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Procédure pénale
Condamnation de la France pour non-respect de l’article 6… en Belgique !
Mots-clefs : Droit à un procès équitable (Violation), Droit à l’assistance d’un avocat (Violation), Audition, Témoin assisté, Commission rogatoire internationale (exécution sous le contrôle de l’État émetteur), Mise en examen, Vol à main armée, Bande organisée, Aveu, Droit au silence, Mandat d’arrêt européen
Par un arrêt Stojkovic du 27 octobre 2011, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour avoir manqué à son obligation de veiller au respect de l’équité de la procédure pénale dans le cadre de l’exécution, en Belgique, d’une commission rogatoire internationale.
À la suite du cambriolage d’une bijouterie de Courchevel survenu en janvier 2003 et après l’interpellation d’un premier suspect, le juge d’instruction français saisi de l’affaire soupçonna l’implication de M. Stojkovic, ressortissant serbe résidant en Belgique. Il délivra une commission rogatoire internationale le 12 janvier 2004 prescrivant l’audition de l’intéressé, détenu en Belgique dans le cadre d’une autre affaire, à titre de témoin assisté par des officiers de police judiciaire (OPJ) belges, en sa propre présence, celle d’un avocat et de deux OPJ français. Lors de son audition, le 11 mars 2004, M. Stojkovic, informé de son statut, demanda à être assisté par un avocat « de la justice française ». Ce qui lui fut refusé. Il passa néanmoins des aveux, reconnaissant même avoir participé à deux autres vols à main armée à Biarritz et Saint-Tropez. Évadé puis repris par les autorités belges, il fut livré à la justice française en exécution d’un mandat d’arrêt européen. Mis en examen, il présenta une requête en annulation de son audition en Belgique, qui fut rejetée. Renvoyé devant la cour d’assises des chefs de vols à main armée commis en bande organisée à Biarritz, Courchevel et Saint-Tropez, il fut condamné à six ans d’emprisonnement le 7 janvier 2007.
Devant la Cour de Strasbourg, M. Stojkovic invoquait une violation de l’article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l’homme, pour avoir été privé de l’assistance d’un avocat lors de son audition en Belgique. De son côté, le gouvernement français soutenait que l’exécution de la commission rogatoire internationale et le contrôle de cette exécution, assurés par les autorités belges, relevaient du droit interne belge – lequel ne prévoit pas le droit à l’assistance d’un avocat à ce stade de la procédure pénale.
Avant de se prononcer, la Cour souligne les circonstances de fait particulières dans lesquelles s’est déroulée l’audition qui ont pu semer la confusion dans l’esprit du requérant et le pousser à faire des déclarations (§ 53) : extrait de détention, l’intéressé a été informé simultanément des dispositions de droits belge et français qui lui étaient applicables ; son audition s’est déroulée en présence du juge d’instruction ; aucun droit de garder le silence ne lui a été notifié. Elle formule la réponse suivante (§ 55) : certes, les autorités françaises étaient soumises à l’application des dispositions internes belges, en vertu de leurs engagements internationaux, mais cette situation ne les empêchait pas de veiller à ce que les droits et libertés garantis par la Convention soient mis en œuvre. Elles étaient même tenues, au titre de l’article 1er de la Convention, de s’en assurer (v. CEDH 29 mars 2006, Scordino c. Italie (no 1) [GC]). La France aurait donc dû s’assurer que les actes réalisés en Belgique n’avaient pas été accomplis en violation des droits de la défense et veiller à l’équité de la procédure dont elles avaient la charge, l’équité s’appréciant au regard de l’ensemble de la procédure (v. not. CEDH 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c. France [GC] ; 26 sept. 1996, Miailhe c. France (no 2) ; 24 nov. 1993, Imbrioscia c. Suisse).
CEDH 27 oct. 2011, Stojkovic c. France et Belgique, req. no 25303/08
Références
[Procédure civile/Procédure pénale/Droit international privé]
« Acte par lequel un magistrat délègue ses pouvoirs à un autre magistrat ou à un officier de police judiciaire, pour qu’il exécute à sa place un acte d’instruction.
Une telle délégation est possible en France à la demande d’un État étranger et à l’étranger à la demande de l’État français (commission rogatoire internationale). »
[Droit européen/Procédure pénale]
« Nécessaire pour lutter efficacement contre le terrorisme et la grande criminalité organisée, il a été créé par une décision cadre du 13 juin 2002 pour remplacer l’extradition entre États membres et ses procédures toujours longues et complexes. Il revêt la forme d’une décision judiciaire émise par un État membre de l’Union européenne en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre de la personne recherchée, pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté. Transposition faite en France, après révision constitutionnelle en 2003, par la loi dite Perben II du 9 mars 2004. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ CEDH 29 mars 2006, Scordino c. Italie (no 1) [GC], req. no 36813/97, § 140, CEDH 2006-V.
■ CEDH 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c. France [GC], req. no 25444/94, Rec. 1999-II, § 46.
■ CEDH 26 sept. 1996, Miailhe c. France (no 2), req. no 18978/91, Rec. 1996-IV, § 43.
■ CEDH 24 nov. 1993, Imbrioscia c. Suisse, req. no 13972/88, Série A no 275, § 38.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 1 - Obligation de respecter les droits de l'homme
« Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention : »
Article 6 - Droit à un procès équitable
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
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