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Libertés fondamentales - droits de l'homme
CEDH : obligation de poursuivre les crimes de haine homophobes
La Cour européenne des droits de l’homme rappelle que l’interdiction de la torture et des traitements inhumains (Conv. EDH, art. 3) et le droit au respect de la vie privée (Conv. EDH, art. 8) engendrent des obligations positives et négatives. Il incombe à l’État de ne pas porter atteinte (obligation négative) et de protéger (obligation positive) ces droits. Cela implique de dissuader et de sanctionner les atteintes à la dignité humaine tels que les crimes de haine homophobes.
CEDH 18 juill. 2024, Hanovs c/ Lettonie, n° 40861/22 [en anglais]
Le requérant est un ressortissant letton. Alors qu’il promène son chien accompagné de son compagnon, il fait l’objet d’injures homophobes. Deux individus enivrés profèrent des insultes, un coup de pied, et tentent d’agresser physiquement le requérant. Le requérant et son compagnon se réfugient dans un magasin de fleurs. L’un des agresseurs se dénude alors devant le magasin. La police parvient à identifier l’agresseur auteur d’injures et de violences physiques. Celui-ci affirme que ses actions n’étaient destinées qu’à mettre fin à une manifestation publique d’affection « qu’il considérait inacceptable ». Le second agresseur n’est pas retrouvé. Les enquêteurs décident alors de clore la procédure, considérant qu’aucune infraction pénale n’est constituée.
Le requérant forme un recours contre cette décision. L’agresseur est reconnu coupable de « hooliganisme mineur » et condamné à une amende administrative de 70 euros. La qualification de crime de haine n’est pas retenue. Le requérant saisit la CEDH, affirmant qu’il aurait subi un traitement dégradant portant atteinte à sa dignité humaine (Conv. EDH, art. 3), une violation de son droit au respect de sa vie privée (Conv. EDH, art. 8) et qu’il aurait fait l’objet d’une discrimination dans la jouissance de ses droits fondamentaux (Conv. EDH, art. 14).
Concernant, l’article 3 de la Convention interdisant la torture, les traitements inhumains et dégradants, l’atteinte doit excéder un certain seuil de gravité (v. CEDH 14 janv. 2021, Sabalic c/ Croatie, pt. 64). Pour la Cour ce seuil de gravité est atteint : l’agression a non seulement porté atteinte à la sécurité physique des victimes, mais aussi à leur bien-être émotionnel et psychologique et a véhiculé un message d’infériorité de leurs identités.
S’agissant de l’article 8 qui consacre le droit au respect de la vie privée et familiale, la Cour estime que l’agression subie par les requérants pourrait générer un sentiment de peur et d’insécurité, marginalisant les individus LGBT. En outre, cela aurait pour conséquence de mener les individus LGBT à dissimuler des aspects de leur vie privée. Il s’agit d’une atteinte discriminatoire (art. 14) au droit au respect de la vie privée du requérant (art. 8).
Rappelons que les articles 3 et 8 de la Convention consacrent des obligations positives et négatives. L’État doit non seulement s’abstenir de porter atteinte aux libertés fondamentales (obligation négative), mais aussi les protéger activement, notamment en dissuadant et en sanctionnait les atteintes (obligation positive). Il incombe donc à l’État letton de protéger la dignité et le droit à la vie privée du requérant, de sanctionner l’auteur de l’agression et de créer des mécanismes dissuasifs destinés à protéger les individus d’agressions homophobes. La Lettonie, en ne qualifiant pas l’agression d’homophobe et en n’infligeant qu’une amende à l’agresseur, n’a pas respecté son obligation positive de protéger la dignité humaine et la vie privée des requérants (pt. 53).
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