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Droit des obligations
Condition du consentement à la délégation
La délégation suppose le consentement des trois parties à l’opération et, notamment, celui du délégué, qui doit accepter de s’engager à régler la dette du délégant au profit du créancier délégataire.
Pour financer l'acquisition de parts au sein de deux SCI, propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété, une banque avait consenti à un particulier deux prêts dont le remboursement était garanti par deux inscriptions d'hypothèques conventionnelles sur ces lots. L’emprunteur s’était également engagé à souscrire une police d'assurance incendie individuelle auprès de l'assureur de son choix, couvrant l'immeuble appartenant aux deux SCI, avec délégation au profit de la banque, mais finalement, c’est une assurance multirisques qui avait été souscrite, non par l’emprunteur, mais par le syndic de copropriété de l’immeuble. A la suite d’un incendie ayant détruit une grande partie de l'immeuble, l’assureur avait versé au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires, ainsi qu’aux deux SCI, diverses sommes au titre de la garantie souscrite par le syndic. Se prévalant d'une délégation à son profit de l'assurance incendie, la banque avait assigné l'assureur en paiement des indemnités d'assurance dues à la suite de l'incendie.
La cour d’appel la débouta de sa demande au motif que l’assureur n’avait jamais consenti à une telle opération. La banque forma un pourvoi en cassation au moyen, d’une part, qu’un avenant au contrat d'assurance stipulait la mention « autres clauses : délégation de bénéfice au profit de la (banque) », signée tant par le souscripteur que par l'assureur, lequel avait ainsi expressément accepté la délégation et, d’autre part, qu'en tout état de cause, l'existence d'une délégation n'étant pas subordonnée à l'existence d'un rapport juridique préexistant entre les parties, il suffisait, pour que la délégation fût valable, que les parties se soient volontairement engagées en connaissance de cause, en sorte que le fait que cette police n'avait pas été souscrite par l’emprunteur mais par le syndic de copropriété de l'immeuble constituait une circonstance inopérante.
Son pourvoi est rejeté par la deuxième chambre civile, qui approuve la cour d’appel d’avoir énoncé qu'en l'absence d'engagement du délégué de régler le créancier, il n'y a pas de délégation, et retenu que la mention invoquée ne saurait valoir consentement de l'assureur à une délégation au profit de la banque, créancière de son seul emprunteur, d’une assurance qui n'avait pas été souscrite par celui-ci mais par le syndic de la copropriété comprenant notamment les deux SCI, en sorte que la cour d'appel en a exactement déduit que cette mention ne constituait qu'une simple indication de paiement.
La délégation est une opération par laquelle le délégant (débiteur originaire) donne l’ordre au délégué (nouveau débiteur) de s’engager à payer sa dette auprès de son créancier, le délégataire (C. civ., anc. art. 1275).
Les parties sont généralement liées par des obligations juridiques antérieures. Le délégué, en payant le délégataire, éteindra ainsi deux dettes : la sienne, envers le délégant, et celle du délégant, envers le délégataire. C’est la raison pour laquelle la délégation est souvent présentée comme un moyen simplifié d’extinction des obligations. Mais elle peut aussi servir de garantie, dans le cas, possible, où le délégué n’aura jamais été le débiteur du délégant. C’est ce que soutenait la banque, à l’appui de son pourvoi, pour rendre indifférent le fait que la police d’assurance n'avait pas été souscrite par son emprunteur, qu’elle souhaitait rendre délégant à l’opération. C’est pourtant la raison qui justifie le rejet du pourvoi. Le fait que cette police dont la banque faisait état n'ait pas été souscrite par son débiteur, à titre personnel, comme il s'y était engagé, mais bien par le syndic de la copropriété de l'immeuble, privait l’emprunteur de sa qualité prétendue de délégant : en effet, il n’avait logiquement pu donner l’ordre à l’assureur, par une police qu’il n’avait pas lui-même souscrite, de s’engager à payer son créancier, peu important le fait qu’il détenait des parts dans les SCI appartenant à l’immeuble et que le syndic avait contracté avec l’assureur. Autrement dit, l’assureur n’avait pas pu, concrètement, s’engager auprès du débiteur originaire puisqu’il n’avait pas contracté avec lui, en sorte que de la mention litigieuse ne pouvait être déduit quelconque engagement de sa part de régler le créancier. Comme le souligne la Cour, la mention litigieuse ne pouvait valablement contenir le consentement de l’assureur à une délégation d’assurance au profit de la banque : celle-ci ne constituait qu'une simple indication de paiement.
L’emprunteur ne justifiant pas par ailleurs d'une assurance personnelle garantissant le risque incendie et la banque ne pouvant donc invoquer une quelconque délégation d'assurance à son profit, celle-ci se voyait donc dans l’impossibilité d’obtenir le versement des sommes correspondant au montant de l'indemnité incendie fixée par les premiers juges, laquelle avait été régulièrement et exclusivement versée aux copropriétaires.
Civ. 2e, 22 nov. 2018, n° 17-20.926
Référence
■ Fiche d’orientation Dalloz : Délégation
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