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Droit des obligations
Cession de droits immobiliers : l’insécurité à nouveau illustrée de l’acte sous seing privé
La Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 1er octobre 2020 que si l’acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication d’un acte authentique de cession au bureau des hypothèques.
Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-17.549
Une société vend un immeuble par acte authentique du 25 juillet 2013. Le 23 juillet 2014, la nouvelle propriétaire conclut par acte sous seing privé une promesse synallagmatique de vente de ce bien valant donc vente sous réserve de réitération. Le bénéficiaire de la promesse assigne ensuite l’auteure de la promesse en réitération de la vente, et publie son assignation le 26 mars 2015. Le 12 octobre de la même année, la société engage une action en résolution de la vente de 2013 à l’encontre des deux parties à la promesse de vente pour défaut de paiement du prix.
Le bénéficiaire de la promesse fait grief à la cour d’appel de déclarer cette demande en résolution recevable au motif que la publication de l’assignation en réitération de la promesse de vente conclue par acte sous seing privé n’avait pas eu pour effet de lui conférer des droits sur l’immeuble, alors que la vente sous seing privé a pour effet immédiat le transfert de propriété entre les parties et que la publication d’une assignation en réitération de la vente oblige le vendeur qui envisage de demander la résolution de la vente à faire publier son action résolutoire pour que celle-ci fût opposable aux tiers ayant acquis des droits sur l’immeuble du chef de l’acquéreur.
La Cour rejette le pourvoi. Elle rappelle que « Si l’acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, il résulte des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, fixant les règles de la publicité foncière, que le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication de l’acte authentique de cession au bureau des hypothèques (Civ. 3e, 22 oct. 1974, n° 73-12.127) ».
Elle ajoute que la publication, facultative, de la demande en justice ayant pour but d’obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d’une vente sous seing privé, organisée par l’article 37.2 du décret du 4 janvier 1955, « n’emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d’un acte authentique de vente, de sorte qu’elle n’entraîne pas en elle-même les effets de l’opposabilité aux tiers prévus par l’article 30 du même décret ».
Elle précise enfin que « l’absence de publication d’une décision de justice ou d’un acte authentique de vente relatif à la cession passée entre les deux parties à la promesse de vente et retenu à bon droit que la publication de l’assignation en réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014 n’avait pas pu avoir pour effet de conférer au bénéficiaire de la promesse des droits sur l’immeuble, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche non demandée sur la publication de la demande en résolution de la vente, a exactement déduit, de ces seuls motifs, dont il résultait que le bénéficiaire n’avait pas la qualité d’ayant droit, que le demandeur au pourvoi ne pouvait faire obstacle à l’action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 engagée par la société ».
Tout transfert de droits immobiliers est juridiquement valable entre les parties concernées par l’acte de transfert (vente, donation, legs…) même si ces dernières ne l’ont effectué que par le biais d’un acte sous seing privé. En l’absence de publicité foncière, cet acte ne sera pas opposable aux tiers. Aussi bien, si entre les parties à une vente immobilière, le transfert de propriété s’opère solo consensu, dès l’échange des consentements, son opposabilité aux tiers dépend de son enregistrement auprès des services chargés de la publicité foncière. Dans l’hypothèse d’une promesse de vente immobilière sous seing privé, son bénéficiaire ne peut opposer les droits qu’il tient de cet acte aux tiers. En l’occurrence le droit d’agir en exécution forcée de la vente (comp., le droit complémentaire d'en demander la résolution et l'indemnisation éventuelle de son préjudice ; pour une récente application, v. Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.561).
En l’espèce, la société, venderesse initiale du bien, avait bien la qualité de tiers à la promesse de vente non publiée. Le bénéficiaire de la promesse ne pouvait en conséquence opposer aucun droit sur l’immeuble pour faire échec à sa demande en résolution de la vente, d’autant moins que comme le souligne également la Cour pour approuver l’analyse des juges du fond, la publication de son assignation, qui tendait seulement à obtenir la réitération de la vente par acte authentique, n’avait pas eu l’effet escompté, cette publication ne pouvant être assimilée à la publication d’un acte authentique.
Le demandeur au pourvoi alléguait en effet cette équivalence pour faire obstacle, en application de l’article 2379 du Code civil, à l’action en résolution engagée par la société. Selon ce texte, l’action résolutoire prévue en droit commun par l’article 1654 ne peut être exercée, à défaut d’inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l’acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l’immeuble et qui les ont publiés.
En l’espèce, le vendeur n’avait pas publié son privilège et le bénéficiaire avait quant à lui fait publier son assignation antérieurement à l’assignation en résolution. Il faisait valoir à ce titre son droit d’antériorité pour s’opposer à cette action résolutoire qu’il considérait à la fois irrecevable et inopposable. Cependant, la publication de l’assignation en réitération ne conférant pas à son auteur, faute d’emporter les mêmes effets que la publication d’un acte authentique, un droit réel ou personnel de nature à faire obstacle à l’action en résolution au sens de l’article 2379, celle-ci devait, en l’absence avérée de paiement du solde du prix de vente par la dernière propriétaire du bien, être accueillie et prononcée.
Références
■ Civ. 3e, 22 oct. 1974, n° 73-12.127 P
■ Civ. 3e, 1 oct. 2020, n° 19-16.561 P: D. 2020. 1951
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