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Droit des personnes
Conditions d'acquisition de la nationalité française pour le petit-fils d'un français musulman d'Algérie
Mots-clefs : Filiation, Action déclaratoire de nationalité
Par un arrêt du 3 février 2010, la Cour de cassation rappelle que l'accession à la citoyenneté française de certaines catégories de Français musulmans d'Algérie particulièrement méritants n'est pas liée à un changement de statut civil sauf en cas de renonciation expresse au statut civil de droit local.
En l'espèce, le grand-père du demandeur, dignitaire militaire « Caïd et Agha » et commandeur de la légion d'honneur, a été admis à la citoyenneté française, à titre personnel, et inscrit sur les mêmes listes électorales que les citoyens non musulmans en application de l'article 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans d'Algérie. La citoyenneté française lui a été conférée en raison de sa qualité de Français musulman particulièrement méritant. Son petit-fils, né en Algérie en 1955, engage une action déclaratoire de nationalité en estimant qu'il est français par filiation.
La citoyenneté française acquise en vertu de l'article 3 de l'ordonnance de 1944 confère-t-elle le statut civil de droit commun ?
Avant l'indépendance de l'Algérie, tous les habitants de ce département étaient de nationalité française. Cependant, deux statuts juridiques coexistaient. Le premier, le statut civil de droit commun, donnait la qualité de citoyen français à part entière (droits civils et politiques). En revanche, le statut civil de droit local ne permettait pas de jouir des droits politiques. Néanmoins, certaines personnes soumises à ce statut pouvaient acquérir la citoyenneté française en raison, notamment, de leur appartenance à certaines catégories socioprofessionnelles comme celles d'anciens officiers, de diplômés, de fonctionnaires, de personnalités diverses, de membres de la Légion d'honneur (Ord. 1944, art. 3).
Au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, l'ordonnance du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française a posé la distinction suivante :
– les Français de statut civil de droit commun conservaient de plein droit la nationalité française (art. 32-1 C. civ.) ;
– et les Français de statut civil de droit local qui souhaitaient demeurer français devaient faire une déclaration afin que la nationalité française leur soit reconnue ; cette déclaration était soumise à la condition qu'ils établissent leur domicile en France s'ils ne l'y avaient pas déjà. Aucun délai n'était prévu à l'origine, mais la loi du 20 décembre 1966 a rendu cette déclaration impossible après le 23 mars 1967.
La Cour de cassation rappelle, en l'espèce, que le fait de bénéficier de la citoyenneté française en vertu de l'ordonnance de 1944 ne donne pas de plein droit le statut civil de droit commun. En effet, cette ordonnance dispose, dans son article 2, que les Français musulmans particulièrement méritants restent soumis au statut civil de droit local. Ainsi, l'ordonnance ne conférait pas le statut civil de droit commun et ne pouvait donc pas permettre de conserver la nationalité française après l'indépendance de l'Algérie sauf manifestation expresse, par décret ou par jugement, de la volonté de renoncer au statut civil de droit local (Civ. 1re, 8 juin 2004, Mme Malika Sekkal et a.)
Par ailleurs, la Haute juridiction précise que les dispositions de l'article 6 de la loi n°94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie n'ont pas entendu lier l'accession à la citoyenneté française à un changement de statut civil. Le changement de statut implique une renonciation expresse au statut civil de droit local.
Ainsi, un « Caïd et Agha » de citoyenneté française qui n'a pas déposé de demande expresse de renonciation de statut civil de droit local afin d'obtenir le statut civil de droit commun avant l'indépendance de l'Algérie n'est pas de nationalité française et ne peut transmettre cette nationalité à ses descendants. Son petit-fils ne peut donc obtenir cette nationalité.
Civ. 1re, 3 févr. 2010, F-P+B+I, n° 09.65-366
Références
■ Article 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans d'Algérie
« Sont déclarés citoyens français, à titre personnel, et inscrits sur les mêmes listes électorales que les citoyens non musulmans et participent aux mêmes scrutins les français musulmans du sexe masculin âgés de 21 ans et appartenant aux catégories ci-après :
- anciens officiers,
- titulaires d'un des diplômes suivants : diplôme de l'enseignement supérieur, baccalauréat de l'enseignement secondaire, brevet supérieur, brevet élémentaire, brevet d'études primaires supérieures, diplôme de fin d'études secondaires, diplômes des médersas, diplôme de sortie d'une grande école nationale ou d'une école nationale de l'enseignement professionnel industriel, agricole ou commercial, brevet de langue arabe et berbère,
- fonctionnaires ou agents de l'État, des départements, des communes, des services publics ou concédés, en activité ou en retraite, titulaires d'en emploi permanent soumis à un statut réglementaire, dans des conditions qui seront fixées par décret,
- membres actuels et anciens des Chambres de commerce et d'agriculture,
- bachaghas, aghas et caïds ayant exercé leurs fonctions pendant au moins trois ans et n'ayant pas fait postérieurement l'objet d'une mesure de révocation,
- personnalités exerçant ou ayant exercé des mandats de délégué financier, conseiller général, conseiller municipal de commune de plein exercice, ou président d'une djemaa,
- membres de l'ordre national de la légion d'Honneur,
- compagnons de l'ordre de la Libération,
- titulaires de la médaille de la Résistance,
- titulaires de la médaille militaire,
- titulaires de la médaille du travail et membres actuels ou anciens des conseils syndicaux des syndicats ouvriers régulièrement constitués, après 3 ans d'exercice de leurs fonctions,
- conseillers Prud'hommes actuels ou anciens,
- oukils judiciaires,
- membres actuels et anciens des conseils d'administration des S.I.P. artisanales et agricoles,
- membres actuels et anciens des conseils de section des S.I.P. artisanales et agricoles. »
■ Article 6 de la loi n°94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie
« Les dispositions du présent titre s'appliquent aux Français rapatriés d'Algérie, anciennement de statut civil de droit local ou dont les ascendants, anciennement de statut civil de droit local, ont été admis au statut civil de droit commun en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919 ou de l'ordonnance du 7 mars 1944, ayant fixé leur résidence en France et ayant participé aux opérations en Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 2 juillet 1962 dans des unités ou formations soumises à l'autorité civile ou militaire, à l'exclusion de ceux qui n'ont effectué que leurs seules obligations de service militaire au cours de la même période. »
« Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne. »
■ Civ. 1re, 8 juin 2004, Mme Malika Sekkal et a., n° 02-10.250.
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