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[ 14 septembre 2012 ] Imprimer

Procédure civile

Cessation de l’illicite et pouvoir du juge des référés

Mots-clefs : Trouble illicite, Étendue de la notion, Injonction, Cessation, Pouvoir du juge des référés

En cas de trouble manifestement illicite, l’intervention du juge ne dépend pas de la violation d’une règle de droit.

Le 12 juillet 2012, la Cour de cassation a jugé que le seul risque de confusion entre deux professionnels intervenant sur un même secteur d’activité, dans le cadre du référencement payant d’un célèbre moteur de recherche, est à l'origine d'un trouble manifestement illicite, au titre duquel le juge des référés est compétent, peu important que la violation d’une règle de droit fût, en l’espèce, caractérisée.

 

En l’espèce, un avocat spécialisé dans les litiges relatifs au permis de conduire constate, après avoir recherché son nom sur un moteur de recherche, que figure en première occurrence le blog d’un de ses confères, concurrent sur le même secteur d'activité. Arguant du trouble manifestement illicite que lui causerait cette situation, il saisit le président du Tribunal de grande instance en sa qualité de juge des référés. L’article 809 du Code de procédure civile donne, en effet, compétence au président du tribunal de grande instance pour prescrire, en référé, les mesures conservatoires ou de remise en état visant, soit à prévenir un dommage imminent, soit à faire cesser un trouble manifestement illicite. 

 

Devant l'évidence de l'existence d'un lien informatique, et donc commercial, entre le site ou blog du premier avocat et le nom du second comme unique critère de recherche, le juge ordonne la suppression de ce lien, sans avoir, selon lui, à rechercher l'auteur ou le responsable de ce rapprochement ayant engendré ce trouble manifestement illicite. Le trouble ainsi causé à l’activité professionnelle du requérant suffit à justifier l’injonction judiciaire. En appel, l'ordonnance est confirmée. Devant la Cour de cassation, l’atteinte constatée n’est pas contestée mais, d’après l’auteur du pourvoi, le juge des référés saisi sur le fondement d’un trouble manifestement illicite ne pouvait prononcer de mesures de remise en état sans caractériser une violation des règles de droit. La Haute juridiction écarte la critique, affirmant  que c’est dans l’exercice de leur souverain pouvoir d’appréciation que les juges du fond sont parvenus à de telles conclusions. Pour le dire autrement, le caractère manifestement illicite du trouble suffit à ce que ceux-ci prescrivent les mesures nécessaires pour y mettre un terme : « l'évidence d'un lien informatique entre le site de Monsieur X et le nom " Monsieur Y " comme unique critère de recherche, de nature à créer une confusion entre deux avocats ayant la même activité spécialisée, était à l'origine d'un trouble manifestement illicite, (…) c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la mesure propre à y mettre fin que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ».

 

Traditionnellement vu comme une notion de droit faisant, à ce titre, l’objet d’un contrôle par la Cour de cassation (Ass. plén. 28 juin 1996), le trouble manifestement illicite peut encore se déduire, exclusivement, de circonstances de fait. C’est cette précision, importante, qu’apporte la deuxième chambre civile dans l’arrêt rapporté. En effet, si le trouble manifestement illicite est généralement défini comme une perturbation constituant une violation manifeste de la règle de droit, en sorte que la méconnaissance flagrante d’une disposition légale ou règlementaire sera naturellement susceptible de constituer un tel trouble (v. Soc. 4 déc. 1980 et Com. 15 juin 1982), il est ici précisé qu’elle n’est en aucun cas une condition de l’intervention du juge des référés. Le demandeur l’affirmait. À tort. La Haute cour réfute l’argument : le trouble manifestement illicite ne se limite pas à cette hypothèse, par conséquent, le juge est en droit de prescrire des mesures en cessation de l’illicite même en l’absence d’une telle violation. Dans un tel cas, le juge des référés doit tenir compte des circonstances, c’est-à-dire des éléments de fait qui justifient le prononcé d’une mesure visant, dans l’attente d’un jugement au fond, à faire cesser l’atteinte. En tout état de cause, le choix de cette mesure dépend de son appréciation souveraine.

 

Civ. 2e 12 juillet 2012, n°11-20.687

Références

 Code de procédure civile

Article 809

« Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. 

  Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

■ Ass. plén. 28 juin 1996, n° 94-15.935 ; Bull. Ass. plén. n° 6 ; D. 1996. 497, concl. J.-F. Webernote J.-M. Coulon.

■ Soc. 4 déc. 1980, n° 79-14248, Bull. civ. V n° 878 ; JCP 1981. IV. 69.

■ Com. 15 juin 1982, n°80-16698, Bull. civ. IV n° 233. 

 

 

Auteur :M. H.


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