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Droit de la famille
Communauté légale : on partage ?
La Cour de cassation apporte des précisions relatives à la preuve d’appartenance d’un bien aux masses commune ou propres lors de la dissolution du régime de la communauté réduite aux acquêts.
Un couple s’était marié sans contrat. Après qu’un jugement eut prononcé leur divorce, des difficultés s’étaient élevées lors de la liquidation et du partage de leurs intérêts patrimoniaux.
En appel, les juges avaient exclu du passif commun plusieurs dettes nées de crédits à la consommation souscrits par l’époux durant le mariage, au motif que les remboursements effectués à ce titre par son notaire ne reposaient sur aucune pièce permettant de déterminer les circonstances de leur souscription et que le montant cumulé de ces différents emprunts, contractés par l’époux seul, était manifestement excessif au regard des revenus du ménage. Ils avaient ensuite exclu de l’actif commun, composant également la masse partageable, le mobilier que l’épouse disait avoir reçu de ses grands-parents et qu’elle avait emporté en quittant le domicile conjugal, ce bien propre à celle-ci justifiant le rejet de la demande de l’époux tendant au partage de sa valeur.
La Cour de cassation casse cette décision. Au visa de l'article 1409 du Code civil, elle énonce que la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et que celles résultant d'un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l'autre doivent figurer au passif définitif de la communauté, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel, ce qui était en l’espèce le cas, la preuve d’un tel intérêt n’ayant pas été rapportée. Celle du caractère propre du mobilier revendiqué par l’épouse n’ayant pas davantage été établie, la Haute cour réfute également l’analyse des juges du fond qui avaient refusé d’en intégrer la valeur dans l’actif commun à partager. Après avoir rappelé, au visa de l'article 1402 du Code civil, que tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi, elle considère qu'en jugeant que l’époux ne rapportait pas la preuve du caractère commun des meubles emportés par sa femme lors de son départ du domicile conjugal alors qu'il incombait à cette dernière d’en établir le caractère propre, la cour d’appel a inversé la charge de celle-ci.
La communauté légale correspond au régime de la communauté réduite aux acquêts (Loi n° 65-570 du 13 juill. 1965). Elle s’applique aux époux qui, comme en l’espèce, n’ont pas opté, par contrat de mariage, pour un autre régime matrimonial. La présomption d’acquêts (C. civ., art. 1402) constitue le principal avantage de cette communauté légale : par principe, l’enrichissement de l’un profite à l’autre. Mais réciproquement, les risques pris par l’un sont supportés par l’autre.
Sous l’angle actif, constituent des acquêts tous les biens créés ou acquis pendant le mariage, autres que ceux reçus par héritage ou par donation. Il peut s’agir de biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, ou bien encore de droits réels ou de créances. En revanche, les biens qu’un conjoint reçoit, pendant le fonctionnement du régime, par succession sont exclus de la masse commune (C. civ., art. 1405, al. 1er). Cependant, la présomption de communauté joue à la dissolution de celle-ci : celle-ci a pour effet, comme en témoigne la décision rapportée, d’inclure à l’actif commun, puis dans le partage de l’indivision post-communautaire, tous les biens dont la nature propre n’est pas démontrée. Il incombe donc à l’époux revendiquant le caractère propre d’un bien de renverser cette présomption de communauté, conformément aux modes de preuve tels qu’ils sont énumérés à l’article 1402, alinéa 2 du Code civil (Sur ce point, V. Droit de la famille, Mémento pratique, F. Lefebvre, n° 3220 et 3225).
Sous l’angle passif, constituent des dettes communes les aliments dus par les époux ainsi que les dettes contractées par ceux-ci pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants (C. civ., art. 1409, al. 1er) et, plus généralement et sauf cas d’exclusion, toutes les autres dettes (dettes d’impôt par exemple), celles-ci relevant par principe du passif définitif, c’est-à-dire que la communauté qui les a acquittées doit en supporter la charge définitive sans pouvoir se prévaloir d’un droit à récompense. Cependant, certaines dettes échappent à ce passif commun. C’est notamment le cas des dettes contractées dans l’intérêt personnel de l’un des époux, telles que celles contractées pour « l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien propre » (C. civ., art. 1416). Aussi bien, si les dettes nées des emprunts et cautionnements unilatéraux relèvent en principe du passif commun définitif, elles en sont soustraites dans le cas où ces engagements ont été contractés dans l’intérêt exclusif du débiteur (Civ. 1re, 19 sept. 2007, n° 05-15.940 ; Civ. 1re, 8 juill. 2010, n° 09-14.230) ; dans cette hypothèse, l’emprunteur contribue seul à la dette (v. Droit de la famille, op. cit., n° 3380 s.). En l’espèce, la cour d’appel avait à tort jugé les crédits litigieux comme personnels à l’époux et qualifié ceux-ci de dettes ménagères non solidaires, eu égard à l’excès de leur montant et à la répétition de leur souscription (C. civ., art. 220, al. 2), ce qui était insuffisant à rapporter la preuve nécessaire de l’intérêt personnel des dettes souscrites et trahissait de surcroît la confusion opérée par les juges entre obligation et contribution au passif.
Civ. 1re, 17 oct. 2018, n° 17-26.713
Références
■ Fiches d’orientation Dalloz : Communauté conventionnelle ; Communauté légale (actif) ; Communauté légale (passif) ; Régime matrimonial (liquidation et partage)
■ Civ. 1re, 19 sept. 2007, n° 05-15.940 P: D. 2007. 3112, note V. Barabé-Bouchard ; ibid. 2008. 2245, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2007. 438, obs. P. Hilt.
■ Civ. 1re, 8 juill. 2010, n° 09-14.230 P: D. 2010. 1941 ; AJ fam. 2010. 436, obs. S. David ; ibid. 443, obs. P. Hilt.
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