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Changement de prénom : intérêt légitime exigé pour un retour au prénom d’origine
Mots-clefs : Changement de prénom, Prénom d’origine, Reprise, Intérêt légitime, Religion
De simples doléances contenues dans un certificat médical ne démontrent pas de l’intérêt légitime qu’aurait une femme à retrouver son prénom d’origine.
Au cours d’une procédure de naturalisation, une femme d’origine algérienne avait volontairement accepté la francisation de son prénom Malika en Louise. Six mois après obtention de cette autorisation, elle présentait une nouvelle requête pour retrouver l’usage de son prénom de naissance.
Ayant volontairement accepté la francisation de son prénom pouvait-elle reprendre celui d’origine ?
La Haute cour répond par la négative, confirmant ainsi la décision des juges du fond, au motif que la demande de la requérante ne reposait pas sur un intérêt légitime. En effet, il n’était pas démontré en l’espèce que l’usage du prénom français (et chrétien) ait coupé cette femme de sa famille et les motifs religieux qu’elle invoquait alors étaient purement généraux.
Dans une telle situation, la Cour de cassation préconise une appréciation in concreto de l’intérêt légitime. Elle précise que l’intérêt légitime, condition de fond imposée par l’article 60 du Code civil, doit être apprécié au moment où le juge statue, en fonction des éléments existants (Civ. 1re, 6 mars 1990, où le port d'un prénom chrétien constituait pour le requérant un obstacle à la pratique de la religion musulmane et était de nature à lui interdire le pèlerinage à La Mecque ; Civ. 1re, 22 juin 1999, où le requérant soutenait une perte d’identité dans ses rapports avec son pays d’origine et ses traditions religieuses). C’est dans cette logique que la Haute cour a été amenée à censurer un arrêt d’appel qui, pour refuser le retour au prénom d’origine, retenait que l’intérêt légitime du requérant résidait en sa qualité de français, dans sa volonté d’intégration dans la communauté française, plutôt que d’éloignement de cette communauté : « ne peut rejeter la requête pour un motif d’ordre général sans rechercher si, eu égard aux circonstances de l’espèce, l’état de fait invoqué n’est pas de nature à constituer pour l’intéressé un intérêt légitime » (Civ. 1re, 2 mars 1999, où la demande de retour au prénom d’origine était motivée par un isolement familial du fait de la constitution d’un foyer avec une femme de confession musulmane et dont les cinq enfants portaient tous des prénoms arabes).
L’arrêt commenté s’inscrit donc dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui exige d’apprécier au cas par cas l’intérêt légitime du requérant et les juges du fond semblent vouloir suivre la même voie (Paris, 17 janv. 2002, où justifiait d’un intérêt légitime à reprendre son prénom d’origine arabe, un Français musulman rejeté par sa famille et amis).
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n°09-10.240
Références
« Vocable servant à distinguer les membres d’une même famille ou les individus portant un nom de famille identique.
Les prénoms sont choisis librement par les père et mère, sous réserve du contrôle du juge aux affaires familiales qui peut estimer que le choix n’est pas conforme à l’intérêt de l’enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille. Le juge aux affaires familiales est saisi par le procureur de la République, lui-même alerté par l’officier de l’état civil. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
« Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l'intéressé ou, s'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L'adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée.
Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. »
■ Civ. 1re, 6 mars 1990, n°88-15.150, Bull. civ. I, n°62 ; D. 1990. Jur. 477, note Massip.
■ Civ. 1re, 22 juin 1999, n°97-14.794.
■ Civ. 1re, 2 mars 1999, n°97-15.958, Bull. civ. I, n°76 ; D. 1999. 89 ; RTD civ. 1999. 358, note Hauser.
■ Paris, 17 janv. 2002, D. 2002. 695.
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