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Droit des obligations
Cession de fonds de commerce : les obligations nées avant la vente incombent au cédant
Il résulte de l’article 1690 du Code civil et L. 141-5 du Code de commerce qu’en l’absence de clause expresse ou d’exceptions prévues par la loi, la cession d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit celle des obligations nées des engagements pris par le vendeur ou détenues par lui antérieurement à la cession.
Com. 25 oct. 2023, 21-20.156 P
Au cœur du régime général des obligations, et notamment du droit commun des contrats ayant consacré en 2016 l’effet translatif du contrat, la question de l’effet translatif se pose également, non sans un fort intérêt pratique, en droit des contrats spéciaux. Ainsi, en droit commercial, la cession du fonds de commerce pose naturellement la question de l’effet translatif des engagements contractés par le vendeur antérieurement à la cession. La cession du fonds emporte-t-elle la transmission au cessionnaire des obligations contractuelles souscrites par le cédant avant la cession ? C’est à cette question déterminante pour l’ensemble des parties à l’acte que répond la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté.
Contestant la légitimité de son licenciement pour faute lourde qui lui avait été notifié le 11 mai 2012, un salarié avait saisi un conseil de prud’hommes puis interjeté appel du jugement ayant rejeté ses demandes. Déclarant venir aux droits de l’employeur qui lui avait cédé son fonds de commerce, avec prise d’effet au 1er janvier 2015, une société était intervenue volontairement à l’instance. La cour d’appel déclara son intervention volontaire recevable au motif que l’acte de cession stipulait que les opérations actives et passives seraient réputées effectuées pour son compte au 1er janvier 2015. Au fond, elle condamna le salarié à lui payer une certaine somme en réparation du préjudice causé par la faute lourde à l’origine de son licenciement. Le salarié s’est pourvu en cassation, arguant que la société cessionnaire n’avait pas à intervenir dans ce litige dès lors que les créances indemnitaires de la société cédante ne lui avaient pas été transmises dans l’acte constatant la cession du fonds de commerce litigieux.
La cassation intervient au double visa de l’article 1690 du Code civil et L. 141-5 du Code de commerce. La chambre commerciale juge que si le contrat de cession prévoyait que le cessionnaire reprenne l’intégralité de l’actif et du passif incombant au cédant, aucune clause ne stipulait expressément la cession des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d’engagements initialement souscrits par lui ou des créances qu’il détenait antérieurement à la cession, de sorte que ce dernier restait tenu des créances prétendument détenues contre le salarié licencié en exécution du contrat de travail. Sauf clause expresse ou exception légale, la cession d’un fonds de commerce n’emporte donc pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu antérieurement à la cession.
Cette solution appelle à la vigilance lors de la rédaction de l’acte de cession : si la vente d’un fonds de commerce emporte transfert obligatoire et automatique de tous les contrats de travail en cours au jour de la cession sans qu’aucun formalisme soit nécessaire (C. trav., art. L. 1224-1), la transmission des obligations résultant de l'exécution du contrat de travail d'un salarié licencié antérieurement à la date de la cession ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une stipulation expresse dans l'acte de cession du fonds de commerce. Elle n’intervient pas du seul effet de la loi, sauf par exception, ainsi que celle consacrée pour les contrats de travail. Cette limite à l’effet translatif de la cession s’explique par la nature du fonds de commerce, qui ne forme pas un patrimoine autonome. Détachée du fonds cédé, la titularité des créances n’est pas impactée par la cession. Les créances nées des engagements contractuels du vendeur, antérieurs à la cession, ne se transmettent pas en même temps que le fonds. Pour opérer cet effet translatif, qui n’est donc pas automatique, les parties doivent avoir expressément stipulé une clause expresse en ce sens. Or en l’espèce, les juges du fond avaient considéré que même si les créances prétendument détenues par la société en exécution du contrat de travail et les actions qui s’y rattachent en défense et en demande n’étaient pas expressément mentionnées, il résultait toutefois de ces stipulations que les créances alléguées avaient été transmises à l’occasion de cette opération de cession du fonds. La cassation de leur décision était alors inévitable. On comprend également que la clause contraire exigée pour constater la cession de créance doit être à la fois expresse et précise, la Cour écartant l’efficacité d’une clause générale telle que celle en l’espèce stipulée, prévoyant que la société cessionnaire serait propriétaire de toutes les opérations autant actives que passives : les obligations antérieurement contractées doivent avoir été précisément identifiées dans la stipulation considérée, qui ne doit pas se contenter de les viser dans leur globalité.
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