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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Conditions d’attribution de subventions aux associations ayant des activités cultuelles
Mots-clefs : Association, Laïcité, ADEME, Subvention, Environnement, Économie d’énergie
L’attribution de subventions par l’ADEME aux associations ayant des activités culturelles implique de considérer l’objet de la demande aux regards de différents critères limitativement définis par la jurisprudence.
La décision du Conseil d’État du 26 novembre 2012 (n° 344379) relative au contentieux entre l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et une communauté religieuse désirant bénéficier d’une subvention afin de réaliser des économies d’énergie permet de mettre un terme aux contradictions jurisprudentielles des différentes cours administratives d’appel dans ce domaine (V. CAA Lyon, 17 sept. 2010, Cté des bénédictins de l'abbaye St-Joseph-de-Clairval et Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, et v. également l’arrêt du CE 26 nov. 2012 ; CAA Nancy, 23 avr. 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie c/ Congrégation des clarisses de Cormontreuil et en sens contraire : CAA Bordeaux, 6 mars 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).
En l’espèce, la communauté de la Chartreuse de Portes avait demandé à ADEME l’octroi d’une subvention afin de mettre en place un système de chauffage à bois. Le délégué régional de l’ADEME a rejeté cette demande au seul motif que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État y faisait obstacle. Le tribunal administratif annule la décision, du délégué régional de l’ADEME ; la cour administrative d’appel confirme le jugement en se fondant sur le motif suivant : « le législateur a autorisé l'ADEME à accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 prohibant le versement de subventions par des personnes publiques à des associations cultuelles ».
Le Conseil d’État annule l’arrêt des juges du fonds pour erreur de droit tout en confirmant l’annulation de la décision du délégué régional de l’ADEME. En effet, contrairement à l’arrêt de la cour administrative d’appel, le Conseil d’État considère que les dispositions du code de l’environnement autorisant l’ADEME à octroyer des subventions afin de réaliser des économies d’énergie n’ont ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions de la loi de 1905. Afin de confirmer la légalité de la subvention, le Conseil d’État applique sa jurisprudence Fédération de la libre-pensée et d’action sociale du Rhône (CE 4 mai 2012, Fédération de la libre-pensée et d’action sociale du Rhône). Après avoir rappelé que l’ADEME est un d’établissement public industriel et commercial (EPIC. V. C. envir., art. L. 131-3), le Conseil d’État considère qu’un EPIC, comme une collectivité territoriale (v. CE 4 mai 2012, Fédération de la libre-pensée et d’action sociale du Rhône, préc.), peut verser, sous certaines conditions, des subventions à une personne morale ayant également des activités cultuelles sans être une association cultuelle au sens du Titre IV de la loi du 9 décembre 1905 (art. 18 à 24). Les principes rappelés dans l’arrêt du 26 novembre 2012 sont les suivants : les associations cultuelles au sens du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 ne peuvent recevoir de subvention de l’ADEME sauf pour des travaux de réparation d'édifices cultuels ; l’ADEME ne peut apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l'exercice d'un culte. En revanche, cette agence peut accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, si la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte. Toutefois, le soutien de ce projet, cette manifestation ou cette activité doit s’inscrire dans le cadre des missions d'intérêt général qui lui ont été confiées par le législateur, d’une part, et d’autre part, doit être garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association.
Sous les conditions énoncées ci-dessus, les EPIC, comme les collectivités territoriales, peuvent verser des subventions aux associations ayant un lien avec un culte.
Ainsi, la communauté de la Chartreuse de Portes n’est pas une association cultuelle au sens de la loi de 1905, mais a des activités cultuelles. La demande de subvention à l’ADEME afin que cette communauté religieuse puisse mettre en place un nouveau système de chauffage ne présentait pas, selon le Conseil d’État, un caractère cultuel et n’était pas destinée au culte. Le projet s’inscrit ainsi dans le programme mené par l’ADEME et entre dans le cadre des missions d’intérêt général confiées à l’agence par le législateur. Le versement de subventions s’accompagne d’une convention entre l’ADEME et le bénéficiaire qui garantit l’affectation exclusive de la subvention au financement du projet. La subvention n’aurait pu en aucun cas être utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association.
