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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Conditions de détention indignes : condamnation de l'État en appel
Mots-clefs : Détention (conditions), Droit à la dignité, Établissement pénitentiaire, Maison d'arrêt, Administration pénitentiaire, Responsabilité, Service public, Exécution des peines, Encellulement individuel
Par un arrêt du 12 novembre 2009, la cour administrative de Douai confirme une ordonnance du tribunal administratif de Rouen qui avait condamné l'État français à indemniser des détenus pour des conditions de détention contraires à la dignité humaine.
Après une première condamnation prononcée par le tribunal administratif pour conditions de détention indignes au sein de la maison d'arrêt de Rouen (TA Rouen, 27 mars 2008), trois autres détenus avaient opté pour la voie du référé-provision. Le garde des Sceaux interjeta appel de l'ordonnance ainsi rendue en référé, reprochant à son auteur de s'être estimé lié par l'autorité de la chose jugée s'attachant aux motifs de ce premier jugement et de ne pas avoir tenu compte des travaux réalisés dans l'établissement pénitentiaire.
Pour rejeter ce recours et confirmer la condamnation de l'État à verser à chacun des requérants une provision de 3 000 euros, la cour de Douai relève plusieurs éléments :
– que, durant leur détention, détention à la maison d'arrêt de Rouen, les trois individus avaient occupé, avec un ou deux autres codétenus, des cellules d'une superficie de 10,80 à 12,36 m2, conçues initialement pour accueillir un seul détenu ;
– que ces cellules n'étaient équipées que d'une fenêtre haute de faible dimension qui ne permettait pas d'assurer un renouvellement satisfaisant de l'air ambiant (art. D. 350 et D. 351 C. pr. pén.) ;
– que les toilettes équipant ces cellules n'étaient ni cloisonnées (sauf par des portes battantes et un muret bas insuffisants à protéger l'intimité des détenus), ni équipées d'un système d'aération spécifique et étaient situées à proximité immédiate du lieu de prise des repas ;
– que les travaux invoqués ont essentiellement concerné les équipements collectifs et n'ont pas modifié les caractéristiques des cellules (seul un programme de réfection des peintures murales et de cloisonnement des toilettes a été engagé, mais il n'est pas établi qu'il a bénéficié aux intéressés).
La Cour estime qu'eu égard à la durée de l'incarcération des intéressés (respectivement 22 mois, 1 an et 9 mois et 2 ans et 5 mois), le vice-président du tribunal administratif de Rouen « a pu, sans entacher son ordonnance d'erreur de droit ni d'erreur de fait, estimer qu'[ils] avaient été détenus dans des conditions n'assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, en méconnaissance de l'article D. 189 du Code de procédure pénale ». Pour elle, « une telle atteinte au respect de la dignité inhérente à la personne humaine entraîne, par elle-même, un préjudice moral par nature et à ce titre indemnisable » et ouvre droit à provision, l'obligation dont il était demandé réparation présentant un caractère non sérieusement contestable (R. 541-1 CJA).
On rappellera que le projet de loi pénitentiaire, définitivement adopté le 13 octobre dernier et actuellement examiné par le Conseil constitutionnel, comporte un chapitre entier consacré aux droits des personnes détenues, dont un article 22 qui dispose que « l’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité ». Il pose également le principe de l'encellulement individuel des condamnés (v. Dalloz Étudiant Actaulité du 21 octobre 2009).
CAA Douais, 12 nov. 2009
Références
« Procédure permettant au juge des référés administratif d’accorder à un créancier de l’Administration une provision, même si une instance n’a pas encore été engagée sur le fond de l’affaire, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code de procédure pénale
Article D. 83 c
« Le régime appliqué dans les maisons d'arrêt est celui de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit dans toute la mesure où la distribution des lieux le permet et sauf contre-indication médicale.
Cette règle ne fait pas obstacle, toutefois, à ce que soient organisées des activités collectives ou des activités dirigées, dans les conditions prévues aux articles D. 446, D. 452 et D. 459-3. »
Article D. 189
« À l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale. »
Article D. 350
« Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération. »
Article D. 351
« Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue.
Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus. »
■ Code de justice administrative
Article R. 541-1
« Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. »
■ TA Rouen, 27 mars 2008, AJDA 2008. 668 ; D. 2008. 1959, note Herzog-Evans ; AJ pénal 2008. 245, obs. Péchillon.
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