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Droit des personnes
Conditions de la responsabilité civile du curateur
Il résulte des articles 467 et 472 du Code civil que le curateur a pour mission d'assister le majeur protégé et que ses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée, limités à la perception des revenus et au paiement des dépenses, ne l’autorisent pas à conclure seul, au nom du majeur protégé, un mandat avec une association portant sur le recrutement et le remplacement d'auxiliaires de vie ainsi que la gestion des contrats de travail. Cependant, en l’absence de préjudice, cette faute dans l’exercice de ses fonctions ne peut suffire à engager sa responsabilité civile.
Civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 21-24.864
Le curateur peut-il valablement conclure seul un mandat avec un organisme d’aide à domicile, au nom du majeur protégé placé sous un régime de curatelle renforcée ? Telle était la question soulevée dans l’arrêt rapporté.
Au cas d’espèce, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM), organe unique de protection d’un couple de majeurs protégés, l’époux par une curatelle renforcée, l’épouse par un régime de tutelle, avait donné seul et en leur nom, mandat à une association, portant sur le recrutement et le remplacement d’auxiliaires de vie destinés à les assister dans la gestion des contrats de travail en résultant. Au décès du curatélaire, l’un de ses enfants a saisi un tribunal pour voir condamner in solidum le mandataire et l'association à lui payer une certaine somme en réparation du préjudice résultant de la faute qu’ils auraient ensemble commise dans la gestion de la situation patrimoniale de son père. La cour d’appel débouta le fils de sa demande au motif que le mandataire judiciaire n'a pas commis de faute en signant seul le contrat de mandat avec l'association. Devant la Cour de cassation, le fils soutenait au contraire l’existence d’une faute du MJPM qui, en sa qualité de curateur, n’a pas le pouvoir de se substituer à la personne protégée qu’il a pour seule mission d’assister, et non de représenter, en sorte qu’en l’espèce, il ne pouvait sans avoir commis une faute dans l’exercice de ses fonctions avoir conclu seul, au nom de son père, le mandat litigieux. Sur ce point, la Cour donne raison au demandeur : « C'est à tort que la cour d'appel a retenu que M. [P], en sa qualité de curateur de [W] [E], avait pu valablement conclure seul, au nom de celui-ci, un mandat avec l'association portant sur le recrutement et le remplacement d'auxiliaires de vie ainsi que la gestion des contrats de travail, alors qu'il résulte des articles 467 et 472 du Code civil que le curateur a pour mission d'assister le majeur protégé et que ses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée sont limités à la perception des revenus, et au paiement des dépenses. » Conformément à ce que soutenait le demandeur, la Cour de cassation caractérise la faute du curateur. La Haute juridiction relève en effet qu’il résulte des articles 467 et 472 du Code civil que le curateur a pour mission d'assister le majeur protégé et que ses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée, limités à la perception des revenus, et au paiement des dépenses, ne peuvent s’étendre à des actes de gestion du patrimoine. Pour autant, ayant fait ressortir l'absence de préjudice en lien avec cette faute, la Haute juridiction approuve la décision de la cour d’appel ayant rejeté la demande du fils du curatélaire de condamner le curateur à l’indemnisation de son préjudice résultant des fautes commises dans la gestion de la situation de son père.
L’article 421 du code civil dispose que « tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction ». En l’espèce, la faute du curateur fut caractérisée, étant précisé que, s’agissant d’une curatelle renforcée, l’exigence supplémentaire d’un dol ou d’une faute lourde était écartée (préc., al. 2). Précisons également la distinction que la Cour de cassation est venue opérer : un curateur n’engage pas sa responsabilité au titre des agissements de la personne protégée : sa mission consiste à l’assister, pas à la représenter (Civ. 2e, 29 mars 2006, n° 03-20.071 ; Civ. 2e, 25 févr. 1998, n° 95-20.419). En revanche, s’il manque à cette mission d’assistance, et commet dès lors une faute, il peut engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 (anc. 1382) du Code civil (Civ.1re, 16 déc. 2015, n° 14-27.028). Ceci posé, et dans la logique du texte précité, la faute du curateur ne suffit pas à engager sa responsabilité civile. Encore faut-il établir un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué, en l’espèce, l’excès des dépenses exposées. Ce qui explique en l’espèce le rejet du pourvoi : en effet, les juges du fond ont relevé, d’une part, que la décision prise par le MJPM de solliciter l'association pour fournir aux majeurs protégés des auxiliaires de vie et un appui à la gestion administrative de leur intervention était indispensable pour permettre le maintien des époux ensemble à leur domicile, conformément au choix très clairement exprimé par le curatélaire et, d'autre part, qu'en dépit de l'évolution des coûts tenant à l'aggravation de leur état de santé, de leur perte d'autonomie et de la nécessité de majorer les temps de présence à leurs côtés, le coût global de l'intervention de l'association sur les dix-sept mois de sa durée n'avait, en définitive, rien d'exorbitant. Contrairement à ce que soutenait le demandeur au pourvoi, la faute du curateur n’avait donc pas généré de dépenses excessives : en l’absence de préjudice résultant de la faute commise, son action en responsabilité devait donc être écartée.
Références :
■ Civ. 2e, 29 mars 2006, n° 03-20.071 : D. 2006. 1066 ; ibid. 2008. 313, obs. J.-J. Lemouland et J.-M. Plazy ; AJ fam. 2006. 251, obs. P. Oudot ; RTD civ. 2006. 536, obs. J. Hauser
■ Civ. 2e, 25 févr. 1998, n° 95-20.419 : D. 1998. 315, concl. R. Kessous ; ibid. 240, chron. A.-M. Galliou-Scanvion ; RDSS 1998. 578, obs. J.-M. Lhuillier ; RTD civ. 1998. 345, obs. J. Hauser ; ibid. 388, obs. P. Jourdain
■ Civ.1re, 16 déc. 2015, n° 14-27.028 : D. 2016. 8 ; ibid. 1523, obs. J.-J. Lemouland, D. Noguéro et J.-M. Plazy ; AJ fam. 2016. 108, obs. T. Verheyde ; RTD civ. 2016. 85, obs. J. Hauser
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