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[ 19 novembre 2013 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

CJUE : droit d’asile des homosexuels persécutés

Mots-clefs : Droit d’asile, Réfugié, Homosexualité, Directive CE n°2004/83 du 29 avril 2004, Législation nationale, Groupe social, Acte de persécution

La CJUE interprète les dispositions de la directive CE n°2004/83 du 29 avril 2004 afin de déterminer les conditions dans les lesquelles le droit d’asile peut être octroyé aux homosexuels persécutés dans leur pays d’origine.

Trois ressortissants de Sierra Leone, d’Ouganda et du Sénégal ont présenté des demandes d’asile aux Pays-Bas craignant d’être persécutés, du fait de leur homosexualité, dans leur pays où cela est réprimé pénalement. La juridiction d’appel des Pays-Bas saisie du litige a décidé de surseoir à statuer et de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice européenne quant à l’application de la directive CE n°2004/83 du 29 avril 2004.

Il était posé trois questions préjudicielles à la CJUE : sur la notion de groupe social, sur la persécution et enfin sur la nécessité, ou non, de dissimuler son homosexualité pour un ressortissant d’un pays où cela est réprimé.

▪ La directive dont il est question établit des normes minimales relatives au statut des réfugiés et précise en son article 2 c) ce qu’il faut entendre par réfugié. Il s’agit de « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Ainsi, l’orientation sexuelle n’apparait pas. 

La CJUE s’est donc rattachée à la notion de groupe social et a affirmé que dès lors qu’une législation pénale vise spécifiquement les personnes homosexuelles cela permet de constater qu’elles forment un groupe social déterminé. Sur ce point, on soulignera que la position de la France semble être conforme à cette qualification puisque contrairement à sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État a récemment considéré que l’appartenance à un groupe social peut résulter de l’orientation sexuelle (CE 27 juill. 2012, M. B.).

▪ La CJUE s’est, ensuite, penchée sur la notion de persécution (Dir., art. 9 § 1er). La question qui lui était posée était la suivante : le seul fait de pénaliser des actes homosexuels et d’assortir cette pénalisation par une peine d’emprisonnement constitue-t-il un acte de persécution ?

La Cour considère, en l’espèce, que la seule existence d’une législation pénalisant les actes homosexuels ne permet pas de considérer que le niveau de gravité qu’exige la notion de persécution est atteint. Cependant, lorsque la législation comprend une peine d’emprisonnement, elle est alors susceptible de constituer un acte de persécution à condition toutefois, souligne la Cour, qu’elle soit effectivement appliquée.

En résumé, la simple pénalisation de l’homosexualité ne suffit pas pour bénéficier du droit d’asile. La Cour semble affirmer qu’il faut a minima une peine d’emprisonnement qui soit réellement appliquée dans les faits. Ainsi, une peine d’emprisonnement qui n’est, en pratique, jamais appliquée ne remplit pas la condition de gravité suffisante. La CJUE donne ainsi des directives aux États en affirmant qu’il leur appartient de procéder à des évaluations et examens permettant de rechercher comment les textes sont appliqués.

Cet arrêt pose une restriction importante au droit d’asile des homosexuels. En effet, on ne sait comment les États vont procéder à cet examen et s’il y aura, ou non, un consensus en la matière.

▪ Enfin, la CJUE précise, tout de même, qu’ils ne doivent pas prendre en compte le fait que le demandeur d’asile puisse dissimuler son homosexualité ou apporter des réserves sur sa sexualité, afin d’éviter le risque pénal. Il s’agit, selon elle, d’une exigence contraire à la « reconnaissance même d’une caractéristique à ce point essentielle pour l’identité » (§ 70).

CJUE 7 nov. 2013, n° C-199/12, C-200/12, C-201/12

Références

■ Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts

Article 2 - Définitions

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

(…)

c) «réfugié», tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 12 ;

(…). »

Article 9 - Actes de persécution

« 1. Les actes considérés comme une persécution au sens de l'article 1A de la convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l'homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n'est possible en vertu de l'article 15, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a).

2. Les actes de persécution, au sens du paragraphe 1, peuvent notamment prendre les formes suivantes:

a) violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles;

b) les mesures légales, administratives, de police et/ou judiciaires qui sont discriminatoires en soi ou mises en œuvre d'une manière discriminatoire;

c) les poursuites ou sanctions qui sont disproportionnées ou discriminatoires;

d) le refus d'un recours juridictionnel se traduisant par une sanction disproportionnée ou discriminatoire;

e) les poursuites ou sanctions pour refus d'effectuer le service militaire en cas de conflit lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d'accomplir des actes relevant des clauses d'exclusion visées à l'article 12, paragraphe 2 ;

f) les actes dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ou contre des enfants.

3. Conformément à l'article 2, point c), il doit y avoir un lien entre les motifs mentionnés à l'article 10 et les actes de persécution au sens du paragraphe 1. »

■ CE 27 juill. 2012, M. B., n°349824, Dalloz Actu Étudiant 4 sept. 2013.

 

Auteur :C. D.

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