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[ 7 juin 2017 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Conclusion des traités internationaux : renforcement de la participation des citoyens

Mots-clefs : Initiative citoyenne européenne, Principe de démocratie, Acte juridique, Traités internationaux, Relations extérieures, Équilibre institutionnel, CETA, TTIP

 

Le Tribunal retient une interprétation extensive de la notion d’acte pouvant faire l’objet d’une initiative citoyenne européenne afin de privilégier la participation des citoyens à la vie démocratique conformément à l’objet de cette procédure.

C’est ainsi que, contre la position de la Commission européenne, les juges reconnaissent aux citoyens la possibilité de déposer une initiative visant à ce que la Commission propose un acte, y compris préparatoire, dont le contenu serait d’aboutir au retrait en tout ou partie d’un acte existant, y compris dans le domaine des relations extérieures.

L’adoption d’un acte introduit par la procédure d’initiative citoyenne européenne est un parcours semé d’embûches, la Commission ayant un rôle déterminant puisqu’il lui revient notamment d’accepter l’enregistrement de la proposition afin que celle-ci puisse faire l’objet de déclarations de soutien par les signataires. Cependant cet enregistrement est soumis au respect de nombreuses conditions figurant à l’article 4 du règlement n° 211/2011 relatif à l’initiative citoyenne. Ces conditions sont interprétées par la Commission qui peut prendre une décision de refus motivée, cette dernière pouvant faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union. Cette situation est celle de l’espèce.

A l’origine du contentieux se trouve une demande d’enregistrement d’une initiative citoyenne européenne intitulée « stop TTIP » dont l’objet est de demander à la Commission européenne de proposer une recommandation au Conseil de l’Union européenne, celle-ci visant, d’une part, à obtenir l’annulation du mandat de négociations donné à la Commission pour le TTIP et, d’autre part, à ne pas conclure le CETA. Le TTIP et le CETA ont la particularité d’être deux traités dont l’objet est de faciliter le libre échange pour le premier avec les États-Unis et pour le second avec le Canada. Le motif de cette proposition citoyenne résulte d’un désaccord sur un certain nombre de points compris dans la négociation notamment par rapport à la protection du travail, la protection environnementale, les données et les services publics.

Cette initiative intervient dans un contexte marqué par la défiance à l’égard de ces traités, étant donné que les négociations s’opèrent dans une grande opacité et visent un grand nombre de domaines économiques, impliquant des conséquences sur les normes applicables dans l’Union européenne notamment. Face à ces enjeux, une partie des représentants des citoyens et les citoyens eux-mêmes sont écartés de ce processus, l’initiative citoyenne européenne apparaît comme une véritable alternative pour peser sur le processus décisionnel. C’est d’ailleurs sous cet angle que le raisonnement du Tribunal va être construit.

Si la Commission européenne a refusé d’enregistrer la proposition, c’est en raison de la nature juridique de la décision du Conseil autorisant la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’un accord avec un pays tiers. Pour la Commission, il ne s’agit pas d’un acte juridique de l’Union européenne, mais d’un acte préparatoire en vue de la décision définitive du Conseil d’autoriser la signature du traité. Dès lors une initiative s’y rapportant ne constitue pas une proposition appropriée au sens de l’article 11 du règlement n° 211/2011. En effet, selon la Commission, l’initiative citoyenne ne peut viser que l’adoption d’actes juridiques nécessaires à l’application des traités de l’Union (TUE et TFUE), produisant des effets juridiques autonomes, ce qui n’est pas le cas de l’initiative en cause, qui n’est finalement qu’une recommandation. L’objet de la demande se situe ainsi en dehors du champ de l’initiative citoyenne européenne.

Le Tribunal annule la décision de la Commission, en ne retenant pas la même définition de la notion d’acte au sens du règlement n° 211/2011. Le Tribunal va défendre une approche extensive de la notion au se fondant sur le principe de démocratie. Les juges indiquent que le mécanisme de l’initiative citoyenne participe directement à la démocratie qui est une valeur essentielle de l’Union. Selon le Tribunal, afin de préserver ce principe et la participation des citoyens à l’activité normative, l’interprétation de la notion d’acte doit être appréhendée de manière extensive, d’autant que le règlement n° 211/2011 ne limite pas lui-même cette définition aux seuls actes définitifs, produisant des effets juridiques à l’égard des tiers. Aussi les actes préparatoires peuvent-ils être intégrés dans le champ de la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne. Le Tribunal précise que toute interprétation contraire limiterait considérablement l’intérêt de ce mécanisme, notamment pour déposer des propositions dans le domaine des relations extérieures. 

En outre, le Tribunal admet que l’initiative citoyenne européenne puisse être utilisée à la fois pour demander l’adoption d’un acte, mais également pour empêcher l’adoption d’un acte. Ainsi la modification d’un acte ou le retrait d’un acte existant peut être envisagé, sachant qu’admettre cette possibilité ne remet pas en cause le principe de l’équilibre institutionnel, étant donné que la Commission conserve la faculté de donner suite ou non à l’initiative citoyenne. En effet, une fois saisie, la Commission détermine le contenu de la proposition de l’acte à adopter, elle n’a pas une compétence liée par rapport à la proposition enregistrée.

En conclusion, en refusant l’inscription, la Commission a violé le règlement n° 211/2011 ce qui justifie l’annulation de la décision.

Trib. UE 10 mai 2017, Michael Efler et a. c/ Commission européenne, n° T-754/14

 

Auteur :V. B.

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