence constatée n’emporte aucune conséquence sur la compréhension, par la caution, de la nature et de la portée de son engagement. Dans le même sens, elle avait déjà jugé que l'inobservation de la mention imposée par l'article L. 341-3 du Code de la consommation (cautionnement solidaire), dès lors que celle de l'article L. 341-2 (cautionnement simple) se trouve respectée, ne peut conduire à l’annulation du contrat de cautionnement mais seulement à l'impossibilité, pour la banque, de se prévaloir de la solidarité (Com. 8 mars 2011). L’année suivante, elle prolongea cette solution en refusant de prononcer la nullité de l’acte comportant les deux mentions sans toutefois que la seconde ne précise que la caution s'obligeait « solidairement » ; cette irrégularité ne faisait, pour la Cour, que priver le créancier du bénéfice de la solidarité (Com. 10 mai 2012).
Notons que la première chambre civile participe également à alléger les exigences formelles du Code de la consommation. Ainsi a-t-elle récemment refusé de prononcer la nullité du cautionnement qui comportait une mention visant à la fois le caractère « personnel et solidaire » du cautionnement et ayant substitué le terme « banque » à ceux de « prêteur » et de « créancier » (Civ. 1re, 10 avr. 2013). Et encore plus récemment, elle affirma que « ni l'omission d'un point ni la substitution d'une virgule à un point entre la formule caractérisant l'engagement de caution et celle relative à la solidarité, ni l'apposition d'une minuscule au lieu d'une majuscule au début de la seconde de ces formules, n'affectent la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales » (Civ. 1re, 11 sept. 2013).
En définitive, la décision rapportée ne fait que confirmer la jurisprudence précitée et ce qu’elle révèle de l’objectif poursuivi par la Haute cour en cette matière : une mise en œuvre plus souple et tempérée du formalisme informatif, qui suppose de renoncer à l’exigence d’une parfaite copie des formules légales dès lors que les libertés ainsi prises avec le texte légal n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites requises.
Com. 1er oct. 2013, n°12-20.278
Références
■ A. Cerles, « La mention manuscrite du Code de la consommation : une protection de la caution source de contentieux », RD banc. et fin. 2012, dossier 39.
■ Rennes, 22 janv. 2010, n° 08/08806, JCP G 2010, doctr. 708, n° 2, obs. Ph. Simler.
■ Com. 8 mars 2011, n° 10-10.699.
■ Com. 10 mai 2012, n° 11-17.671.
■ Civ. 1re, 10 avr. 2013, n° 12-18.544, D. 2013. 1460, note J. Lasserre Capdeville et G. Piette.
■ Civ. 1re, 11 sept. 2013, n°12-19.094.
■ Code de la consommation
« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »
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