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Clauses résolutoires des baux commerciaux : extension du pouvoir du juge d’en suspendre les effets
Dans un bail commercial, la suspension des effets d'une clause résolutoire consécutive à l’octroi d’un délai au locataire peut toujours être décidée par le juge, quel que soit le manquement contractuel reproché par le bailleur à son cocontractant.
Civ. 3e, 6 févr. 2025, n° 23-18.360
Selon l’article 1224 du Code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur (résolution unilatérale) ou d'une décision de justice (résolution judiciaire).
À l’instar de la résolution par voie de notification, le but de la clause résolutoire est d’éviter aux parties la saisine du juge, puisque celle-ci permet de résoudre le contrat en dehors de son intervention. Lorsqu’un litige s’élève quant à la qualification ou la portée de la clause, le juge dispose cependant de prérogatives importantes. En droit commun du bail, il est ainsi autorisé à en écarter la mise en œuvre en cas de mauvaise foi du créancier. En droit spécial, le même pouvoir de contrôler ses conditions d’application lui est conféré. Ainsi en droit des baux commerciaux : de même que les parties au contrat de bail commercial ont la liberté, dont elles usent largement, d’insérer une clause résolutoire de plein droit, dont la validité de principe est pareillement admise, le juge est habilité, conformément au droit commun, à en paralyser l’efficacité lorsqu’elle est mise en œuvre de mauvaise foi par son créancier. En revanche, en droit commun du bail, l’étendue des pouvoirs du juge saisi d’une clause résolutoire est limitée par l’interdiction qui lui est faite d’accorder des délais de grâce au débiteur, contrairement à l’hypothèse de la résolution judiciaire (v. Stéphanie Porchy-Simon, Droit des obligations, Dalloz, 16e éd., n° 573). Acquise depuis le XIXe siècle, cette limitation à l’étendue des pouvoirs du juge saisi d’une clause résolutoire ne s’étend pas, en revanche, au droit spécial : l'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce prévoit en effet que le juge peut accorder des délais et suspendre les effets de la clause résolutoire stipulée dans un bail commercial dès lors que la résiliation de plein droit prévue au contrat n’aura pas été constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Dans ce cas, si le locataire se libère de ses obligations dans les conditions de délai et d’exécution fixées par le juge, la clause résolutoire ne jouera pas. Renforçant la portée d’une telle prérogative judiciaire, l’arrêt sélectionné ajoute que la suspension des effets d'une clause résolutoire stipulée dans un bail commercial peut être décidée par le juge quel que soit le manquement contractuel reproché au locataire.
Au cas d’espèce, un bail commercial avait été conclu pour l’exploitation d’un restaurant. Le contrat mettait à la charge du preneur une obligation d’exploitation continue. L’inexécution de cette obligation par le preneur avait conduit le bailleur, après avoir fait constater la fermeture du restaurant, à signifier à son cocontractant un commandement de reprendre l’exploitation des lieux, visant la clause résolutoire prévue au bail en cas de défaut d’exploitation du fonds. Faute pour le locataire d’avoir satisfait à la mise en demeure, le bailleur l’avait assigné en constatation de la résiliation du bail. Pour sa défense, le preneur avait fait valoir que la non-exploitation du fonds correspondait à la durée de ses congés et qu’il n’avait donc pas manqué à son obligation d’exploiter les lieux de manière continue. Statuant en référé, la cour d’appel avait souscrit à l’argument et rejeté en conséquence la demande du bailleur en constatation de la résiliation du bail. Par un premier arrêt rendu le 12 janvier 2022 (Civ. 3e, 12 janv. 2022, n° 20-22.562), la Cour de cassation cassa l’arrêt d’appel au motif que le juge des référés n’a pas le pouvoir d’apprécier la durée des congés pris par le preneur au regard de son obligation d’exploitation continue stipulée dans le bail. En l’absence de reprise de l’exploitation du fonds plus d’un mois après la signification du commandement, l’inexécution par le preneur de son obligation d’exploitation continue était caractérisée, en sorte que la résolution du bail aurait dû être constatée. Devant la cour d’appel de renvoi, le locataire demanda alors l’octroi d’un délai pour s’exécuter, et la suspension corrélative des effets de la clause résolutoire. Sa demande fut rejetée au fond au motif que le pouvoir du juge d’accorder des délais au preneur commercial et ainsi, de suspendre les effets de la clause résolutoire, ne trouverait à s’appliquer qu'en cas de résiliation du bail pour non-paiement des loyers et charges, et non pour un manquement à une obligation de faire comme en l’espèce, le commandement délivré visant simplement l'obligation de reprendre l'activité.
Refusant d’opérer une telle hiérarchie dans les obligations mises à la charge du preneur, la troisième chambre civile juge tout manquement contractuel susceptible de justifier l’octroi d’un délai de grâce au preneur commercial, pris en sa qualité de débiteur de la clause résolutoire. Le texte de l’article L. 145-41 ne distingue pas, en effet, selon les obligations contractuelles du preneur. Or là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer comme le fit à tort la cour d’appel pour restreindre la suspension des effets de la clause résolutoire à l’hypothèse d’un défaut de paiement des loyers et des charges. Indifférente à la nature ou à la portée de l’obligation inexécutée, la Cour de cassation renforce ainsi, en même temps que les pouvoirs du juge, la protection du débiteur que rend nécessaire la présence dans le contrat d’une clause résolutoire de plein droit stipulée au seul profit du bailleur (v. Pascal Puig, Contrats spéciaux, Dalloz, 8e éd., n°736).
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