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Droit de la responsabilité civile
Communication d’incendie entre voisins : la notion de trouble anormal n’est d’aucun secours !
La notion de trouble anormal de voisinage ne peut être étendue au cas de communication d’un incendie entre immeubles voisins, lequel est exclusivement régi par les dispositions de l’article 1242, alinéa 2, du Code civil.
À la suite de l’incendie d’un atelier, qui s’était propagé à leur appartement, situé juste au-dessus, un couple de propriétaires avait assigné les propriétaires de l’atelier, leur locataire ainsi que l’assureur de celui-ci en indemnisation de leurs préjudices. Débouté en appel, le couple forma un pourvoi en cassation fondé sur le principe général selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage », dont il soutenait l’application au cas particulier de la communication d’un incendie entre immeubles voisins. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle approuve la cour d’appel d’avoir rappelé que la responsabilité du fait des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage ne pouvait être étendue au cas de communication d’un incendie entre immeubles voisins, lequel est régi par les dispositions de l’article 1242 alinéa 2 du Code civil (art. 1384 anc.).
Selon l’article 1242 alinéa 2 du Code civil « celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ». Cet alinéa est une des exceptions au principe général de responsabilité du fait des choses édicté par l’article 1242 alinéa 1.
L’exclusivité de son application, dérogeant au principe du libre choix de la victime de fonder son action sur la responsabilité du fait du trouble anormal de voisinage ou sur la responsabilité relevant de l’article 1242 alinéa 1 du Code civil, se comprend au regard du régime propre à cette responsabilité spéciale, fondée sur la faute du détenteur du bien où l’incendie est né. En effet, alors que le principe général du fait des choses fonde une responsabilité objective de plein droit, où seul le fait de la chose, indifféremment à la faute de son gardien, est recherché, la responsabilité de celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera engagée vis-à-vis des tiers victimes des dommages causés par cet incendie qu’à la condition qu’il soit prouvé que soit la naissance dudit incendie, soit son aggravation ou son extension, doivent être attribuées à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable (Civ. 3ème, 31 mai 1976, n° 75-11.095; Civ. 2ème, 12 déc. 2002, n° 01-02.853). Le principe de non-cumul de cette responsabilité spéciale avec toute autre et, notamment, avec la théorie des troubles anormaux du voisinage (Civ. 3ème, 15 nov. 1978, n° 77-12.285), a donc pour but de ne pas permettre à la victime d’être dispensée de prouver la faute commise.
A rebours du mouvement depuis longtemps entamé et pérenne d’objectivation de la responsabilité civile, la responsabilité, vis-à-vis des tiers, en cas de communication d’incendie obéit ainsi à un régime dérogatoire que les assureurs, qui le jugeaient plus favorable, avaient réussi, à obtenir à la suite de l’affaire dite « des résines » (Civ. 16 nov. 1920 D.P). Si la généralisation des garanties en dommages aux biens et en assurance de responsabilité prive sans doute désormais d’intérêt cette disposition (G. Courtieu, Communication d’incendie : une loi à éteindre, Gaz. Pal. 1995, I, doctr. p. 610 ; S. Szames, L’abrogation de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil : une nécessité aujourd’hui impérieuse, LPA, 27 mars 2002, n° 62, p. 6), celle-ci a néanmoins survécu à la réforme du droit des obligations comme à l’épreuve de la question prioritaire de constitutionnalité, que l’Assemblée plénière a refusé de transmettre (Ass. plén., QPC, 7 mai 2010, n° 09-15.034) estimant « que le régime de l’article 1384, alinéa 2, du Code civil répond à la situation objective particulière dans laquelle se trouvent toutes les victimes d’incendie communiqué » et « qu’il n’est pas porté atteinte au principe selon lequel tout fait quelconque de l’homme, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Civ. 2ème, 7 févr. 2019, n°18-10.727
Références
■ Civ. 3ème, 31 mai 1976, n° 75-11.095
■ Civ. 2ème, 12 déc. 2002, n° 01-02.853, RDI 2003. 324, obs. F. G. Trébulle
■ Civ. 3ème, 15 nov. 1978, n° 77-12.285
■ Civ. 16 nov. 1920, D.P., 1920, 1, 169, note Savatier
■ Ass. plén., QPC, 7 mai 2010, n° 09-15.034, D. 2010. 1075
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