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Droit pénal général
Condamnation de la France pour des mauvais traitements subis en prison
Mots-clefs : Détention, Cellule disciplinaire, Isolement, Transfèrement, Mauvais traitement (preuve, seuil minimum de gravité, agents de l’État), Convention EDH, Recours effectif
Par un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour européenne des droits de l’homme conclut à la violation de l’article 3 Conv. EDH en raison de violences infligées par des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) à un détenu au cours de son placement en cellule disciplinaire.
Le requérant, condamné successivement pour des faits de braquage et d’évasion, se plaignait notamment, sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), des rotations de sécurité et des mauvais traitements subis au cours de sa détention. Il invoquait aussi une violation de l’article 13 combiné à l’article 3, en raison de l’absence de recours effectif pour contester le régime des rotations de sécurité qui lui fut imposé.
Sur l’article 3, le grief relatif aux mesures de sécurité (rotations de sécurité et mises à l’isolement) est rejeté, la Cour européenne estimant que, compte tenu du profil du requérant, les autorités pénitentiaires ont ménagé un juste équilibre entre les impératifs de sécurité et l’exigence d’assurer au détenu des conditions humaines de détention, lesquelles, dans le cas présent, n’ont pas atteint le seuil minimum de gravité nécessaire pour constituer un traitement inhumain au sens de l’article 3 (§§ 116 et 130). Les griefs relatifs aux conditions de détention sont jugés manifestement mal fondés.
En revanche, les violences subies en détention, apparemment infligées par des équipes régionales d’intervention et de sécurité, appelées en renfort par la directrice de l’établissement pénitentiaire pour procéder au placement du requérant en cellule disciplinaire, entraînent constat de violation. Ainsi, « même si aucun élément du dossier ne permet d’affirmer avec certitude que c’est au cours de ces interventions que la côte du requérant a été fracturée, la Cour estime que les allégations du requérant sont plausibles au vu de la manière dont les opérations se sont déroulées et notamment du fait que le requérant, mesurant 1,72 m et pesant 66 kgs, a été maîtrisé par quatre agents des ERIS et fermement plaqué au sol à deux reprises » (§ 99). Une telle séquelle « atteint indubitablement le seuil minimum de gravité requis par l’article 3 » et requiert des explications sur la survenue d’une telle blessure (v. déjà, CEDH 3 avr. 2001, Keenan c. Royaume-Uni). Pour la Cour, « l’absence totale d’explication sur ce point de la part du Gouvernement et l’impossibilité d’établir les circonstances exactes dans lesquelles le requérant a été blessé, alors qu’il se trouvait sous le contrôle des agents de l’État, ne l’empêche pas de parvenir à un constat de violation matérielle de cet article » (§ 100). Dans ces conditions, elle estime que le requérant a subi des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la Convention.
La Cour conclut également à la violation de l’article 13, en constatant qu’à l’époque des faits (2006), le requérant ne disposait pas d’un « recours effectif » pour faire valoir ses griefs concernant ses transfèrements répétés (§ 186). Le recours pour excès de pouvoir n’a été élargi aux rotations de sécurité que depuis un arrêt du 14 décembre 2007.
CEDH 20 oct. 2011, Alboreo c. France, req. no 51019/08
Références
■ CEDH 3 avr. 2001, Keenan c. Royaume-Uni, req. no 27229/95, § 91.
■ CE, Ass., 14 déc. 2007, Payet, req. no 306432 ; D. 2008. Jur. 820. note Herzog-Evans ; AJ pénal 2008. 100, obs. Péchillon.
■ V. la fiche thématique sur les conditions de détention et le traitement des prisonniers, disponible sur le site de la CEDH : http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/BADE362C-C322-4446-B4B5-03BF9700C761/0/FICHES_Conditions_de_d%C3%A9tention_FR.pdf
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 3 - Interdiction de la torture
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 13 - Droit à un recours effectif
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
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