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[ 5 juin 2014 ] Imprimer

Procédure civile

Clause de médiation : une efficacité limitée

Mots-clefs : Fin de non-recevoir, Clause prévoyant une tentative de règlement amiable, Conciliation obligatoire préalable (non)

La clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci.

Régulièrement recommandé, le recours à la médiation et à la conciliation connaît toutefois quelques limites. Tel pourrait être l’enseignement de la décision rapportée.

En l’espèce, une société, invoquant certains manquements dans l’exécution d’un contrat de prestations informatiques conclu avec une société de services, avait assigné celle-ci en responsabilité. La société attaquée avait alors soulevé l’irrecevabilité de la demande pour défaut de mise en œuvre de la tentative préalable de règlement amiable prévue au contrat.

Pour juger, en effet, cette demande irrecevable, la cour d’appel retint que justifie une fin de non-recevoir, au sens de l’article 122 du Code de procédure civile, la stipulation contractuelle par laquelle les parties sont convenues qu’elles soumettront leur différend à un règlement amiable préalable et que cette fin de non-recevoir s’impose au juge même si la clause se limite à évoquer un règlement amiable sans préciser la procédure.

Se trouvait donc posée à la chambre commerciale la question de savoir si une clause de conciliation reste efficace à défaut de préciser les conditions nécessaires à son exécution.

Celle-ci y répond par la négative. Au visa de l'article 122 du Code de procédure civile, elle casse la décision précédente au motif que « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ».

La solution n’allait pas de soi. En effet, l’analyse des juges du fond, censurée par la Haute cour, pouvait être confortée par une jurisprudence antérieure connue pour avoir mis fin à la différence de positions opposant, sur cette question, la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation.

En effet, un arrêt rendu en chambre mixte avait solennellement affirmé « qu'il résulte des articles 122 et 124 du Code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent » (Ch. mixte, 14 févr. 2003). Claire et conciliatrice, cette solution pêchait néanmoins par sa radicalité au regard, principalement, du droit fondamental d’ester en justice (DDHC, art. 16 ; Conv. EDH, art. 6). En effet, puisque ces clauses, de médiation ou de conciliation, restreignent, même temporairement, ce droit fondamental, la détermination des conditions de leur mise en œuvre se révèle nécessaire.

En ce sens, la décision rapportée n’est pas isolée. Sur cette question, une certaine unanimité semble même se faire jour au sein des différentes chambres de la Cour de cassation.

Ainsi, la deuxième chambre civile avait commencé par assouplir l’effet des clauses de conciliation en précisant « que le défaut de mise en œuvre d'une clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui peut être régularisée en cours d'instance » (Civ. 2e, 16 déc. 2010).

Aussi la troisième chambre est-elle venue, par la suite, rappeler que l’efficacité de ce type de clauses dépend de la clarté de ses termes dont doit sans ambiguïté ressortir la volonté des parties de faire sanctionner son inexécution par une fin de non-recevoir (Civ. 3e, 23 mai 2012).

Pour qu’une clause de médiation ou de conciliation constitue une fin de non-recevoir, encore faut-il, en outre, que ses termes délimitent les litiges qu’elle vise. C’est ce que la chambre commerciale, déjà animée de la volonté de limiter leur efficacité, avait affirmé pour juger recevable, en dépit de la clause de médiation prévue au contrat, une action fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie (Com. 12 juin 2012).

Enfin, la chambre sociale partage la même volonté de tempérer l’efficacité de ces clauses, notamment en faisant en sorte d’en paralyser, le cas échéant, l'effet dilatoire : « en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend » (Soc. 5 déc. 2012).

La décision commentée vient parachever la jurisprudence précitée en prévoyant une nouvelle exigence : une clause de conciliation doit prévoir la procédure de sa mise en œuvre. On peut néanmoins regretter que la Cour n’apporte aucune précision sur les « conditions particulières de mise en œuvre » exigées (v. obs. Dissaux).

Tel Aristote prônant déjà le juste milieu, la Cour de cassation rappelle qu’« in medio stat virtus ».

Com. 29 avr. 2014, n° 12-27.004

Références

■ Ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 et n° 00-19.424, Bull. ch. mixte, n° 1 ; D. 2003. 1386, note Ancel et Cottin D. 2003. 2480, note Clay JCP 2003, 627, § 4, obs. Caussain, Deboissy et Wicker ; RTD civ. 2003. 294, obs. Mestre et Fages RTD civ. 2003. 349, obs. Perrot.

 Civ. 2e, 16 déc. 2010, n° 09-71.575.

 Civ. 3e, 23 mai 2012, n° 10-27.596.

■ Com. 12 juin 2012, n° 11-18.852.

■ Soc. 5 déc. 2012, n° 11-20.004.

■ JCP E 2014. 1290, comm. Dissaux.

■ Code de procédure civile

Article 122

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Article 124

« Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse. »

■ Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme

« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

 

Auteur :M. H.

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