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Droit commercial et des affaires
Cession de parts sociales : effets de la présomption de solidarité
Les conventions qui emportent cession de contrôle d'une société commerciale présentant un caractère commercial, encore qu'elles ne soient pas conclues entres commerçants, les obligations contractées par les vendeurs s'exécutent solidairement, faute d'insertion dans cet acte d'une clause écartant expressément la solidarité.
Com. 30 août 2023, n° 22-10.466
Le 19 janvier 2017, les titulaires de la totalité des parts d’une société avaient cédé celles-ci à une société moyennant un prix de 380 000 euros, sur lequel la société cessionnaire avait payé un acompte de 300 000 euros. Il était stipulé que sur la base du bilan comptable de la société cédée clos au 29 février 2016, le prix pourrait faire l'objet d'une variation à la baisse, en fonction de la situation comptable intermédiaire de cette société arrêtée au 31 décembre 2016. L’étude de celle-ci ayant fait apparaître des capitaux propres négatifs de 963 999 euros, la société cessionnaire avait soumis aux cédants un projet de prix définitif à hauteur de 1 euro et sollicité le remboursement de la somme de 299 999 euros. En première instance puis en appel, les cédants ont été condamnés solidairement au remboursement de la somme réclamée. Devant la Cour de cassation, deux des cédants, minoritaires, s’appuyaient sur la règle selon laquelle la solidarité ne se présume pas pour reprocher à la cour d’appel d’avoir considéré, alors qu’ils n’avaient chacun cédé qu’une seule part détenue par la société, qu’ils étaient néanmoins tenus solidairement avec les autres cédants à la dette de restitution du prix des actions, sans constater que la solidarité entre les actionnaires résultait de l'existence d'une disposition légale ou d'une stipulation contractuelle dans l'acte de cession. Ils ajoutaient que le fait que des cédants minoritaires aient consenti une garantie conventionnelle à l’occasion d’une cession de contrôle d’une société n’emporte pas solidarité passive entre eux lorsque les parts ou actions cédées ne sont pas nécessaires pour que la majorité des titres soit cédée. Ils arguaient également qu'une cession de parts sociales ou d'actions d'une société est un acte de nature civile qui n'est susceptible d'être qualifié d'acte de commerce qu'à la condition que les non-commerçants y trouvent un intérêt personnel, lequel ne pouvait en l’espèce résider dans le seul fait que la cession leur avait permis de quitter la société cédée. Ils postulaient enfin que dans le cas d'une cession de contrôle, la solidarité n'est présumée entre les cédants qu'en cas de garantie de passif et non pas dans l’hypothèse distincte où les cédants se sont engagés à restituer une partie du prix si les capitaux propres de cession se révèlent inférieurs aux capitaux propres garantis par les cédants. La Cour de cassation juge l’ensemble de ces moyens non fondés.
■ Nature commerciale de la cession. La Cour de cassation tranche en faveur de la nature commerciale de la cession litigieuse, ayant porté sur l’intégralité des parts de la société cédée, au motif que les conventions qui emportent cession de contrôle d'une société commerciale présentent un caractère commercial, encore qu'elles ne soient pas conclues entres commerçants et peu important l’intérêt des cédants à la cession, le transfert du contrôle s'appréciant au regard du seul cessionnaire. Ainsi l’acte de cession ne pouvait-il être considéré comme un acte de nature civile quand bien même les demandeurs au pourvoi n’étaient pas commerçants et peu important leur absence d’intérêt personnel à la cession.
■ Conséquences de la qualification. La nature commerciale de l’opération justifie que « les obligations contractées par les vendeurs s'exécutent solidairement ». Qualifié d’acte de commerce, l’acte litigieux conduit ainsi à admettre que l’ensemble des cédants sont solidairement tenus d’honorer les engagements issus de l’opération de cession, dont l'obligation de restitution résultant de la clause de prix stipulée dans l'acte, faute d'insertion dans cet acte d'une clause écartant expressément cette présomption de solidarité. Déduisant la solidarité des cédants du seul caractère commercial de l’opération, la chambre commerciale confirme la règle de source coutumière, contraire à la règle civile, selon laquelle la solidarité existe en matière commerciale en dehors de toute stipulation expresse (v. Com. 21 avr. 1980, n° 78-14.765).
■ Portée de la solidarité. La présomption de solidarité consacrée en matière commerciale ne vaut qu’en cas de solidarité passive, ie en cas de pluralité de débiteurs. Elle ne s’étend pas, par analogie, en cas de pluralité de créanciers ; même en matière commerciale, la solidarité active ne se présume pas (Com. 26 sept. 2018, n° 16-28.133), quelle que soit la nature de la créance et les liens unissant les créanciers.
S’agissant d’une solidarité passive, la décision précise toutefois que la solidarité ne se cantonne pas à la traditionnelle garantie de passif de la société cédée. Elle s’étend à l’ensemble des obligations contractées par les cédants lors de la cession, dont celles résultant de la clause de prix stipulée dans l’acte (de commerce), expliquant la solidarité liant l’ensemble des cédants, même minoritaires.
Références :
■ Com. 21 avr. 1980, n° 78-14.765
■ Com. 26 sept. 2018, n° 16-28.133 : D. 2018. 2404, note J.-D. Pellier ; ibid. 2326, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2020. 118, obs. E. Lamazerolles et A. Rabreau ; AJ contrat 2018. 547, obs. D. Houtcieff ; Rev. sociétés 2019. 172, note J. Delvallée ; RTD civ. 2018. 875, obs. H. Barbier ; RTD com. 2018. 907, obs. B. Saintourens ; ibid. 2019. 145, obs. A. Lecourt.
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