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Droit européen et de l'Union européenne
Condamnation de la France pour ingérence dans le droit d’un étranger délinquant au respect de sa vie familiale
Mots-clefs : Cour européenne des droits de l’homme, Convention européenne des droits de l’homme, Conv. EDH ; Art. 8 Conv. EDH, Condamnation de la France, Droit des étrangers, Droit de mener une vie familiale normale, Ingérence, Expulsion
Constitue une ingérence portant atteinte à la vie familiale du requérant, son expulsion du territoire français, a décidé la Cour de Strasbourg dans un arrêt du 23 septembre 2010.
M. Bousarra, né en 1978 au Maroc, est arrivé en France avec ses parents la même année et y a vécu jusqu’à son expulsion en 2002. Il est de nationalité marocaine, fils unique, célibataire et sans enfant.
Condamné par le tribunal correctionnel en 2000, à cinq ans d’emprisonnement dont un avec sursis pour infraction à la législation sur les stupéfiants, ayant reconnu avoir vendu de la résine de cannabis, et pour avoir séquestré et frappé un homme. Le requérant a vu cette peine accompagnée d’une interdiction du territoire français pendant cinq ans. La chambre correctionnelle confirma le jugement relatif à la peine d’emprisonnement mais substitua l’interdiction du territoire français par une interdiction de séjour de trois ans dans quatre départements français.
Néanmoins, le ministre de l’Intérieur ordonna son expulsion du territoire français pour des raisons de sécurité publique (Ord. 2 nov. 1945, art. 24 et 26 b, applicable à l’époque des faits) par arrêté du 27 août 2002. M. Bousarra fut expulsé le 18 octobre 2002. Le tribunal administratif, la cour administrative d’appel et le Conseil d’État rejetèrent la demande d’annulation de l’arrêté. En 2006, il fait une demande de visa auprès du consulat général du Maroc, visa qui ne peut lui être délivré sans l’abrogation de l’arrêté d’expulsion. Le ministre de l’Intérieur refuse l’abrogation. Il estime que la mesure d’éloignement du territoire dont il avait fait l’objet constitue toujours une « nécessité impérieuse pour la sécurité publique ».
Selon M. Bousarra, l’arrêté d’expulsion et le refus de lui délivrer un visa pour entrer en France portent atteinte à sa vie familiale au sens de l’article 8 le la Convention européenne des droits de l’homme (il n’a pas vu voir sa mère avant son décès en 2009 et son père est âgé).
La CEDH fait droit à sa demande et condamne la France pour ingérence dans le droit d’un étranger délinquant au respect de sa vie familiale.
La Cour de Strasbourg considère que M. Bousarra, jeune adulte au moment des faits (20 ans), avait des liens avec ses parents pouvant s’analyser en une « vie familiale » (CEDH 29 janv. 1997, Bouchelkia c. France, § 62). Elle tient également compte de sa conduite et constate qu’il a bénéficié d’une autorisation de sortie de trois jours « pour maintien des liens familiaux » pendant son incarcération. Par ailleurs, le fait que le requérant ait passé l’intégralité de sa jeunesse en France (CEDH 18 oct. 2006, Üner c. Pays-Bas), que la mesure d’éloignement dont il fait l’objet ne comporte pas de délai et peut dès lors être considérée comme définitive, et enfin, que les infractions commises ne constituent pas une menace d’une gravité extrême pouvant justifier une expulsion définitive du territoire, permettent à la CEDH de décider de la condamnation de la France dans cette affaire : « l’arrêté d’expulsion prononcé à l’encontre du requérant et l’exécution de cette mesure constituent une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit au respect de sa vie familiale » (§ 37).
CEDH 23 septembre 2010, M. Bousarra c. France, n° 25672/07
Références
« Suppression d’une règle de droit pour l’avenir.
La loi fait obligation à l’autorité administrative d’abroger expressément, d’office ou à la demande d’une personne intéressée, tout règlement illégal dont elle est l’auteur, ainsi que tout règlement sans objet, que cette situation existe dès l’origine ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à la publication du règlement (L. no 321 du 12 avr. 2000, art. 16-1). »
« Ordre donné par le ministère de l’Intérieur à un étranger de quitter le territoire français. Cet ordre est contenu dans un arrêté d’expulsion. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 8 le la Convention européenne des droits de l’homme - Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
■ CEDH 29 janv. 1997, Bouchelkia c. France, § 62, Rec. CEDH 1997-I.
■ CEDH 18 oct. 2006, Üner c. Pays-Bas, n° 46410/99.
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