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Droit des régimes matrimoniaux
Charge de la preuve en cas de recel entre époux
Mots-clefs : Divorce, Partage, Bien commun, Recel, Preuve, Obligation d'information, Art. 1477 C. civ.
Lors de l’évaluation de l’actif partageable, il incombe à l’époux administrateur d’un bien commun de prouver qu’il avait informé son conjoint de la valeur réelle du bien dont il a disposé pendant le mariage.
Deux époux souhaitaient divorcer. Compte tenu de l’importance du patrimoine, ils ont rencontré quelques difficultés à trouver un accord relatif au partage des biens communs et à l’attribution d’une prestation compensatoire au profit de l’épouse. Une fois le divorce prononcé, la convention définitive homologuée et le partage réalisé, l’ex-épouse prend connaissance — du fait d’un contrôle opéré par l’administration fiscale — que les actions d’une société qui dépendait de la communauté, avaient été cédées cinq mois avant la conclusion de l’acte de partage à une valeur bien supérieure à celle déclarée lors de l’évaluation de l’actif commun. L’ex-épouse assigna son ex-mari, notamment, en paiement sur le fondement du recel.
En vertu de l’article 1477 alinéa 1er du Code civil, « Celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets ». Le recel nécessite la réunion de deux éléments constitutifs : l’un matériel (dissimulation ou acte de divertissement), l’autre intentionnel (volonté de rompre l’égalité du partage). C’est à celui qui se prétend victime d’un recel de rapporter la preuve par tous moyens de l’existence de ces éléments (art. 1315 C. civ.) soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.
En l’espèce, la demande de l’ex-épouse est rejetée, cette dernière ne rapportant pas la preuve du recel. En effet, selon les juges du fond, l’époux n’aurait nullement eu l’intention de dissimuler volontairement un actif de la société. S’appuyant sur les correspondances échangées entre l’avocat de l’une et l’expert-comptable de l’autre ayant conduit à un projet de partage amiable, ils ont estimé qu’il était peu probable que l’épouse n’a pas eu connaissance du prix de cession, et donc de la valeur des actions.
C’est au visa de l’article 1477 du Code civil que la Haute cour casse ce raisonnement fondé sur « des motifs hypothétiques ». Sans renverser la charge de la preuve, elle déclare « qu’il incombait au mari de prouver qu’il avait informé son épouse de la valeur réelle des actions communes dont il avait disposé » et qu’il appartenait aux juges du fond de rechercher si l’époux « avait porté le prix de cession à la connaissance » de son épouse.
La Cour de cassation poursuit donc le raisonnement qu’elle avait initié pour combattre la présomption posée à l’article 1421 du Code civil : « si un époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et de disposer seul des deniers communs dont l'emploi est présumé avoir été fait dans l'intérêt de la communauté, il doit, cependant, lors de la liquidation, s'il en est requis, informer son conjoint de l'affectation des sommes importantes prélevées sur la communauté qu'il soutient avoir employées dans l'intérêt commun » (Civ. 1re, 16 mars 1999 ; Civ. 1re, 28 avr. 2003 ; Civ. 1re, 14 févr. 2006). Pèse donc sur l’époux administrateur du bien commun une obligation d’information à l’égard de son conjoint sous peine de voir qualifié son acte de recel (v. en matière de succession : Civ. 1re, 20 déc. 1993).
Civ. 1re, 1er juin 2011, n°10-30.205, F-P + B + I
Références
« Fraude consistant à détourner un objet de la communauté, ou un effet de la succession, en vue de se l’approprier et de frustrer les autres ayants droit (conjoint ou cohéritiers) de la part devant leur revenir dans les choses détournées ou dissimulées. Le recel est un délit civil; le receleur ne peut prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recélés.
Sous la communauté légale, le recel est également constitué par le fait de dissimuler sciemment l’existence d’une dette commune; celui des époux qui s’en rend coupable doit assumer cette dette définitivement. Et en matière successorale, le délit de recel a été étendu à la dissimulation de l’existence d’un cohéritier et à la dissimulation d’une donation rapportable ou réductible. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« Chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre.
L'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de disposition nécessaires à celle-ci.
Le tout sous réserve des articles 1422 à 1425. »
« Celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets.
De même, celui qui aurait dissimulé sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer définitivement. »
■ Civ. 1re, 16 mars 1999, n°97-11.030 ; RTD civ. 2001. 189, note Vareille.
■ Civ. 1re, 28 avr. 2003, n°01-02.485 ; D. 2003. 2597, note Brémond.
■ Civ. 1re, 14 févr. 2006, n°03-20.082.
■ Civ. 1re, 20 déc. 1993, n°92-14.419.
■ P.-J. Claux, S. David, Droit et pratiques du divorce 2010/2011, 1re éd., Dalloz, coll. « Dalloz Référence », 2010, n°232-131 s.
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