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[ 29 mars 2023 ] Imprimer

Droit des sûretés et de la publicité foncière

Cautionnement : précisions sur l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur

La production par le créancier d’une lettre mentionnant un défaut de paiement des échéances échues par le débiteur établit la preuve, par ce dernier, de l’information de la caution relative à la défaillance du débiteur, dès lors que le garant n’a pas contesté en avoir été destinataire.

Par ailleurs, la banque qui a adressé à la caution une lettre d'information après l'expiration du délai d'un mois suivant l'exigibilité de la première échéance impayée par le débiteur est déchue du paiement des pénalités et intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Civ. 1re, 1er mars 2023, n° 21-19.744 B

À l'égard de la caution, le créancier est tenu de deux types d'information : une information annuelle sur la dette principale et, le cas échéant, une information sur la défaillance du débiteur garanti. Relativement à cette dernière, l’arrêt rapporté apporte plusieurs précisions sur l'ancien article L. 341-1 du Code de la consommation concernant l'information de la caution du premier incident de paiement non régularisé du débiteur principal. Rendue sous l’empire du droit antérieur à la réforme du droit des sûretés, cette décision garde toutefois tout son intérêt au regard du droit nouveau, auquel l’ensemble des enseignements qu’elle contient se trouvent transposables.

Le 5 mai 2014, un cautionnement solidaire avait été consenti par une personne physique en garantie d'un prêt. Face au défaut de paiement du débiteur principal, la banque avait envoyé à la caution une lettre simple, datée du 16 avril 2016, qui mentionnait ce défaut de paiement pour les échéances de mars et d'avril 2016. Le 22 septembre de la même année, la banque avait mis en demeure la caution de régler lesdites sommes par courrier recommandé. Le 14 mars 2017, la banque avait assigné la caution en paiement. Celle-ci lui avait opposé l’inexécution de son obligation d’information de la défaillance du débiteur principal, due dès le premier incident de paiement non régularisé. La caution ayant été condamnée à payer une certaine somme à la banque dans la limite du montant de son engagement, elle a formé un pourvoi en cassation, partiellement accueilli par la première chambre civile.

La Cour de cassation approuve d’abord la cour d’appel d’avoir retenu que les lettres produites par la banque prouvaient que cette dernière avait bien informé la caution. Plus précisément, la Haute juridiction retient qu’« ayant constaté que la banque produisait une lettre du 16 avril 2016 mentionnant un défaut de paiement des échéances échues de mars et d'avril 2016 et que la caution ne contestait pas en avoir été destinataire, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter la demande en privation de la banque des pénalités ou intérêts de retard en raison d'une méconnaissance de l'obligation d'information prévue à l'article L. 341-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 » (C. consom., art. L. 333-1 et L. 343-5 nouv.).

Toutefois, elle censure ensuite l’arrêt d’appel, au visa de ce même texte. Pour rappel, ce dernier dispose que « toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée ». Or pour dire que la banque n'avait pas manqué à son devoir d'information et condamner la caution à lui payer une certaine somme en exécution de son engagement, les juges du fond ont relevé que la banque avait produit une lettre du 16 avril 2016 mentionnant un défaut de paiement des échéances de mars et d'avril 2016 ainsi qu'une lettre de mise en demeure adressée en recommandée avec demande d'avis de réception du 22 septembre 2016. Il s’en déduit alors que la banque a adressé à la caution une lettre d'information après l'expiration du délai d'un mois suivant l'exigibilité de la première échéance impayée par le débiteur, de sorte que, pour la Haute juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

■ La preuve de l’obligation d’information

Dans la première branche de son second moyen, la caution contestait le procédé informatif de la banque qui avait versé aux débats une lettre simple sans toutefois produire de preuves sur son envoi effectif. Par conséquent, selon la demanderesse au pourvoi, les juges du fond auraient dû vérifier si la lettre du 16 avril 2016 lui avait bien été effectivement adressée. Ce moyen est avec raison jugé non fondé. Aucune modalité spécifique n’était en effet requise par l'article L.341-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, qui prévoyait uniquement d’obliger le créancier professionnel d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal. La critique du pourvoi, reprochant implicitement à la banque l'envoi d'une lettre simple au lieu d'une lettre recommandée, est ainsi rapidement balayée par la Cour, qui se contente de relever que la caution ne discutait pas être destinataire du courrier. Par conséquent, l’information de la caution était dûment rapportée, peu important l’absence d’envoi d’un courrier sécurisé : cet argument ne pouvait à lui seul suffire à priver la banque de ses intérêts ou pénalités.

Il est à noter que depuis l’ordonnance de réforme du droit des sûretés (Ord. n° 2021-1192 du 15 sept. 2021), ayant permis de regrouper les textes épars du droit du cautionnement au sein du Code civil, l’obligation d’information de la caution relative à la défaillance du débiteur est désormais prévue par l’article 2303 du Code civil. Cet article reproduisant les termes du texte ancien du Code de la consommation ici visé, le nouveau texte n'apporte pas davantage de précision sur les modalités de l'information de la caution, si bien que la règle ici dégagée par la Cour nous semble parfaitement transposable au droit nouveau.

■ Le temps de l’information

Le second grief formulé par la caution consistait à dénoncer la tardiveté de son information concernant la défaillance du débiteur principal. Elle rappelait que le premier incident de paiement s'étant produit en mars 2016, la banque aurait dû lui envoyer un courrier dès la fin du mois de mars. Sur ce point, la première chambre civile lui donne raison et casse l'arrêt d'appel. Sa censure n’est en rien surprenante, les termes de l’ancien article L. 341-1 du Code de la consommation étant sans équivoque sur le temps de cette information, due à la caution dans le mois de l'exigibilité du premier paiement qui a fait l'objet d'un tel incident. Or en l’espèce, la lettre litigieuse était datée du 16 avril 2016, si bien qu'elle ne pouvait pas être dans les temps pour l'échéance de mars 2016, premier incident de paiement. Par conséquent, la cour d'appel de Versailles aurait dû priver la banque des pénalités et intérêts de retard entre la date d'exigibilité du premier incident de paiement non régularisé et l'information de la caution. La réactivité exigée du créancier est désormais renforcée : le nouvel article 2303 alinéa 2 reproduit, là encore, la teneur du texte ancien mais en lui ajoutant une sanction nouvelle, à savoir l'imputation préférentielle sur le capital, laquelle est une dérogation au régime général de l'obligation (v., sur ce point, L. Bougerol et G. Mégret, Le guide du cautionnement 2022/2023, Dalloz, coll. « Guides Dalloz », 2022, p.139, n° 21.51).

Riche d’enseignements, l’arrêt rapporté précise ainsi la teneur des règles demeurant applicables, depuis la réforme de 2021, à l’information de la caution de la défaillance du débiteur principal, à la fois quant aux modalités de cette information (une lettre simple suffit), mais également quant à la temporalité à respecter pour la délivrer régulièrement (dès le premier incident de paiement du débiteur principal).

 

Auteur :Merryl Hervieu


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