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Cautionnement consenti dans le cadre d’un accord transactionnel : exigence de la mention manuscrite
Mots-clefs : Cautionnement, Mention manuscrite, Transaction, Erreur de droit
En présence de cautionnements consentis dans le cadre d’un accord transactionnel, la Cour de cassation se prononce, d’une part, sur le domaine de la mention manuscrite de l’article L. 341-2 du Code de la consommation et, d’autre part, sur le domaine de l’exclusion de l’erreur de droit comme cause de nullité de la transaction.
Une banque ayant accordé différents crédits à deux sociétés, une transaction est intervenue entre les parties pour fixer les créances de la banque sur les sociétés et les modalités de leur paiement, les époux associés et gérants des sociétés débitrices se portant en outre cautions. Les obligations découlant de la transaction n’ayant pas été respectées, l’établissement de crédit a actionné les cautions en exécution de leurs engagements.
Devant la cour d’appel, les époux avaient invoqué la nullité de leur engagement au regard des dispositions de l’article L. 341-2 du Code de la consommation. Ce texte impose, à peine de nullité du cautionnement, l’apposition d’une mention manuscrite par toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel. Les juges du fond ont pourtant estimé que ce formalisme ad validitatem ne devait pas s’appliquer en l’espèce aux cautions en raison de leur qualité d’associés et de gérants des sociétés garanties.
La qualité de gérant et d’associé de la société cautionnée revêtue par la caution personne physique permet-elle d’écarter l’application de l’article L. 341-2 du Code de la consommation ?
La réponse affirmative de la cour d’appel se heurtait à une jurisprudence récente de la Cour de cassation : dans un arrêt rendu le 12 janvier 2012, pour censurer un arrêt d’appel qui avait refusé le bénéfice des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation au gérant de la société cautionnée, la chambre commerciale affirme que « toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées » par les textes précités. La solution est certainement conforme à l’intention du législateur qui a délibérément choisi les termes les plus larges pour viser la caution personne physique – « Toute personne physique » –, invitant le juge à ne pas distinguer selon la qualité de cette dernière : Ubi lex non distinguit… La censure de la Cour régulatrice, prononcée au visa de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, était inévitable.
Elle n’était pas suffisante, néanmoins, pour remettre en cause l’arrêt d’appel puisque les juges du fond, pour valider les cautionnements litigieux, s’étaient fondés sur un autre motif que celui lié à la qualité des cautions. Tirant argument de ce que l’engagement des époux en qualité de cautions s’insérait dans un accord transactionnel, ils avaient retenu que le non-respect de la mention manuscrite constituait en tout état de cause une erreur de droit non susceptible d’entraîner la nullité de la transaction.
Pour expliquer un tel motif, il faut rappeler qu’aux termes de l’article 2052, alinéa 2, du Code civil, une transaction ne peut être attaquée sur le fondement d’une erreur de droit (pour une illustration, v. Civ. 1re, 19 déc. 2000, qui refuse d'annuler la transaction conclue entre un créancier et une caution solidaire, l'ignorance par celle-ci de l'extinction de la créance, consécutive à sa non-déclaration au passif de la liquidation judiciaire du débiteur principal, résultant d'une erreur de droit), seule une erreur de fait, sur la personne ou l’objet de la transaction, pouvant conduire à la nullité du contrat (C. civ., art. 2053, al. 1er ). La justification de cette exclusion traditionnelle, quoique controversée réside dans la définition de la transaction : « contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître » (C. civ., art. 2044, al. 1er), la transaction renferme la renonciation par les parties de soumettre leur différend au juge, et corrélativement l’acceptation d’ « un risque d’erreur sur la valeur juridique des prétentions en présence » (L. Boyer). L’invocation d’une erreur de droit par une partie ne doit donc pas lui permettre de ruiner les prévisions contractuelles de son cocontractant.
Le domaine de cette exclusion s’épuise logiquement avec sa raison d’être, ce qui ressort de l’arrêt rapporté : « l’exclusion de l’erreur de droit comme cause de nullité de la transaction ne concerne que la règle applicable aux droits objet de la contestation qu’elle a pour but de terminer », lesquels consistaient en l’espèce dans l’existence, le montant et les modalités de paiement des créances litigieuses, à l’exclusion des « engagements souscrits pour garantir l'exécution de la transaction ». Ayant retenu le contraire, l’arrêt d’appel est également censuré de ce chef au visa de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, ensemble les articles 2052 et 2053 du Code civil.
Civ. 1re, 8 mars 2012, no 09-12.246, F-P+B+I
Références
[Droit général]
« Littéralement, pour la validité. Synonyme de ad solemnitatem (littéralement, pour la solennité. Expression signifiant que la forme prescrite est exigée pour la validité de l’acte et qu’en son absence il y a lieu à nullité). »
■ Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus
[Droit général]
« Il n’y a pas lieu de distinguer lorsque la loi ne distingue pas. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Com. 10 janv. 2012, n° 10-26.630, D. 2012. Actu. 276, obs. Avena-Robardet ; JCP E 2012, n° 1114 ; BRDA 2012, n° 2, p. 7.
■ Civ. 1re, 19 déc. 2000, n° 98-12.015, D. 2001. 2193, note Soustelle ; ibid. AJ 629, obs. Avena-Robardet ; JCP 2001. I. 356, n° 9, obs. Simler ; Banque et Droit mai-juin 2001, p. 46, obs. Jacob.
■ L. Boyer, La notion de transaction : contribution à l'étude des concepts de cause et d'acte déclaratif, thèse, Toulouse, 1947, p. 71 s.
■Code de la consommation
« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »
■ Code civil
« La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit. »
« Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. »
« Néanmoins, une transaction peut être rescindée lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation.
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