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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Conditions de détention et atteinte à la dignité humaine
Mots-clefs : Service public pénitentiaire, Conditions de détention, Dignité humaine, Appréciation, Faute de l’administration, Préjudice moral, Durée de détention, Responsabilité de la puissance publique
La brièveté de la durée de détention dans des conditions attentatoires à la dignité humaine n’exempte pas l’administration de son obligation d’indemnisation du préjudice moral subi par la victime.
Le requérant a été incarcéré au sein de la maison d’arrêt de Rouen dans laquelle il a occupé dix-huit cellules différentes. Estimant avoir subi un préjudice moral en raison des conditions dans lesquelles il a été incarcéré, il a saisi le tribunal administratif de Rouen d’une demande tendant à la condamnation de l’État à lui verser une somme de 4 900 euros. Sa demande fut rejetée.
Le Conseil d’État, saisi en cassation contre ce jugement, a alors apporté des précisions sur les modalités d’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention.
Le Conseil d’État, à la suite du tribunal administratif, s’est notamment fondé sur la jurisprudence Thévenot (CE 6 déc. 2013, n° 363290) selon laquelle « en raison de la situation d’entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu’impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires ainsi que la prévention de la récidive » : les conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères révèleraient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique (V. également : CE 1er oct. 2015, n° 383332 et CE 2 déc. 2015, n° 371960).
Dans la présente affaire, le tribunal administratif avait pris en considération plusieurs éléments relatif à la surface des cellules occupées par le détenu, au nombre de personnes partageant cet espace et la configuration des locaux. Alors qu’il avait observé une sur-occupation des cellules dans lesquelles avait été détenu le requérant, le tribunal administratif avait finalement retenu que ce dernier n’avait jamais bénéficié d’un espace individuel inférieur à trois mètres carrés et d’autre part, que dix-sept des dix-huit cellules qu’il avait occupées avaient fait l’objet de travaux récents de rénovation.
Ainsi, en déduisant de ces constatations que les conditions de détention de détention dans dix-sept des dix-huit cellules occupées par le requérant n'avaient pas porté atteinte à la dignité humaine, le Conseil d’État constate que le tribunal administratif de Rouen n'a pas entaché son jugement d'une inexacte qualification juridique des faits.
Cependant, l’occupation d’une des cellules de la maison d’arrêt de Rouen a fait l’objet d’une controverse entre le tribunal administratif et le Conseil d’État. Même si les conditions de détention ne respectaient pas le principe de la dignité humaine, celles-ci n’ayant duré que quinze jours, le tribunal administratif avait exclu toute demande de réparation du préjudice subi.
Au contraire, le Conseil d’État affirme que dès lors qu’il ressort que les conditions de détention caractérisent une atteinte à la dignité humaine, une telle atteinte est de nature à engendrer, par elle-même, pour la personne qui en est la victime, un préjudice moral qu’il incombe à l’État de réparer. La brièveté de la durée de détention dans des conditions attentatoires à la dignité humaine n’exempte donc pas l’administration de son obligation d’indemnisation du préjudice moral subi par la victime.
Ainsi, le Conseil d’État rejette sur ce point le jugement et renvoie l’affaire au tribunal administratif.
Références
■ CE, sect., 6 déc. 2013, Thévenot, n° 363290, Lebon ; AJDA 2014. 237, concl. D. Hedary ; ibid. 2013. 2461 ; AJ pénal 2014. 143, obs. E. Péchillon.
■ CE 1er oct. 2015, n° 383332.
■ CE 2 déc. 2015, n° 371960, AJ pénal 2016. 280, obs. J. Falxa.
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