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Droit du travail - relations collectives
Communication syndicale par voie électronique dans l’entreprise : constitutionnalité de l’article L. 2142-6 du Code du travail
Mots-clefs : QPC, Droit syndical, Entreprise, Communication syndicale, Liberté de communication, Internet, Intranet, Voie électronique, E-syndicalisme, Conformité à la Constitution
Dans une décision du 27 septembre 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur n’a pas opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre, d’une part, la liberté de communication des syndicats, et d’autre part, tant la liberté de l’employeur que celle des salariés.
L’activité des syndicats dans l’entreprise est reconnue et encadrée par la loi. Ils disposent de la liberté de communication syndicale qu’elle soit « sous forme papier » (les syndicats peuvent communiquer par voie d’affichage ou de distribution de tracts) ou « sous forme électronique ».
La communication syndicale par voie électronique ou dématérialisée est prévue aux dispositions de l’article L. 2142-6 du Code du travail. Conformément à ces dispositions, la société Air France avait conclu un accord relatif à l’exercice du droit syndical prévoyant que les syndicats disposaient d’un panneau d’affichage électronique sur le réseau intranet de la société. En revanche, cet accord interdisait l’envoi de mails en masse vers les adresses professionnelles des salariés.
Le Syndicat national Groupe Air France CFTC — qui a procédé à des envois de messages électroniques auprès des 15 000 personnes composant le personnel navigant — a été assigné en référé pour délit d’entrave à un système informatique et interdiction de réitérer l’envoi de message de nature syndicale. À l’occasion de ce litige, le Syndicat a posé une QPC : « La rédaction de l’article L. 2142-6 du code du travail en ce qu’elle subordonne la diffusion de tracts de nature syndicale sur la messagerie électronique de l’entreprise à un accord d’entreprise ou à un accord de l’employeur est-elle conforme à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? ». Le 11 juillet 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que cette question présentait un caractère sérieux et l’a renvoyée au Conseil constitutionnel.
Contrairement au syndicat requérant qui soutenait que l’article L. 2142-6 du Code du travail portait une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'expression des syndicats en soumettant à l’accord de l'employeur le droit des syndicats à communiquer avec les salariés « soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise », les Sages ont décidé que ces dispositions étaient conformes à la Constitution. Pour cela le Conseil a raisonné en trois points :
– l’article L. 2142-6 du Code du travail renvoie à un accord d’entreprise le soin de définir les conditions dans lesquelles les publications et tracts de nature syndicale peuvent être mis à disposition soit sur un site syndical ou sur l’intranet de l’entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise. L’objectif du législateur est de permettre que les modalités de la communication syndicale par la voie électronique puissent être adaptées à chaque entreprise et, en particulier, à l'organisation du travail et à l'état du développement de ses moyens de communication (principe de participation, Préamb. Const. 1946, al. 8) ;
– par ailleurs, les dispositions de ce même article prévoient, d'une part, que la diffusion de l'information syndicale par la voie électronique doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail et, d'autre part, que les modalités de cette diffusion doivent préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message. Le but du législateur est, en l’espèce, d’adopter des mesures pour assurer le respect des libertés tant de l'employeur que des salariés ;
– enfin, si il n’existe pas d’accord d’entreprise relatif à l’utilisation de l’intranet ou de la messagerie électronique de l’entreprise, la liberté de communication n’est pas pour autant méconnue. En effet, les syndicats ont la possibilité de diffuser librement des publications et tracts sur les réseaux de communication au public en ligne (site respectif de leur syndicat), les salariés peuvent accéder à ces informations et s’inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir par mail les publications et tracts syndicaux.
Cons. const. 27 sept. 2013, Synd. nat. Groupe Air France, n° 2013-345 QPC
Références
■ Article L. 2142-6 du Code du travail
« Un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail.
L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message. »
■ Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
« Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. »
« Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. »
■ Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »
■ Soc. 11 juill. 2012, n°13-40.021.
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