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[ 19 février 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Condition suspensive réputée accomplie : influence sur l’effectivité des stipulations contractuelles

Mots-clefs : Contrat, Vente, Promesse synallagmatique, Condition suspensive, Prêt, Non-obtention, Non-exécution, Débiteur, Faute volontaire, Effets

Lorsque la condition suspensive d’obtention d’un prêt ne s’est pas réalisée par la faute de l’acheteur, les dispositions de l’ancien l’article 1178 du Code civil s’appliquent et le vendeur peut obtenir les sommes stipulées dans la promesse en cas d’inexécution de celle-ci.

En vertu d’une clause contractuelle, et parfois même d’une disposition légale, certaines obligations créées par le contrat sont affectées d’une modalité qui va exercer une influence sur leur effectivité ou leur exigibilité, lesquelles ne seront envisageables que si un événement futur se réalise. Si cet événement est certain, il sera qualifié de "terme suspensif", s’il est incertain, comme dans la décision rapportée, c’est d’une "condition suspensive" dont il s’agit.

La propriétaire d’un immeuble avait conclu un compromis de vente de ce dernier avec une SCI, sous la condition suspensive d’obtention par celle-ci d’un prêt bancaire. Avaient été expressément stipulés dans l’acte une clause pénale ainsi que le versement d’un dépôt de garantie au profit de la venderesse. Faute pour la SCI d’avoir obtenu le prêt requis, la vente n’avait pas été réitérée. La propriétaire avait alors assigné la SCI en paiement du dépôt de garantie et de la somme due au titre de la clause pénale. 

Pour refuser d’y faire droit et ordonner le remboursement du dépôt de garantie à la SCI, la cour d’appel retint que celle-ci avait bien déposé un dossier de prêt, et ce dès le lendemain de la signature du compromis, et que l’insatisfaction de la condition suspensive trouvait sa cause dans le refus de la banque de prêter son concours, en sorte qu’aucune faute ne pouvait être imputée à la SCI. 

Au visa de l’article 1178 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (V. C civ., art. 1304-3) , en vertu duquel la condition suspensive est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond, leur reprochant de ne pas avoir recherché, comme il le lui avait été demandé, si la demande de prêt formulée par la SCI était conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse de vente. 

Ainsi comprend-on que la troisième chambre civile reproche à la cour d’appel de n’avoir tenu compte que du refus objectif de la banque d’octroyer le prêt sans rechercher si en fait, l’échec de cette condition suspensive ne devait pas être imputé l’acquéreur. En effet, le texte visé (art. 1178 anc.) a pour but d’interdire au débiteur de faire délibérément échec à l’effectivité de l’obligation engendrée par le contrat qu’il a conclu, en provoquant par sa faute la défaillance de la condition à laquelle est précisément suspendue l’effectivité de l’obligation, en sorte que si, comme en l’espèce, une clause pénale et une obligation de restitution d’un dépôt de garantie ont été stipulées, celles-ci doivent être mises à la charge de l’acquéreur fautif. Or la faute de la SCI devait en l’occurrence être retenue. 

D’une part, le dossier de demande de prêt se présentait sous les termes évasifs d’« un projet d’acquisition de biens immobiliers », sans faire spécialement allusion au projet d’achat de l’immeuble objet du compromis, en sorte que le refus de la banque ne pouvait être tenu comme caractérisant l’existence d’un refus de demande de prêt répondant aux caractéristiques de celui prévu dans le compromis de vente. 

D’autre part, le compromis faisait expressément obligation à l’acheteuse de faire connaître à la venderesse dans un délai de trois jours l’obtention ou la non-obtention du prêt, ce que la SCI n’avait pas fait, une telle omission, caractérisant l’inexécution d’une obligation stipulée à la promesse de vente, constituait ainsi un autre manquement, fautif, de sa part. 

Partant, la défaillance de la condition suspensive était bien imputable à la SCI acheteuse, et l’ancien article 1178 devait ainsi recevoir application pour réputer la condition accomplie et considérer, fictivement, les obligations engendrées par le compromis comme étant effectives, entraînant la mise en œuvre de la clause pénale et la restitution du dépôt de garantie.

Les compromis créent, dit-on, deux personnes malheureuses ; les compromis de vente affectés d’une condition suspensive risquent d’en rendre une réellement plus malheureuse que l’autre…

Civ. 3e, 25 janvier 2018, n° 16-26.385

 

Auteur :M. H.

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