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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Charge de la preuve et date d’appréciation de la disproportion du cautionnement
Mots-clefs : Cautionnement, Personne physique, Débiteur principal, Procédure collective, Plan de sauvegarde, Disproportion, Date d’appréciation, Charge de la preuve
Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation et il incombe au juge, pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de caution, de se placer au jour de l’inexécution du plan de sauvegarde par le débiteur principal lorsque ce dernier y a été soumis.
Le 12 janvier 2006, une banque avait consenti à une société d’audit un prêt pour l'acquisition de parts d’une société d'expertise comptable, prêt dont le remboursement était garanti par le cautionnement consenti à la banque par le dirigeant de ces sociétés. Une procédure de sauvegarde ayant été ouverte, le 24 mars 2009, à l'égard de la seconde société, puis étendue, le 15 décembre 2009, à la première, un plan de sauvegarde avait été arrêté le 20 mai 2010. Le 17 novembre 2010, la banque avait assigné le dirigeant en exécution de son engagement de caution. Puis par un jugement en date du 20 février 2012 prononçant la liquidation judiciaire des sociétés, le plan de sauvegarde avait ainsi été résolu. Pour condamner la caution à payer à la banque la somme demandée, la cour d’appel retint que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde n’avait suspendu les poursuites contre la caution que jusqu'au jugement arrêtant le plan de sauvegarde, en sorte que la date à retenir pour apprécier la disproportion éventuelle de l’engagement de la caution était celle de l'assignation du 17 novembre 2010, la caution ne pouvant se prévaloir des dispositions du plan pour échapper à ses obligations. Les juges ajoutèrent qu’en l’espèce, la caution ne pouvait pas davantage se défaire de son engagement faute pour elle d’avoir rapporté la preuve de sa disproportion au moment où elle avait été appelée. Au visa des articles L. 626-11 du Code de commerce, L. 341-4 du Code de la consommation et 1315 du Code civil, cette décision est cassée par la chambre commerciale, affirmant d’une part que pour apprécier si, au sens du second de ces textes, le patrimoine d’une caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit, en principe, se placer au jour où la caution est assignée, cependant, si à ce moment, le débiteur principal bénéficie d'un plan de sauvegarde en cours d'exécution, l'appréciation doit être différée au jour où le plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal. D’autre part, la Cour déduit de la combinaison des deux derniers textes visés qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation. Elle reproche en conséquence aux juges du fond de ne pas avoir constaté qu'à la date retenue, le plan de sauvegarde du débiteur principal, dont la caution pouvait se prévaloir, n'était pas exécuté, et d’avoir inversé la charge de la preuve. Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article L. 626-11 du Code de commerce, le jugement qui arrête le plan de sauvegarde en rend les dispositions opposables à tous et que les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle peuvent s'en prévaloir. Elle précise également que le juge doit se placer au jour où une telle procédure n’est plus respectée par le débiteur principal pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de la caution, et non à la date théorique de la reprise des poursuites individuelles soit, en l’occurrence, celle de l'assignation en paiement du 17 novembre 2010.
Cette règle est conforme au caractère accessoire du cautionnement (C. civ., art. 2288). En effet, le cautionnement étant accessoire à l’engagement du débiteur principal, l’engagement de payer que prend la caution n’est pas autonome ou indépendant de celui pris par le débiteur. En conséquence, l’existence, l’étendue et l’exigibilité de l’obligation de la caution dépendent directement de celles attachées à l’engagement de son débiteur. C’est la raison pour laquelle en l’espèce, la Cour fixe la date à retenir pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de caution au jour où il est avéré que le débiteur principal, soumis à une procédure collective, ne peut plus satisfaire son engagement, c’est-à-dire au jour où il n’est plus en mesure de respecter les dispositions du plan de sauvegarde. Dans un second temps, la Cour rappelle que la charge de la preuve de la proportionnalité de l’engagement de la caution, au jour où le créancier appelle celle-ci en garantie, pèse sur ce dernier, et non sur la caution. Certes, conformément à l’article 1315, alinéa 1er du Code civil, il appartient par principe à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement de le prouver (Civ. 1re, 7 avr. 1999, n° 97-04.120).
En l’espèce, la caution avait su établir la disproportion originaire de son engagement. Or, pour se prévaloir néanmoins du contrat, la banque aurait dû rapporter la preuve que la caution était devenue apte à y satisfaire au jour où elle avait été appelée en garantie (C. consom., art. L. 341-4). Autrement dit, si la charge de prouver la disproportion originaire du contrat pèse sur la caution, dès lors que celle-ci est satisfaite, la preuve de la proportion à l’échéance, permettant au créancier d’échapper à la sanction prévue par le texte, incombe à ce dernier. Contrairement à l’analyse des juges du fond, il appartenait donc à la banque qui avait fait souscrire à la caution un engagement manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, d’établir, pour se prévaloir néanmoins du contrat, qu’en dépit de la disproportion initiale de l’engagement, la caution était en mesure d’y répondre au jour de l’appel en garantie.
Com., 1er mars 2016, n° 14-16.402
Référence
■ Civ. 1re, 7 avr. 1999, n° 97-04.120.
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