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Droit des obligations
Caution : prescription, disproportion, indemnisation !
Mots-clefs : Crédit, Prêt, Cautionnement, Action en annulation, Vice du consentement, Dol, Prescription, Point de départ, Disproportion, Charge de la preuve, Clause pénale
La prescription de l’action en annulation d’un prêt fondée sur un dol concernant la stipulation du taux effectif global court, dans les relations entre professionnels, à compter du jour de la conclusion du prêt et il appartient à celui qui s’est porté caution de rapporter la preuve de la disproportion de son engagement.
Une banque, qui avait consenti à une société un prêt garanti par un cautionnement souscrit, dans le même acte en date du 12 mai 2009, par la gérante de la société, avait assigné celle-ci en paiement après que la société emprunteuse eut cessé de payer ses échéances. La cour d’appel déclara irrecevable comme prescrite la demande de la caution en annulation de son engagement pour dol résultant du caractère sciemment erroné du taux effectif global du prêt au motif que celle-ci, en sa qualité de gérante de la société emprunteuse, ne pouvait se prévaloir du point de départ de la prescription quinquennale applicable à l’emprunteur non professionnel et que le délai pour contester la validité du taux effectif global avait donc pour point de départ la date de signature du prêt, en sorte que son action était prescrite depuis le 12 mai 2014. La Cour rejeta également sa demande tendant à voir déclarer son cautionnement manifestement disproportionné et la condamna en conséquence à remplir son engagement de caution au motif qu’il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d’en apporter la preuve ; or après avoir relevé qu’il ressortait de la comparaison de l’écriture figurant sur la fiche intitulée « renseignements confidentiels sur la caution » et de celle apposée sur l’acte de prêt et de cautionnement que les signatures étaient sensiblement différentes et que les renseignements inscrits sur le questionnaire ne pouvaient lier la caution, eu égard au doute existant sur l’auteur de la signature, la cour d’appel en déduisit que si la caution reste libre de rapporter par tous moyens la preuve qui lui incombe, elle constata que le montant des revenus indiqués n’était pas remis en cause par la caution et que si cette dernière n’avait pas expressément contesté détenir un patrimoine mobilier de 350 000 euros qu’aux termes de ses conclusions déposées le 26 janvier 2015, elle ne fournissait aucune pièce permettant d’apprécier la réalité de sa situation patrimoniale ni même le montant de ses revenus au moment de la conclusion du cautionnement le 12 mai 2009. Enfin, la cour d’appel rejeta la demande de la banque en condamnation de la société emprunteuse au paiement intégral de l’indemnité de recouvrement telle qu’elle était stipulée au contrat de prêt pour réduire cette indemnité, qu’elle qualifia de clause pénale, à la somme de 5000 euros. L’analyse de la cour d’appel est en tous points confirmée par la Chambre commerciale.
Tout d’abord, la Cour rappelle (Com. 17 mai 2011, n° 10-17.397) que l’action en annulation d’un prêt fondée sur une erreur ou un dol concernant la stipulation du taux effectif global se prescrit, dans les relations entre professionnels, par le délai de cinq ans à compter du jour de la conclusion de la convention de prêt mentionnant le taux prétendument erroné ; la cour d’appel ayant relevé que la demande d’annulation fondée sur un taux stipulé avait été formée pour la première fois par des conclusions signifiées plus de cinq ans après la signature de l’acte de prêt, a donc bien justifié sa décision de les déclarer irrecevables. Certes, en principe, la prescription quinquennale de l’action en nullité pour erreur ou pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l’erreur qu’il allègue. Selon l’ancien premier alinéa de l’article 1304 du Code civil, la prescription quinquennale constitue, dans tous les cas où l’action n’est pas limitée à un moindre temps par une disposition particulière, la règle de droit commun en matière d’action en nullité relative pour vice du consentement, et selon le deuxième alinéa du même texte, le point de départ du délai de l’action en nullité est fixé au jour de la découverte du vice, et non de la conclusion du contrat. Par faveur pour la partie victime, la détermination du point de départ du délai de prescription repose donc sur la connaissance effective, par celle-ci, de l’erreur commise ou provoquée par son cocontractant. Cependant, cette faveur ne se justifie plus dans les relations entre professionnels, même de spécialité différente, en sorte que s’agissant d’un prêt, la jurisprudence fixe le point de départ de cette prescription à la date de la convention.
Ensuite, la chambre commerciale confirme que conformément à l’article 1353, alinéa 1er, du Code civil (anc. art. 1315) il appartient à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement de le prouver (Civ. 1re, 7 avr. 1999, n° 97-04.120). Si le créancier a certes le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution qui lui est présentée, il est en droit de se fier aux informations que celle-ci lui fournit et qu'il n'est pas, en l'absence d'anomalies apparentes, tenu de vérifier (Com. 14 déc. 2010, n° 09-69.807). Ainsi, la carence de la caution, qui ne peut fournir aucun justificatif de sa situation financière au moment de la souscription de son engagement, rappelle le risque de la preuve : le créancier pourra se prévaloir du contrat de cautionnement dont la disproportion originaire, si elle existe, n’aura de toute façon pu être prouvée.
Enfin, la Cour partage l’analyse des juges du fond, en ce qu’ils avaient relevé que les conditions générales du contrat de prêt stipulant que, si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le prêteur devait avoir recours à un mandataire de justice, exercer des poursuites ou produire à un ordre, l’emprunteur s’obligerait à payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2 000 euros, et ayant déduit de cette clause qu’elle avait été stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée, moins coûteuse pour lui, et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure, celle-ci devait être, en raison de son double caractère forfaitaire et comminatoire, qualifiée de clause pénale dont elle a le pouvoir de limiter les effets (C. civ., art. 1231-5, al. 2, art. 1152 anc.).
Références
■ Com. 17 mai 2011, n° 10-17.397 P, D. 2011. 1477, obs. V. Avena-Robardet ; RTD civ. 2011. 590, obs. R. Perrot
■ Civ. 1re, 7 avr. 1999, n° 97-04.120
■ Com. 14 déc. 2010, n° 09-69.807 P, D. 2011. 156, obs. V. Avena-Robardet
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