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[ 5 novembre 2009 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Chute de pierres d'un bâtiment : quel régime de responsabilité ?

Mots-clefs : Bâtiment, Ruine, Défaut d'entretien, Vice de construction, Responsabilité du fait des choses, Gardien

Si l'article 1386 du Code civil vise spécialement la ruine d'un bâtiment, les dommages qui n'ont pas été causés dans de telles circonstances peuvent néanmoins être réparés sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er qui édicte une présomption de responsabilité du fait des choses.

Que reste-il de l'article 1386 du Code civil ? Peu de chose, apparemment, comme semble en attester l'arrêt du 22 octobre 2009.

En l'espèce, un véhicule avait été endommagé par la chute de pierres provenant de la voûte d'un bâtiment. Le propriétaire avait été condamné sur le fondement de l'article 1386 du Code civil. L'assureur de ce dernier contestait, dans son pourvoi, l'application faite de ce texte, en relevant notamment que, faute pour l'expertise d'avoir établi que la ruine résultait d'un défaut d'entretien, la victime aurait dû prouver l'existence d'un vice de construction.

Cet argument, bien que convaincant au regard de la lettre de la loi, n'emporte pas l'adhésion de la Cour de cassation qui relève que « si l'article 1386 du code civil vise spécialement la ruine d'un bâtiment, les dommages qui n'ont pas été causés dans de telles circonstances peuvent néanmoins être réparés sur le fondement des dispositions de l'article 1384 alinéa 1er du même code qui édictent une présomption de responsabilité du fait des choses ».

La Haute Cour avait déjà réduit le champ d'application de l'article 1386, en retenant que la notion de ruine d'un bâtiment supposait la chute d'un bâtiment ou d'un élément de celui-ci (Civ. 2e, 16. oct. 2008). En l'espèce, elle va encore plus loin car malgré la chute d'un élément de construction, elle estime que la responsabilité peut être engagée en application de l'article 1384 alinéa 1er, « sans qu'il soit nécessaire de déterminer le vice dont pouvait être atteinte la voûte ». Dès lors que c'est de cette voûte que provenaient les pierres dont la chute a endommagé le véhicule, le propriétaire de l'immeuble engage sa responsabilité en sa qualité de gardien de la chose.

Le mouvement jurisprudentiel consistant à limiter la notion de ruine afin de réduire le champ d'application de l'article 1386 (qui institue un régime spécifique de responsabilité exigeant la preuve, rapportée par la victime, d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction à l'origine de la ruine du bâtiment) au profit du droit commun de l'article 1384, alinéa 1er, et de faciliter la réparation de la victime (qui peut, dans un premier temps au moins, se contenter d'établir l'intervention   éventuellement active — de la chose) atteint ici son paroxysme, la chute de pierres n'impliquant pas la ruine du bâtiment dont elles proviennent...

 

Références

Code civil

Article 1384

« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »

Article 1386

« Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction. « 

Civ. 2e 16. oct. 2008, Bull. civ. II n° 211 ; D. 2008. AJ 2720 ; ibid. 2009. Chron. C. cass. 772, obs. Nicolétis ; RDI 2008. 558 obs. Leguay ; RLDC 2008/55 n° 3214 obs. Bugnicourt ; RTD civ. 2009. 128 obs. Jourdain.

■ Y. Lequette, F. Terré et Ph. Simler, Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », nos 745 s., spéc. 778 s.

 

Auteur :S. L.


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