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[ 27 octobre 2009 ] Imprimer

Droit commercial et des affaires

Clause de réserve de propriété : action en paiement contre le sous-acquéreur

Mots-clefs : Clause de réserve de propriété, Action réelle, Action personnelle, Action en revendication du prix, Redressement judiciaire

L'action en paiement exercée par le vendeur initial à l'encontre d'un sous-acquéreur de biens vendus avec clause de réserve de propriété s'analyse en une action personnelle et non en une action réelle.

Par l'arrêt du 6 octobre 2009, la Cour de cassation consacre la théorie suivant laquelle l'article 122 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (art. L. 624-18 C. com.) confère au vendeur-propriétaire deux actions distinctes :

– l'action en revendication du prix proprement dite (action réelle, exercée contre le débiteur pour faire reconnaître par la « procédure » sa qualité de propriétaire de la créance du prix de revente) ;

– et l'action personnelle en paiement de cette créance (exercée contre le débiteur de celle-ci, le sous-acquéreur).

En l'espèce, une société allemande avait vendu sous réserve de propriété des supports informatiques de stockage de données à une société française qui, elle-même, les avait revendus à quatre de ses filiales. La société française ayant été mise en redressement judiciaire, la société allemande exerça une action en revendication des matériels impayés ou, à défaut, de leur prix, puis en demanda le prix aux filiales, elles-mêmes mises en redressement puis liquidation judiciaires. Sa demande fut rejetée en première instance mais accueillie en cause d'appel, les juges du fond ayant retenu que, la créance de l'acquéreur sur le sous-acquéreur se substituant au matériel par voie de subrogation réelle, le vendeur bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété pouvait revendiquer le matériel entre les mains de l'acquéreur mais aussi entre celles du sous-acquéreur.

 Cette décision est censurée au quintuple visa des articles L. 622-7, L. 622-21, L. 624-18, L. 631-14 et L. 631-18 du Code de commerce, la Haute Cour précisant que « l'action en paiement exercée par le vendeur initial à l'encontre d'un sous-acquéreur de biens vendus avec clause de réserve de propriété s'analyse en une action personnelle et non en une action réelle ».

La Cour de cassation reprend donc, pour la première fois, de façon explicite, la qualification proposée par la doctrine. Elle en tire également toutes les conséquences. Ici, le vendeur initial se présentait comme un simple créancier dont la créance était née antérieurement à l'ouverture de la procédure du sous-acquéreur. Il se trouvait donc soumis à la loi du concours :

– interdiction de recevoir paiement (art. L. 622-7) ;

– interdiction des poursuites individuelles (art. L. 622-21) ;

– et — ce que l'arrêt ne dit pas mais que commande sa logique — obligation de déclarer sa créance au risque de ne pouvoir l'opposer à la procédure, c'est-à-dire de se voir écarter des répartitions et dividendes (art. L. 622-24 et L. 622-26).

Com. 6 octobre 2009

Références

Action en revendication

« Action réelle, dite pétitoire, donnée au propriétaire contre qui détient indûment son bien et refuse de le restituer en contestant son droit. Aboutit, en cas de succès, à la reconnaissance du droit de propriété et à la restitution du bien en cause. »

Action personnelle

« Action en justice par laquelle on demande la reconnaissance ou la sanction d’un droit personnel, quelle qu’en soit la source (convention, délit, loi, gestion d’affaires, enrichissement injuste).

Relative en général à un meuble corporel ou incorporel, une telle action peut, par exception, concerner un immeuble. »

Action réelle

« Action en justice par laquelle on demande que soit reconnu ou protégé un droit réel principal ou accessoire sur un immeuble, plus rarement sur un meuble. »

Clause de réserve de propriété

« Clause par laquelle un vendeur — pour garantir sa créance — se réserve la propriété de la chose vendue jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur.

Cette clause est opposable aux tiers, notamment aux créanciers de l’acquéreur mis en redressement ou en liquidation judiciaires lorsque certaines conditions sont réunies.

 

Redressement judiciaire

« 1° Droit commercial. Procédure judiciaire visant à réorganiser la situation juridique, financière et sociale de tout commerçant, de tout artisan, de toute personne morale de droit privé ou de toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante se trouvant dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Cette procédure doit permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

Le redressement judiciaire peut donner lieu soit à un plan de redressement, soit à un plan de cession.

En l’absence de telles solutions, le tribunal prononce la liquidation judiciaire. (…) »

Subrogation

« Opération qui substitue une personne ou une chose à une autre (subrogation personnelle et subrogation réelle), le sujet ou l’objet obéissant au même régime juridique que l’élément qu’il remplace. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

Code de commerce

Article L. 622-7

« I.-Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.

De même, il emporte, de plein droit, inopposabilité du droit de rétention conféré par le 4° de l'article 2286 du code civil pendant la période d'observation et l'exécution du plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d'activité décidée en application de l'article L. 626-1.

Il fait enfin obstacle à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire.

II.-Le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger.

Le juge-commissaire peut aussi l'autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l'activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d'option est justifiée par la poursuite de l'activité et que le paiement à intervenir est d'un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat.

III.-Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci. »

Article L. 622-21

« I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »

Article L. 622-24

« À partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.

La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.

La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351-21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1.

Les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail sont soumises aux dispositions du présent article pour les sommes qu'elles ont avancées et qui leur sont remboursées dans les conditions prévues pour les créances nées antérieurement au jugement ouvrant la procédure.

Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.

Le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court dans les conditions prévues au premier alinéa ou à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture.

Les créances alimentaires ne sont pas soumises aux dispositions du présent article. »

Article L. 622-26

« À défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.

Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité. »

Article L. 624-18

« Peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article L. 624-16 qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure. Peut être revendiquée dans les mêmes conditions l'indemnité d'assurance subrogée au bien. »

■ Pour aller plus loin :

Com. 24 mai 2005, Bull. civ. IV, n° 110 ; D. 2005. AJ. 1633, obs. Lienhard.

Com. 21 févr. 2006, Bull. civ. IV, n° 43 ; D. 2006. AJ. 718, obs. Lienhard ; ibid. et Pan. 2250, obs. Lucas ; RTD com. 2007. 233, obs. Martin-Serf.

Com. 16 juin 2009, D. 2009. AJ. 1752, obs. Lienhard.

 

Auteur :S. L.

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