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[ 24 juin 2015 ] Imprimer

Droit des obligations

Condition suspensive sans terme fixe : l'obligation n’en est pas pour autant perpétuelle

Mots-clefs : Condition suspensive, Absence de terme, Obligation, Caractère perpétuel (non), Délai de réalisation de la condition

La stipulation d’une condition suspensive sans terme fixe ne confère pas à l’obligation un caractère perpétuel prohibé quoique que le contrat subsiste aussi longtemps que la condition n’est pas défaillie. 

La stipulation d'une condition suspensive de vente, sans terme fixe, n'a pas pour effet de conférer à l'obligation un caractère perpétuel. C’est au rappel de cette règle que procède, par la décision rapportée, la troisième chambre civile de la Cour de cassation. 

En l'espèce, par acte sous seing privé en date du 1er novembre 2004, un particulier avait vendu une parcelle de terre sous la condition suspensive de l'obtention d'un certificat d'urbanisme. Le 21 mai 2010, le bénéficiaire de la promesse avait assigné les héritiers du promettant ainsi que son fils mineur aux fins d'obtenir la réitération de la vente. La cour d’appel le débouta de sa demande. Le bénéficiaire forma un pourvoi en cassation. 

Il soutenait d’une part qu’une condition suspensive sans fixation de durée n'est censée défaillir que lorsqu'il est certain que l'événement n'arrivera pas ; ainsi, selon le demandeur, en décidant que la commune intention des parties consistait dans la fixation d'un terme implicite à la condition, et que cette fixation ne pouvait excéder un délai raisonnable, la cour d'appel aurait violé les articles 1134 et 1176 du Code civil. 

D’autre part, la cour d’appel aurait , selon lui, violé les articles 1168 et 1176 du Code civil car : « le bénéficiaire d'une condition suspensive stipulée dans son intérêt exclusif peut renoncer à se prévaloir des conséquences juridiques de la défaillance de la condition, à moins que le contrat n'ait par ailleurs été rendu caduc par l'effet d'une stipulation sanctionnant l'expiration du délai pour la réalisation de la condition ou celui pour la réitération de l'acte sous la forme authentique ; qu'en décidant que M. Z... ne pouvait valablement renoncer par voie de conclusions à une condition dont l'expiration du terme était intervenue, quand ce dernier pouvait renoncer à se prévaloir de la caducité résultant de la défaillance de la condition, et sans relever que le contrat était caduc par l'expiration du délai pour la réalisation de la condition ou à défaut de réitération par acte authentique dans un certain délai. »

Rappelant le principe précité, la Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant la promesse de vente caduque. Dans la mesure où le certificat d'urbanisme n’avait été demandé que plusieurs années après la signature du contrat de vente et postérieurement à l’introduction de l’instance, et que le contrat ne prévoit ni indexation du prix, ni de cœfficient de revalorisation, les juges du fond ont valablement apprécié la commune intention des parties de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive, à laquelle le bénéficiaire ne pouvait plus renoncer. 

L’article 1176 du Code civil prévoit que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé. S’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas ». 

Deux hypothèses sont donc à envisager : soit la défaillance ou la réalisation de la condition doit avoir lieu dans le délai prévu par le contrat ou par la loi ; soit aucun délai n'a été fixé, auquel cas, les juges, compte tenu de la règle depuis longtemps déduite par la jurisprudence de l’article 1176 selon laquelle la stipulation d'une condition suspensive sans terme fixe ne peut pour autant conférer à l’obligation un caractère perpétuel (Civ. 1re, 4 juin 1991, n° 90-11.295), seront généralement enclins à fixer, d’après la commune intention des parties, un terme implicite, un délai raisonnable à l’intérieur duquel la réalisation ou la défaillance aurait dû avoir lieu. (Civ. 1re, 9 janv. 1963 : Bull. civ., I, n° 24 – Amiens, 1re  Ch., 30 janv. 1957). Autrement dit, lorsqu’aucun terme n’a été fixé, la condition sera réputée défaillie lorsqu'il sera devenu certain qu'elle ne pourra se réaliser et dans ce cas, la jurisprudence déclarera le contrat ou le pré-contrat caduc après expiration de ce terme implicite. Ainsi, dans une affaire ancienne dont les faits rappellent ceux de la décision rapportée, la Cour de cassation avait considéré que les parties n'avaient pu vouloir que la condition s’accomplisse plus de six ans après la promesse, alors qu'elles n'avaient prévu aucune indexation du prix, ni aucun coefficient de revalorisation (Civ. 3e, 3 févr. 1982, n° 80-15.794). 

En l’espèce, la Cour juge dans le même sens qu’au regard de leur commune intention, il est manifeste que les parties avaient nécessairement fixé un terme implicite à la condition insérée dans l’acte de vente dès lors que les parties n’ont certainement pu vouloir que la condition s’accomplisse presque sept ans après la promesse alors qu’aucune indexation du prix ni aucun coefficient de revalorisation n’avait été stipulé dans l’acte. 

Civ. 3e, 20 mai 2015, n°14-11.851

Références :

■ Code civil

Article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Article 1168

« L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas. »

Article 1176

« Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. »

■ Civ. 1re, 4 juin 1991, n° 90-11.295, Bull. civ., I, n° 180 ; D. 1992. 170, note M.-O. Gain ; ibid267, obs. E. Fortis.

 Civ. 1re, 9 janv. 1963Bull. civ., I, n°24.

■ Amiens, 1re  Ch., 30 janv. 1957, D. 1957. 137.

■ Civ. 3e, 3 févr. 1982, n° 80-15.794, Bull. civ., III, n° 37 ; D. 1982. 532, note Ch. Larroumet ; RTD civ. 1983. 132, obs. F. Chabas.

 

 

Auteur :M. H.


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