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Droit des obligations
Condition : un événement extérieur au contrat
Mots-clefs : Obligations, Conditions, Condition suspensive, Objet, Elément essentiel à la formation du contrat, Validité (non)
La condition, au sens de l’article 1168 du Code civil, ne peut porter sur un élément essentiel à la formation du contrat.
Une société titulaire d'un bail commercial portant sur des locaux appartenant à une SCI s’était engagée à le céder à une tierce société, sous diverses conditions suspensives, dont la signature d'un nouveau bail commercial, devant être réalisées le 15 septembre 2012. Des pourparlers entre la société propriétaire et la société tierce s’étaient prolongés au-delà de cette date. Invitée à signer l'acte de cession le 15 janvier 2013, la tierce société ne s’était pas présentée, invoquant la caducité du compromis. La société locataire l'avait assignée aux fins de voir déclarer la vente parfaite et de la voir condamnée au paiement de diverses sommes. La Cour d'appel rejeta les demandes de la société locataire au motif que le juge n’a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et qu’il n'y avait pas lieu de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 1168 du Code civil, affirmant que la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite.
La condition est un élément adventice ou accessoire qui doit être distinguée des éléments constitutifs du contrat (L. Josserand, Cours de droit civil positif français, t. II : Sirey, 3e éd. 1939, n° 738. - J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, Le rapport d'obligation par J.-L. Aubert et E. Savaux, t. III : Sirey, 5e éd. 2007, n° 292. – Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations : Defrénois, 3e éd. 2007, n° 1223. – F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations : Précis Dalloz, 11e éd. 2013, n° 1219). En effet, la convention doit pouvoir exister sans la condition visée à l'article 1168 du Code civil. C’est la raison pour laquelle la condition ne peut être qu’un élément accidentel de l'acte juridique, car ce dernier doit pouvoir exister sans elle. La condition, au sens de l’article 1168 du Code civil, ne peut donc porter sur un élément nécessaire à l’existence du contrat comme elle ne peut porter, comme le rappelle ici la Cour, sur un élément essentiel à sa formation.
Bien que la loi ne le précise pas, la condition est un événement nécessairement extrinsèque au contrat (F. Collart-Dutilleul, Les contrats préparatoires à la vente d'immeuble : thèse Tours, préf. J.-L. Aubert, coll. Immobilier, droit et gestion, Sirey, 1988, n° 162 à 171. – M. Latina, Essai sur la condition en droit des contrats, préf. D. Mazeaud, t. 505 : LGDJ-Lextenso, 2009, Bibl. dr. privé, n° 38 à 80. – H., L. et J. Mazeaud par F. Chabas, op. cit., t. II, 1er vol., n° 1039). Cette extériorité a notamment été exprimée et requise par les juges dans plusieurs affaires relatives à l’obtention d’autorisations administratives qui s’étaient révélées nécessaires, non pas à l'efficacité de l'acte, mais à sa validité même (Cass. civ., 8 nov. 1950, Civ. 3e, 18 juin 1974, n°73-13.324, jugeant « que, bien que son obtention présente les caractères d'un événement futur et incertain, l'autorisation administrative à laquelle l'article 5 du décret du 25 juin 1934 soumet à peine de nullité les mutations immobilières constitue, non une modalité conditionnelle de l'accord des parties, mais un élément légal de validité du transfert de propriété, agissant à sa date sans rétroactivité », v. A. Bernard, L'autorisation administrative et le contrat de droit privé ; RTD com. 1987, p.31). Ainsi, lorsque l'autorisation administrative est obligatoire, elle ne peut plus être érigée en condition suspensive du contrat puisqu’elle devient une condition de validité de celui-ci.
La solution rapportée prolonge la jurisprudence précédente en rappelant la nécessaire extériorité de la condition, au sens de l’article 1168 du Code civil, aux éléments essentiels à la formation du contrat. Elle s’explique par le fait que la condition n’entrave en rien la formation du contrat. Elle en affecte seulement les effets, soit par le jeu du mécanisme suspensif, soit par celui du mécanisme résolutoire. Pour être formé, un contrat doit seulement réunir les conditions requises par l’article 1108 du Code civil. Donc le contrat, même contenant une ou plusieurs obligations conditionnelles, est bel et bien formé. Il est dès lors logique de considérer que l'événement érigé en condition, naturellement distinct des conditions de formation du contrat prévues à l'article 1108 du Code civil, ne puisse porter sur un élément essentiel à la formation du contrat, en l’espèce, le consentement des parties à la conclusion d’un nouveau bail commercial.
Civ. 3e, 22 oct. 2015, n° 14-20.096
Références
■ Code civil
■ Cass. civ., 8 nov. 1950, n°37.109, Bull. civ., I, n°219 ; RTD civ. 1951, p. 93, obs. J. Carbonnier.
■ Civ 3e, 18 juin 1974, n°73-13.324
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