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Droit des régimes matrimoniaux
Clauses de droit de retour et d’inaliénabilité : leur apport dans la communauté universelle est possible
Mots-clefs : Civil, Donations, Droit de retour, Clause d’inaliénabilité, Mariage, Changement de régime matrimonial, Communauté universelle, Divorce, Entrée du bien donné dans la communauté
Les clauses de droit de retour et d’inaliénabilité stipulée dans une donation n’ont pas pour effet de s’opposer à l’entrée du bien dans la communauté universelle du donataire et de son épouse.
En 1973, des parents avaient consenti à leurs deux fils une donation, stipulant un droit de retour assorti d’une interdiction d'aliéner, portant sur la moitié en pleine propriété d'un local commercial. Puis, sept ans plus tard, l'un des fils avait cédé ses droits indivis dans le local à son frère. En 1984, après avoir divorcé, les parents avaient fait donation à leurs fils de la nue-propriété de l'autre moitié du local, s’en réservant l'usufruit. En 1989, le donataire, jusqu’alors marié sous le régime de la séparation de biens, avait préféré adopter celui de la communauté universelle, l’acte modificatif mentionnant l’interdiction conventionnelle d’aliéner. Un an plus tard, avec sa mère et son épouse, il consent un bail commercial sur le local, stipulant que seule la mère en percevrait les loyers. Mais près de dix ans plus tard, il divorce. Invoquant sa qualité de coïndivisaire, son ex-épouse réclame en conséquence à la mère une somme représentant un quart des loyers.
La cour d'appel accueillit sa demande au motif que la clause de retour et d’inaliénabilité ne faisait pas formellement obstacle à l’entrée du bien, ou du moins de l’usufruit du bien, dans la communauté universelle des époux.
La mère forma un pourvoi en cassation. Elle dénonçait la dénaturation, par les juges du fond, des actes notariés de 1973 et de 1984 stipulant le retour et l’inaliénabilité du bien donné, dont ils auraient dû déduire l’impossibilité d’intégrer ce bien donné dans la communauté universelle des anciens époux et l’absence de tout droit de l’ancienne épouse sur les loyers perçus à compter de la mise en location du local donné. Son pourvoi est rejeté, la cour d'appel ayant exactement décidé, hors toute dénaturation, que les clauses de droit de retour et d'inaliénabilité affectant les droits (du donataire) sur le local objet de la donation ne faisaient pas obstacle à l'entrée de ces droits dans la communauté universelle qui avait existé entre le donataire et son épouse.
La clause de droit de retour (C. civ., art. 931) prévoit qu’en cas de décès du donataire sans descendance, et précédant celui du donateur, le bien donné retournera dans le patrimoine du donateur. L’effet du droit de retour est alors de résoudre toutes les aliénations consenties sur les biens ou sur les droits donnés, et de les faire revenir dans le patrimoine du donateur. La stipulation d’une clause d’inaliénabilité (C. civ., art. 900-1) complète et renforce l’efficacité du droit de retour en faisant obstacle, par dérogation au principe de la libre disposition des biens, à tout transfert de propriété postérieur à l’acte des biens donnés ou légués. En revanche, la clause d’attribution intégrale du bien à la communauté, en ce qu’elle n’est pas une donation (C. civ., art. 1525), n’est pas concernée par cette interdiction. Ce type de clauses est stipulé dans l’hypothèse suivante : lorsque l'enfant du donataire est marié, ou vient à se marier, sous le régime de la communauté, il est possible de préciser l’affectation du bien donné ; selon le cas, le bien entrera dans le patrimoine personnel du donataire (clause d’exclusion) ou dans le patrimoine commun du couple (clause d’attribution). Le donateur peut ainsi choisir de gratifier ou non, à cette occasion, le conjoint de son enfant.
L’intérêt de la décision rapportée est donc d’avertir les donateurs qui entendent s’opposer à l’intégration du bien objet de la libéralité qu’ils consentent dans la communauté, présente ou à venir, du gratifiant, d’avoir à le prévoir expressément par la stipulation d’une clause d’exclusion du bien donné, celle-ci ne pouvant être obtenue par la seule stipulation d’un droit de retour et d’inaliénabilité du bien. Justifiée par le texte de l’article 1525 du Code civil, la solution l’est également par le texte qui le suit, qui n’exclut des biens susceptibles d’intégrer la communauté universelle que ceux, par nature propres aux époux, visés à l’article 1404 du Code civil.
Or en l’espèce, le bien donné, d’une autre nature que celle des biens visés par ce texte, avait bien vocation à entrer dans la communauté des époux. En outre, la solution ne contredit pas en soi la finalité de l’institution du droit de retour assorti d’une inaliénabilité conventionnelle dès lors que l’inclusion du bien donné dans la communauté universelle n’est pas de nature à compromettre la conservation en nature du bien.
Civ. 1re , 18 mars 2015, n° 13-16.567.
Références
■ Code civil
« Les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige.
Les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités consenties à des personnes morales ou mêmes à des personnes physiques à charge de constituer des personnes morales. »
« Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. »
« Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté. »
« La stipulation de parts inégales et la clause d'attribution intégrale ne sont point réputées des donations, ni quant au fond, ni quant à la forme, mais simplement des conventions de mariage et entre associés.
Sauf stipulation contraire, elles n'empêchent pas les héritiers du conjoint prédécédé de faire la reprise des apports et capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur. »
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