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[ 27 mai 2021 ] Imprimer

Droit des obligations

Cautionnement : précisions sur la prescription de l’action subrogatoire de la caution

La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur et elle ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci. Dès lors, le point de départ de la prescription de l’action subrogatoire de la caution contre le débiteur commence à courir dès que le créancier a eu connaissance de la défaillance du débiteur et non après le paiement effectué par la caution en exécution du contrat de cautionnement.

Com. 5 mai 2021, n° 19-14.486

Aux termes de l’article 2306 du Code civil, la caution qui a payé la dette est subrogée dans tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur et il résulte de l’article 2224 du même code que le créancier dispose, pour agir contre ce dernier, d’un délai de cinq ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action.

En l’espèce, par acte du 5 août 2003, une banque avait consenti deux prêts garantis par une caution solidaire. La débitrice principale ayant défailli dans l’exécution de ses obligations, la banque avait mis en demeure la caution, le 22 juin 2010, laquelle avait procédé au règlement de la créance contre la remise d’une quittance subrogative, le 13 décembre 2010. Ayant vainement mis en demeure la débitrice principale de la rembourser, la caution avait alors assigné cette dernière en paiement, le 5 décembre 2015.

Pour déclarer l’action de la caution recevable et condamner l’emprunteuse à lui rembourser la somme garantie, l’arrêt d'appel retint que l’action subrogatoire exercée par la caution est une action personnelle, soumise à une prescription de cinq ans en application de l’article 2224 du Code civil à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant de l’exercer, soit après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, correspondant en l’espèce à la date de délivrance de la quittance subrogative.

Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que l’action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l’action du créancier contre le débiteur, laquelle ne commence à courir que du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

La subrogation est l’opération qui substitue une personne ou une chose à une autre, le sujet ou l’objet obéissant au même régime que l’élément qu’il remplace (Lexique des termes juridiques, Dalloz). La subrogation est dite réelle lorsqu’un bien est substitué à un autre dans une relation juridique. Elle est, telle qu’en l’espèce, personnelle lorsqu’une personne en remplace une autre dans le rapport d’obligation. De manière générale, la subrogation personnelle correspond à l’hypothèse où une personne (appelée solvens ou subrogé) paie volontairement, mais sans intention libérale, la dette d’un tiers débiteur. Le solvens dispose alors d’un recours contre ce tiers pour se faire rembourser. En dédommageant le créancier (le subrogeant), le solvens est en effet subrogé dans ses droits, la créance lui étant transmise avec tous ses accessoires. Si ce recours subrogatoire est traditionnellement prévu par le régime général de l’obligation, il l’est également par le droit spécial du cautionnement, qui en reprend le principe comme les effets : l’article 2306 du Code civil offre en effet expressément à la caution un recours subrogatoire contre le débiteur principal, à la condition d’un paiement préalable de la dette (Civ. 1re, 30 mars 1994, n° 91-22.345), effectué sans intention libérale (Civ. 1re, 17 mai 1987, n° 85-15.899), dont l’effet essentiel, à l’instar de celui que le droit commun attache à la subrogation, réside dans la transmission de la créance et de ses accessoires (Civ. 1re, 7 déc. 1983, n° 82-16.838). Plus précisément, la subrogation produit à la fois un effet extinctif et translatif de la créance. Cette dernière est en effet éteinte à l’égard du créancier subrogeant et, en même temps, transmise au solvens, qui entre dans les droits du créancier et dispose, de ce fait, d’un recours contre le débiteur originaire. Si la subrogation entraîne l’extinction de la dette à l’égard du créancier originaire, le débiteur n’est donc pas pour autant libéré dès lors que la caution qui a désintéressé le créancier peut exercer toutes les actions qui appartenaient à ce dernier et qui se rattachaient à la créance avant son règlement. Ainsi la dette principale est-elle transmise au subrogé qui, après s’en être acquitté, peut alors intenter un recours, dit subrogatoire, contre le débiteur principal pour en obtenir le remboursement. 

Cela étant, la technique de la subrogation accordée à la caution ayant désintéressé le créancier n’opère que pour les droits que ce dernier détenait à l’encontre du débiteur principal, ni plus ni moins (Civ. 1re, 4 déc. 2001, n° 98-21.212). On comprend donc que l’effet subrogatoire est strictement circonscrit au lien d’obligation originaire qui unissait le débiteur principal au créancier. C’est la raison pour laquelle l’action subrogatoire de la caution est naturellement soumise au même délai de prescription applicable à l’action en paiement du créancier contre le débiteur et par suite, que le point de départ de ce délai est fixé à la même date que celle à compter de laquelle commence à courir la prescription de l’action principale. Ainsi, en l’espèce, l’action (personnelle) de la banque était soumise à la prescription quinquennale de droit commun, applicable aux actions personnelles ou mobilières, laquelle court à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d’exercer son recours, c’est-à-dire au moment où la banque a eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010. Par l’effet translatif du mécanisme subrogatoire, l’action subrogatoire de la caution était donc soumise au même délai, ayant couru à son endroit à partir du même point de départ de la prescription applicable à l’action principale exercée par le créancier, en sorte que l’action subrogatoire de la caution, engagée le 5 décembre 2015 alors qu’elle déjà était prescrite (depuis le 22 juin 2015), devait être jugée irrecevable.

Références :

■ Civ. 1re, 30 mars 1994, n° 91-22.345 P:  RTD civ. 1994. 903, obs. M. Bandrac

■ Civ. 1re, 17 mai 1987, n° 85-15.899 P

■ Civ. 1re, 7 déc. 1983, n° 82-16.838 P

■ Civ. 1re, 4 déc. 2001, n° 98-21.212 P: D. 2002. 565, obs. V. Avena-Robardet

 

Auteur :Merryl Hervieu


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