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Droit des obligations
C’est à celui qui réclame de prouver !
Mots-clefs : Obligations, Contrat d’entreprise, Charge de la preuve, Demandeur
L’entrepreneur qui réclame le paiement du solde de travaux qu’il a prétendument effectués a seul la charge de prouver leur réalisation, son client n’ayant pas, tant que cette preuve n’a pas été rapportée, à justifier son refus de paiement.
Dans la perspective de la construction d'un immeuble, une société civile immobilière avait confié des travaux d'électricité à un entrepreneur qui, n'ayant pas été payé des situations émises à partir du 10 mars 2006, avait informé la SCI qu'il suspendrait son intervention le 7 juin 2006, puis l'avait assignée en paiement du solde de son marché et en dommages-intérêts pour résistance abusive. Pour accueillir ses demandes, la cour d’appel retint que la SCI, qui n'avait adressé aucun reproche à l’entrepreneur sur d'éventuels retards et reconnu dans un protocole devoir une certaine somme dont le paiement était sous condition de reprise des travaux, ne démontrait ni que ceux-ci auraient été terminés par une entreprise tierce, ce qui aurait justifié l'inachèvement par l’entrepreneur des prestations qu’il lui restait à effectuer, ni que la commercialisation des appartements aurait été retardée. Au visa de l’ancien article 1315 du Code civil, devenu l’article 1353, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir, en statuant ainsi, inversé la charge de la preuve dès lors qu’en application du texte précité ainsi que du marché de travaux conclu entre les parties, il appartenait à l'entrepreneur réclamant paiement de démontrer que les travaux avaient été achevés conformément aux prévisions contractuelles.
Actori incumbit probatio : conformément à cet adage, la charge de la preuve pèse sur le demandeur, entendu comme le demandeur à la prétention, laquelle se définit comme l’« affirmation en justice tendant à réclamer quelque chose » (Assoc. H. Capitant, Vocabulaire juridique).
Le demandeur qui avance une prétention a la charge de prouver le fait qui soutient sa prétention. Le défendeur, lui, n’a rien à prouver. C’est l’expression d’un principe de bon sens et de justice : il appartient à celui qui entend rompre le statu quo de justifier sa démarche (v. H. Capitant, Fr. Terré et Y. Lequette, GAJC, n° 17, p. 121, spéc. n° 4). Le principe est énoncé de façon générale par l’article 9 du Code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». L’alinéa 1er de l’article 1353 nouveau du Code civil (anc. art. 1315) le reprend mais en l’appliquant au droit des obligations : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
Fréquents sont les litiges dans lesquels un client refuse de régler des factures qu’il juge indues, soit parce qu’il estime ne pas avoir donné son accord à la réalisation de la prestation dont le paiement est réclamé (Civ. 3e, 16 juill. 1996, n° 95-12.321 : il incombe alors à l’entrepreneur de prouver que le client avait bien passé commande de l’ouvrage dont il réclame le paiement du prix), soit parce qu’il justifie, comme en l’espèce, ne pas avoir à les payer par le fait que les travaux ne sont pas terminés.
Dans cette affaire, cependant, le demandeur à l’instance, également demandeur à la preuve, n’était pas le client, mais l’entrepreneur, ce dernier réclamant le paiement d’une certaine somme correspondant à la réalisation de travaux qu’il arguait avoir effectués sans contrepartie. Or, en application de la règle précitée, il appartenait à ce dernier de prouver que les travaux avaient effectivement réalisés et qu’en conséquence, les sommes prévues devenaient exigibles, le marché de travaux conclu entre les parties faisant en l’espèce dépendre l’exigibilité du paiement de la transmission au client d’une demande de paiement appuyée sur un document actant l’état d’avancement des travaux. Faute d’avoir su rapporter cette preuve, la cour d’appel n’était pas en droit d’exiger de la SCI, défenderesse à l’instance comme à la preuve, d’établir des faits venant combattre les prétentions de son adversaire, en l’occurrence, des manquements imputables à l’entrepreneur justifiant le non-paiement des prestations prétendument effectués par lui.
Civ. 3e, 1er juin 2017, n° 14-14.932
Référence
■ Civ. 3e, 16 juill. 1996, n° 95-12.321.
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