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Droit administratif général
Changement de nom patronymique et circonstances exceptionnelles
Mots-clefs : Nom de famille, Nom patronymique, Changement de nom, Code civil, Décret, Recours en annulation, Contrôle du juge, Contrôle normal, Intérêt légitime, Circonstances exceptionnelles
Des circonstances exceptionnelles peuvent être de nature à caractériser un intérêt légitime requis par l’article 61 du Code civil pour changer de nom.
Selon l’alinéa 1er de l’article 61 du Code civil « Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom». Le dernier alinéa de ce même article prévoit que le changement de nom est autorisé par décret. C’est le ministre de la Justice qui autorise le changement de nom et en cas de refus de sa part, la décision peut donc être contestée devant la juridiction administrative.
En l’espèce, deux frères ont demandé au garde des Sceaux de changer de nom patronymique. Devant son refus, ils ont formé un recours tendant à l’annulation de ses décisions pour excès de pouvoir. Le tribunal administratif comme la cour administrative d’appel n’ont pas fait droit à leur demande. En revanche, le Conseil d’État vient de décider que les circonstances exceptionnelles de cette affaire permettent de caractériser l’intérêt légitime requis pour changer de nom.
En effet, les deux requérants avaient été abandonnés brutalement par leur père alors qu’ils étaient âgés de 8 et 11 ans. Celui-ci n’a plus eu aucun contact avec eux et n’a subvenu ni à leur éducation ni à leur entretien, alors qu’il en avait l’obligation en vertu du jugement prononçant son divorce. De même, il n’a jamais exercé son droit de visite et d’hébergement reconnu par ce jugement (sur la notion d’intérêt légitime concernant une mesure prise dans l'intérêt de l'enfant, v. par ex. CE 4 déc. 2009 : la demande de changement de nom peut être accueillie lorsque le porteur du nom a subi des violences de son père, en l’espèce, un viol ; elle joue alors un rôle thérapeutique, ce qui lui confère toute sa légitimité).
Par ailleurs, par cet arrêt, le Conseil d’État décide le passage au contrôle normal sur l’existence d’un intérêt légitime à changer de nom en jugeant que le motif d’ordre affectif invoqué par les requérants caractérise, compte tenu de l’existence de circonstances exceptionnelles, un tel intérêt (v. déjà : CAA Paris, 27 janv. 2003). Avant cette décision, le Conseil d’État opérait un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation qui reconnaissait à l’administration un pouvoir étendu d’appréciation pour déterminer l’existence d’un tel intérêt.
Ainsi, le Conseil d’État exerce désormais un contrôle normal en matière de changement de nom patronymique.
CE 31 janv. 2014, Mrs R., n° 362444
Références
« Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom.
La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré.
Le changement de nom est autorisé par décret. »
■ CE 4 déc. 2009, n° 309004, au Lebon ; AJ fam. 2010. 36, obs. I. Gallmeister ; RTD civ. 2010. 297, obs. J. Hauser.
■ CAA Paris, 27 janv. 2003, n° 00PA02050, Garde des Sceaux, ministre de la Justice c/ Mustafa.
■ Contrôle restreint
« Le contrôle restreint, ou contrôle minimum, peut normalement être exercé sur tous les actes décisoires de l'administration ou ne ressortissant pas de la catégorie des actes de gouvernement. Outre la légalité externe de l'acte, il comprend le contrôle du défaut de base légale, de l'erreur de droit, de l'exactitude matérielle des faits et de l'erreur manifeste d'appréciation dans le choix de la décision ou la qualification juridique des faits. Ce dernier point est exclu du contrôle infra minimum (ou contrôle minimum restreint), qui trouve à s'appliquer lorsque l'administration dispose du pouvoir discrétionnaire le plus étendu. »
Source : Lombard, Dumont, Droit administratif, 9e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2011, p. 500.
« Par le contrôle normal, outre tous les points déjà contrôlés dans le cas d'un contrôle restreint, ce n'est plus seulement l'erreur manifeste d'appréciation de la qualification des faits ou du choix de la décision qui sera contrôlée, mais bien cette qualification et ce choix proprement dits, sans que le juge entre pour autant dans des considérations d'opportunité qui appartiennent au pouvoir discrétionnaire de l'administration.
Source : Lombard, Dumont, Droit administratif, 9e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2011, p. 500.
■ Erreur manifeste d'appréciation
« L'erreur manifeste d'appréciation est une erreur grossière commise par l'administration dans l'appréciation des faits qui ont motivé la décision soumise au contrôle du juge ou dans le choix de la décision. L'erreur manifeste d'appréciation est contrôlée dans tous les cas par le juge administratif, à l'exception de ceux où s'exerce un contrôle minimum restreint. »
Source : Lombard, Dumont, Droit administratif, 9e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2011, p. 500.
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