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[ 21 janvier 2010 ] Imprimer

Droit international privé

Compétence internationale en matière de publicité comparative et dénigrante sur Internet

Mots-clefs : Règlement Bruxelles I, DIP, Procédure civile, Compétence internationale, Publicité comparative, Internet

Dans les relations entre le Danemark et la France, la compétence des juridictions françaises, en cas de litige relevant de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, actuel ou futur, est déterminée selon les dispositions du règlement Bruxelles I, et non celles de l’article 46 du Code de procédure civile français.

Le règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale a remplacé, à compter du 1er mars 2002, la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, sauf entre le Danemark et les autres États membres. Par la suite, un accord étendant les dispositions du règlement a été signé avec le Danemark le 19 octobre 2005 (Décis. du Conseil, 27 avr. 2006, JOUE 5 mai 2006, p. 22).

Conformément à l'article 5-3 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I », dans les litiges internationaux soumis au droit communautaire des conflits de juridiction relevant de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, le tribunal compétent est celui du « lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ».

En l’espèce, une société française S. avait assigné en responsabilité devant le tribunal de commerce de Nanterre un laboratoire danois pour des actes constitutifs de publicité comparative et dénigrante commis à partir de son site Internet. Le tribunal de commerce s’est déclaré compétent. Le laboratoire danois a alors saisi le juge d'appel, lequel a infirmé le jugement et dit bien-fondé le contredit de compétence au profit des juridictions danoises. Le 6 janvier 2010, la 1re chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt lapidaire, casse l’arrêt de la cour d’appel aux motifs que le règlement Bruxelles I est applicable dans les relations entre le Danemark et les États de l’Union européenne et que la compétence des juridictions françaises devait être déterminée selon les dispositions de ce règlement, et non en faisant application de l’article 46 du Code de procédure civile.

L’application du règlement Bruxelles I, est lourde de conséquences car celui-ci accepte le principe d’une action dite « préventive » La jurisprudence communautaire reconnait ainsi la compétence du tribunal d'un État, même en l’absence de la survenance effective d'un dommage sur le territoire de cet État, dès lors que cette compétence se rattache à un fait dommageable futur sur cet État (CJCE 1er oct. 2002, Henkel).

C’était le cas en l’espèce car l’information dénigrante était accessible en France, par le biais du site Internet, quand bien même les publications visées n’étaient pas spécifiquement destinées au public français.

Par le passé, la Cour de cassation avait déjà jugé qu'en cas de vente de produits contrefaisants une marque française par un site Internet en Espagne, le dommage est subi en France dès lors que ce site, fût-il passif, est accessible sur le territoire français. En conséquence de quoi, les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître de l'action en contrefaçon contre la société espagnole exploitant le site web en cause (Civ. 1re, 9 déc. 2003).

Civ. 1re, 6 janv. 2010, n° 08-19.066, F-P+B

 

Références

Article 46 du Code de procédure civile
« Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : – en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;
– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
– en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble ;
– en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier. »

Article 5 du règlement Bruxelles I
« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:
1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;
b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est:
– pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
– pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;
c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas;
2) en matière d'obligation alimentaire, devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une demande accessoire à une action relative à l'état des personnes, devant le tribunal compétent selon la loi du for pour en connaître, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité d'une des parties;
3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire;
4) s'il s'agit d'une action en réparation de dommage ou d'une action en restitution fondées sur une infraction, devant le tribunal saisi de l'action publique, dans la mesure où, selon sa loi, ce tribunal peut connaître de l'action civile;
5) s'il s'agit d'une contestation relative à l'exploitation d'une succursale, d'une agence ou de tout autre établissement, devant le tribunal du lieu de leur situation;
6) en sa qualité de fondateur, de trustee ou de bénéficiaire d'un trust constitué soit en application de la loi, soit par écrit ou par une convention verbale, confirmée par écrit, devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le trust a son domicile;
7) s'il s'agit d'une contestation relative au paiement de la rémunération réclamé en raison de l'assistance ou du sauvetage dont a bénéficié une cargaison ou un fret, devant le tribunal dans le ressort duquel cette cargaison ou le fret s'y rapportant:
a) a été saisi pour garantir ce paiement, ou
b) aurait pu être saisi à cet effet, mais une caution ou une autre sûreté a été donnée,
cette disposition ne s'applique que s'il est prétendu que le défendeur a un droit sur la cargaison ou sur le fret ou qu'il avait un tel droit au moment de cette assistance ou de ce sauvetage. »

CJCE 1er oct. 2002, Henkel, aff. C-167/00, D. 2002. Jur. 3200, note H. K. Gaba.

Civ. 1re, 9 déc. 2003, Bull. civ. I, n° 243 ; D. 2004. AJ. 276, obs. Manara.

 

Auteur :C. D.


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