Actualité > À la une

À la une

[ 30 mai 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Condamnation du vendeur à restitution d’une partie du prix de vente : quel recours contre l’agent immobilier ?

Lorsqu'un vice caché affecte le bien objet de la vente, son acquéreur dispose d’une option entre l’action rédhibitoire, conduisant à l'anéantissement du contrat, et l’action estimatoire, permettant une réduction du prix de vente. C’est sur cette dernière que l’arrêt commenté invite à la réflexion.

Dans la présente espèce, une action en réduction du prix est dirigée contre le vendeur d’un bien immobilier sur le fondement de la garantie des vices cachés. Ne souhaitant pas supporter le poids définitif des condamnations prononcées en son encontre, ce dernier se retourne contre son mandataire, l’agent immobilier. Devant les juges, se pose la question suivante : le vendeur condamné à restituer une partie du prix de vente peut-il exercer un recours en garantie contre l’agent immobilier ayant participé à la vente ?

La cour d’appel rejette cette demande aux motifs que l’obligation d’informer les acquéreurs des caractéristiques du bien vendu incombe avant tout au vendeur.

Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation, arguant de la violation des articles 1992 et 1147 ancien du Code civil.

Opérant une substitution de motifs, la Cour de cassation confirme le rejet de l’appel en garantie en précisant que « la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l’article 1644 du code civil ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable » permettant une telle action.

La solution n’est pas nouvelle (déjà en ce sens, Civ. 1re, 16 janv. 2001, n° 98-15.048) et se justifie aisément : si l’obligation de restitution d’une partie du prix de vente n’est pas un « préjudice indemnisable », c’est parce qu’elle correspond simplement à la partie du prix non due par l’acquéreur. La Cour de cassation réaffirme ainsi que l’action estimatoire vise à remettre l’acquéreur dans la situation qu’aurait été la sienne s’il avait été informé du vice et n’a, pour finalité, « que de rétablir l’utilité attendue du bien » (D. 2006. 1213 « Étendue de l’action estimatoire et déséquilibre entre les prestations contractuelles », L. Eyrignac).

L’arrêt commenté rappelle également que l’action en restitution d’une partie du prix ne doit pas se confondre avec l’action en réparation des  préjudices causés par le vice caché (déjà en ce sens, Civ. 3e, 8 avr. 2009, n° 07-19.690 ou plus récemment, Civ. 1re, 6 avr. 2016, n° 15-12.402). 

Ainsi, dans le cadre de l’article 1644 du Code civil, la réduction du prix à laquelle l'acquéreur peut prétendre ne saurait correspondre, comme l’affirmait la cour d’appel, au coût des réparations entreprises, au trouble de jouissance en résultant et à la baisse de prix que les acquéreurs auraient pu obtenir s’ils avaient eu connaissance du vice allégué. En effet, ces différents préjudices ne peuvent qu’être réparés sur le fondement de l’article 1645 du Code civil si la mauvaise foi du vendeur est établie.

A noter que, depuis la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (art. 10), l'obligation pour le juge de désigner un expert dans le cadre de l'action estimatoire est supprimée.

Non seulement, cette désignation n'était pas toujours opportune (notamment lorsque le bien atteint d'un vice caché était de faible valeur ou lorsque le calcul des sommes à restituer était simple à effectuer), mais encore, et comme l’expose la circulaire du 19 février 2015 de présentation des dispositions de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, imposer systématiquement l'intervention d'un expert alourdissait inutilement le coût et la durée de la procédure et pouvait, en pratique, dissuader les parties de demander une réduction de prix. 

Civ. 3e, 29 mars 2018, n° 17-13.157

Références

■ Civ. 1re, 16 janv. 2001, n° 98-15.048 P : D. 2001. 594; AJDI 2001. 272 ; RTD com. 2001. 498, obs. B. Bouloc.

■ Civ. 3e, 8 avr. 2009, n° 07-19.690 P : D. 2009. 1356, obs. G. Forest.

■ Civ. 1re, 6 avr. 2016, n° 15-12.402 P : RTD civ. 2016. 649, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2016. 320, obs. B. Bouloc.

 

Auteur :Lisa Vernhes


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr