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Droit administratif général
Circulaire : précisions sur les pouvoirs du Premier ministre
Mots-clefs : Circulaire, Pouvoir du Premier ministre, Caractère impératif, Mademoiselle, Madame
À l’occasion d’un recours de l’association « Libérez les Mademoiselles ! » contre la circulaire du Premier ministre du 21 février 2012 préconisant notamment de privilégier le terme « Madame » à celui de « Mademoiselle », le Conseil d’État précise l’autorité qu’il convient d’attacher aux circulaires du Premier ministre.
La circulaire attaquée avait pour objet de supprimer des formulaires et correspondances des administrations les termes « Mademoiselle », « nom de jeune fille », « nom patronymique », « nom d'épouse » et « nom d'époux ». L’association « Libérez les Mademoiselles ! » demandait au Conseil d’État d’annuler cette circulaire pour excès de pouvoir en tant qu’elle supprimerait et éliminerait le terme de « Mademoiselle » et le remplacerait de manière impérative par celui de « Madame ».
La décision rendue par le Conseil d’État le 26 décembre 2012 permet aux juges du Palais Royal de rappeler la distinction entre les circulaires « interprétatives » et « impératives » mais également de préciser les pouvoirs du Premier ministre concernant les circulaires.
D’abord, le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence du 18 décembre 2002, Mme Duvignères : « l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ».
Ensuite, le Conseil d’État précise, et c’est en ce sens que cet arrêt est important, l’autorité qu’il convient d’attacher aux circulaires du Premier ministre en rappelant les objectifs essentiels des circulaires : « si le Premier ministre ne saurait exercer le pouvoir réglementaire qu'il tient de l'article 21 de la Constitution sans respecter les règles de forme ou de procédure applicables à cet exercice, notamment l'exigence de contreseing résultant de l'article 22 de la Constitution, il lui est toujours loisible, sur le fondement des dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles il dirige l'action du Gouvernement, d'adresser aux membres du Gouvernement et aux administrations des instructions par voie de circulaire, leur prescrivant d'agir dans un sens déterminé ou d'adopter telle interprétation des lois et règlements en vigueur ». Si un recours est formé contre les dispositions impératives à caractère général d'une telle circulaire du Premier ministre, celui-ci doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle dont il est soutenu à bon droit qu'elle est illégale. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que les mesures ou l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaissent le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait mettre en œuvre ou expliciter, soit réitèrent une règle contraire à une norme juridique supérieure.
Enfin, la circulaire attaquée précise que le choix du terme « Madame » ou « Mademoiselle » n’est commandé par aucune disposition législative ou réglementaire, mais qu’il convient de privilégier celui de « Madame ». Dans cet objectif, le Premier ministre demande d’éliminer autant que possible des formulaires et correspondances des administrations le terme de « Mademoiselle ». Ainsi, le Conseil d’État considère que le Premier ministre n’a pas imposé à des personnes privées l’usage de certains mots ou expressions mais se borne à donner des instructions aux administrations selon lesquelles il convient de renoncer dans les formulaires administratifs à l’emploi du terme « Mademoiselle ».
CE 26 déc. 2012, Association « Libérez les Mademoiselles ! », n° 358226
Références
« 1. Abréviation de « lettre circulaire », encore appelée instruction ou note de service, la circulaire contient normalement des indications, recommandations, explications, destinées par les chefs de service, notamment les ministres, à encadrer leurs personnels dans l’organisation et le fonctionnement d’un service public. L’arrêt Notre-Dame du Kreisker, du 24 janvier 1954, distingue les circulaires interprétatives, actes non décisoires purement internes à l’Administration qui se bornent à reprendre le droit en vigueur, des circulaires réglementaires, qui, parce qu’elles modifient l’état du droit, sont assimilées à de véritables règlements. Il est à noter qu’une même circulaire peut contenir à la fois des dispositions réglementaires et interprétatives (CE, ass. 30 juin 2000, Assoc. Choisir la vie et a., Rec. 249). Le critère retenu est donc celui de l’innovation. La distinction est essentielle en ce qu’elle conditionne le régime juridique de la circulaire, son opposabilité aux administrés ainsi que la possibilité pour eux de l’invoquer. Sa principale conséquence est d’ordre contentieux : seules les circulaires réglementaires sont des actes faisant grief susceptibles d’être déférés au juge de l’excès de pouvoir. (…) »
Source : A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, 6e éd., Sirey, coll. « Dictionnaires Sirey, 2011.
■ CE, Sect., 18 déc. 2002, Mme Duvignères, n° 233618 : Lebon ; AJDA 2003. 487, chron. Donnat et Casas ; RFDA 2003. 280, concl. Fombeur ; ibid. 510, note Petit.
■ Constitution du 4 octobre 1958
« Le Premier Ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à l'article 15.
Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d'un Conseil des Ministres en vertu d'une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé. »
« Les actes du Premier Ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution. »
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