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Droit des obligations
Condition suspensive : impossibilité de renoncer à une condition défaillie
Longtemps admise au mépris du régime de l’obligation conditionnelle, la renonciation implicite du débiteur à se prévaloir du terme prévu pour la réalisation d’une condition suspensive ne peut plus être caractérisée pour échapper à la caducité.
Soc. 29 nov. 2023, n° 22-11.398
C’est par un arrêt rendu en matière sportive que la Cour de cassation abandonne sa jurisprudence antérieure ayant admis la renonciation implicite du débiteur à une condition suspensive pourtant défaillie.
Au cas d’espèce, un contrat conclu le 20 février 2014 entre un agent sportif, un joueur de football professionnel et son club stipulait que, dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'un transfert définitif dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014 à 2016 seraient versées par le club à l'agent sportif, quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club. Au 30 juin, date prévue pour la réalisation de la condition suspensive, celle-ci n’était pas remplie. Des discussions s’étaient néanmoins poursuivies entre les parties en vue d’un transfert du joueur vers un club étranger. Le 2 août 2014, le conseil du joueur écrivit un mail au mandataire du club pour lui demander de confirmer la prise en charge de l’indemnité de l’agent. Le mandataire lui répondit simplement « OK » depuis son téléphone portable. Le 8 août suivant, le joueur signa son transfert définitif. Son agent réclama alors au club le versement de son indemnité, que celui-ci refusa d’acquitter motif pris que son obligation de paiement, soumise à la condition suspensive d’un transfert avant le 30 juin, était éteinte.
La cour d’appel condamna le club à payer l’indemnité. Pour les juges du fond, par son mail de confirmation, le club avait entendu faire perdurer son obligation de payer les commissions de l'agent en dépit du fait que le transfert du joueur n'était pas intervenu au 30 juin 2014, et qu’il ne pouvait ainsi se prévaloir de la caducité du contrat comme conséquence d’une défaillance de la condition à laquelle il aurait, de fait, renoncé.
Devant la Cour de cassation, le club contesta cette condamnation prononcée en dépit de la caducité du contrat à laquelle devait conduire la défaillance de la condition suspensive.
La chambre sociale devait ainsi répondre à la question de savoir si par son mail de confirmation contenant un simple « OK » envoyé le 2 août, le club débiteur de l’obligation avait ainsi fait revivre la condition suspensive défaillie le 30 juin précédent.
Au visa des articles 1134 et 1176 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Cour de cassation répond par la négative. Elle souligne qu’aux termes du second de ces textes, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie, et elle n'est censée avoir défailli que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. Partant, en jugeant que le 2 août 2014, en répondant ''OK'' à la demande du conseil du joueur de lui confirmer la prise en charge de sa rémunération, le club avait entendu faire renaître son obligation de payer en dépit du fait que le transfert du joueur n'était pas intervenu au terme convenu, et qu’il ne pouvait ainsi se prévaloir de la caducité du contrat du 20 février 2014, alors que ce contrat était devenu automatiquement caduc le 30 juin 2014 par la défaillance de la condition, à laquelle il n’était donc plus possible de renoncer, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Si la condition suspensive sans terme fixe subsiste aussi longtemps que l’événement n'est pas advenu, celle assortie d’un terme prédéfini est logiquement réputée défaillie lorsque l’événement érigé en condition ne s’est pas produit au terme convenu (ici, le 30 juin 2014). Contraint par la force obligatoire du contrat de respecter le terme prévu par les parties, le juge ne peut que constater que l’événement incertain auquel l’obligation était subordonnée (ici, une obligation de paiement) ne s’est pas réalisé à l’arrivée du terme. L’obligation est ainsi dénouée par l’incertitude dissipée : inaccomplie à l’échéance du terme, la condition est réputée défaillie. Après avoir constaté la défaillance de la condition, le juge doit prononcer la caducité du contrat qui la stipule sans pouvoir admettre, en principe, la possibilité d’y renoncer. La solution est logique : puisque la caducité est automatique, il n’est pas possible de renoncer à une condition défaillie. Pourtant, depuis plusieurs décennies, la Cour de cassation laissait entendre que l’on pouvait implicitement renoncer à une condition pourtant défaillie, notamment en matière immobilière, jusqu’à la date fixée pour la signature de l’acte authentique (Com. 6 févr. 1996, n° 93-12.868 ; Com. 8 juill. 1997, n° 95-18.011, inéd.). L’orthodoxie de la solution, ici rendue conformément au régime de la condition suspensive, est alors bienvenue. En effet, si une partie peut renoncer à une condition suspensive tant que celle-ci n’est pas accomplie, sa défaillance comme son accomplissement anéantissent mécaniquement ce droit de renonciation. C’est la raison pour laquelle la cour d’appel ne pouvait pas déduire des circonstances de la cause que le club avait entendu faire perdurer son obligation de paiement au-delà du terme prévu. Précisons enfin que la solution eût été la même si elle avait été rendue sur le fondement du droit nouveau, qui prévoit expressément l’impossibilité de renoncer à une condition défaillie (C. civ., art. 1304-4).
Références :
■ Com. 6 févr. 1996, Bull. IV, n° 93-12.868 : D. 1996. 84 ; RTD civ. 1996. 613, obs. J. Mestre ; RTD com. 1996. 445, obs. J. Derruppé ; ibid. 514, obs. B. Bouloc
■ Com. 8 juill. 1997, n° 95-18.011, inéd.
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