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Droit commercial et des affaires
Clause de réserve de propriété et droit des procédures collectives
Mots-clefs : Procédure collective, Propriété retenue, Clause de réserve de propriété, Opposabilité, Conditions, Déclaration de la créance, Revendication
En application des dispositions combinées des articles 2329 du Code civil et L. 624-9 du Code de commerce, si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions.
Depuis quelques années, le déclin des sûretés réelles traditionnelles a favorisé le développement d'autres techniques qui ont pour effet de placer un créancier en situation d'exclusivité : ainsi du droit de rétention, de la compensation de dettes connexes, des actions directes, et enfin, des propriétés-garanties (v. L. Bourgerol-Prudhomme).
Au sein de ces dernières, la « propriété retenue », introduite en 2006 dans le Code civil par voie d’ordonnance (Ord. n°2006-646 du 23 mars 2006), est naturellement venue renouveler le régime et l’intérêt de la clause de réserve de propriété. Celle-ci est définie par l’article 2367 du Code civil comme la clause « permettant de suspendre l’effet translatif d’un contrat jusqu’à complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ». C’est à ce titre que la propriété réservée constitue « l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement ». Si l’article 2329 du Code civil la qualifie sans équivocité de sûreté réelle — ce qui pourrait d’ailleurs être discuté — la décision rapportée révèle que la portée de cette qualification est, en cas de procédure collective ouverte contre le débiteur, relativement limitée.
En l’espèce, une société, liée à une autre par un contrat d'approvisionnement incluant une clause de réserve de propriété, avait déclaré à titre privilégié sa créance après la mise en liquidation judiciaire de la société débitrice. Or le liquidateur contesta le caractère privilégié de la créance.
En appel, les juges lui donnèrent gain de cause au motif que le caractère privilégié de la créance déclarée n'était pas justifié dès lors qu’en l’absence d'action en revendication exercée dans le délai légal, le droit de propriété de la société créancière était inopposable à la procédure collective. La créancière forma alors un pourvoi en cassation, dont le moyen unique visait à soutenir que la propriété réservée constituant une sûreté réelle, elle est opposable à la procédure collective, même sans exercice de l'action en revendication.
La chambre commerciale devait répondre à la question de savoir si la nature de sûreté réelle de la clause de réserve de propriété suffit à déroger au droit spécial des procédures collectives, et plus particulièrement, à l’exigence d’agir en revendication dans le délai légal.
Elle y répond par cet attendu de principe : « (…) en application des dispositions combinées des articles 2329 du code civil et L. 624-9 du code de commerce, si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions ».
Ainsi, une société bénéficiaire d’un droit de réserve ne peut se satisfaire d’être titulaire d’une sûreté réelle pour faire valoir un droit de préférence lié au privilège de sa créance (C. civ., art. 2323). Encore doit-elle respecter, le spécial l’emportant sur le général, les conditions spécifiques du Code de commerce relatives aux procédures collectives, et en particulier, l’exercice de l’action en revendication du bien, dont l’opposabilité de la créance à la procédure ouverte dépend, et ce dans le délai de forclusion de l’article L. 624-9 du Code de commerce (délai de trois mois suivant la publication du jugement qui ouvre la procédure).
C’est en ce sens que la Cour souligne que l'article 2323 du Code civil, en vertu duquel le privilège est une cause de préférence, ne peut être appliqué qu’à la condition que la propriété retenue existe pour avoir été reconnue dans les conditions propres aux procédures collectives. À défaut de revendiquer le bien dans le délai prévu, le droit de propriété du réservataire sera donc inopposable à la procédure, et la créance déclarée seulement admise à titre chirographaire.
Et en l’espèce, il n'était pas contesté que la société créancière avait omis de revendiquer les marchandises impayées, quoiqu’elle eût bien déclaré la créance du prix de vente. Relevons d’ailleurs, sur ce point, que le simple fait de déclarer sa créance à titre privilégié, comme l’avait fait la société demanderesse, ne suffit pas à rendre le droit de propriété du créancier opposable à la procédure collective.
En somme, dès lors qu’il ne respecte pas les conditions d’exercice et de délai de l’action en revendication, le vendeur, même s’il a pris la précaution de déclarer sa créance, sera dans l’impossibilité de rendre son droit de propriété opposable à la procédure collective du débiteur. Ces biens relèveront à nouveau du droit de gage général des créanciers, et pourront être valablement vendus par le liquidateur.
Com. 15 oct. 2013, n°13-10.463
Références
« Les causes légitimes de préférence sont les privilèges et hypothèques. »
« Les sûretés sur les meubles sont :
1° Les privilèges mobiliers ;
2° Le gage de meubles corporels ;
3° Le nantissement de meubles incorporels ;
4° La propriété retenue ou cédée à titre de garantie. »
« La propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.
La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. »
■ Article L. 624-9 du Code de commerce
« La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure. »
■ L. Bourgerol-Prudhomme, Exclusivité et garanties de paiement, LGDJ, 2012.
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