CE 26 nov. 2012, ADEME, req. n° 344379
Références
■ CAA Lyon, 17 sept. 2010, Cté des bénédictins de l'abbaye St-Joseph-de-Clairval et Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, req. n° 09LY00186, AJDA 2011. 31, chron. C. Vinet.
■ CE 26 nov. 2012, n° 344284.
■ CAA Nancy, 23 avr. 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie c/ Congrégation des clarisses de Cormontreuil, req. n° 11NC00768, AJDA 2012. 1607.
■ CAA Bordeaux, 6 mars 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, req. n° 11BX01700, AJDA 2012. 1155, note Pontier.
■ CE 4 mai 2012, Fédération de la libre-pensée et d’action sociale du Rhône, req. n° 336462, Dalloz Actu Étudiant 14 mai 2012 ; Lebon ; AJCT 2012. 442, obs. Péchillon.
■ Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État
« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3. »
« Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi. »
« Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte et être composés au moins :
Dans les communes de moins de 1.000 habitants, de sept personnes ;
Dans les communes de 1.000 à 20.000 habitants, de quinze personnes ;
Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20.000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
Chacun de leurs membres pourra s'en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de celles de l'année courante, nonobstant toute clause contraire.
Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d'administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association et soumis à son approbation.
Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
Les associations cultuelles pourront recevoir, dans les conditions prévues par les trois derniers alinéas de l'article 910 du code civil, les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.
Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d'autres associations constituées pour le même objet.
Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. »
Article 20
« Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l'article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l'article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l'article 19 de la présente loi. »
« Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l'année écoulée et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l'administration de l'enregistrement et par l'inspection générale des finances. »
« Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d'un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l'entretien du culte et ne pouvant, en aucun cas, recevoir une autre destination : le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale, pour les unions et associations ayant plus de cinq mille (anciens) francs de revenu, à trois fois et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d'entre elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices.
Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la Caisse des dépôts et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l'achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d'immeubles ou meubles destinés aux besoins de l'association ou de l'union. »
Article 23
« Seront punis d'une amende prévue par le 5° de l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5ème classe, et, en cas de récidive, d'une amende double, les directeurs ou administrateurs d'une association ou d'une union qui auront contrevenu aux articles 18, 19, 20, 21 et 22.
Les tribunaux pourront, dans le cas d'infraction au paragraphe 1er de l'article 22, condamner l'association ou l'union à verser l'excédent constaté aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance.
Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l'association ou de l'union. »
« Les édifices affectés à l'exercice du culte appartenant à l'État, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l'impôt foncier et de l'impôt des portes et fenêtres.
Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à l'État, aux départements ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
Toutefois, les édifices affectés à l'exercice du culte qui ont été attribués aux associations ou unions en vertu des dispositions de l'article 4 de la présente loi sont, au même titre que ceux qui, appartiennent à l'État, aux départements et aux communes, exonérés de l'impôt foncier et de l'impôt des portes et fenêtres.
Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d'abonnement ni à celle imposée aux cercles par article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu'à l'impôt de 4 % sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et 29 décembre 1884. »
■ Article L. 131-3 du Code de l’environnement
« I. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est un établissement public de l'État à caractère industriel et commercial.
II. - Cet établissement public exerce des actions, notamment d'orientation et d'animation de la recherche, de prestation de services, d'information et d'incitation dans chacun des domaines suivants :
1° La prévention et la lutte contre la pollution de l'air ;
2° La limitation de la production de déchets, leur élimination, leur récupération et leur valorisation, la protection des sols et la remise en état des sites pollués ;
3° Le réaménagement et la surveillance d'une installation de stockage de déchets ultimes autorisée après le 14 juillet 1992, lorsque ces opérations sont rendues nécessaires du fait d'une défaillance ou d'une insuffisance des garanties de l'exploitant ;
4° La réalisation d'économies d'énergie et de matières premières et le développement des énergies renouvelables, notamment d'origine végétale ;
5° Le développement des technologies propres et économes ;
6° La lutte contre les nuisances sonores.
III. - L'agence coordonne ses actions avec celles menées par les agences de l'eau dans des domaines d'intérêt commun.
IV. - Pour accomplir ses missions, l'agence dispose d'une délégation dans chaque région. »
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