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[ 19 mai 2011 ] Imprimer

Droit des personnes

Conditions de recevabilité de la tierce opposition visant à contester une adoption

Mots-clefs : Adoption simple, Tierce opposition, Recevabilité, Homosexualité, Fraude, Dol

Les juges du fond apprécient souverainement la recevabilité de la tierce opposition, lorsque l'adoptant à gardé le silence sur la réalité de ses relations d'affection avec l'adopté.

Une femme avait fait donation à ses descendants de la nue-propriété des biens dont elle était propriétaire. Elle avait par la suite adopté simplement une autre femme, qui était en réalité sa compagne, et l’avait désignée légataire universelle. Après le décès de l’intéressée, une bataille judiciaire s’était engagée concernant la succession.

Les descendants contestaient la réalité de l’adoption, puisque le rapport de police fait au jour du décès mentionnait la fille adoptive comme étant la compagne de la défunte, ce que cette dernière ne niait pas. Ils avaient agi par tierce opposition pour obtenir l’annulation du jugement d’adoption, arguant l’adoption en visait qu’à contourner les règles successorales. Le tribunal puis la cour d’appel avaient accueilli favorablement leur demande. La Cour de cassation censura l’arrêt d’appel, estimant que « la recevabilité de la tierce opposition au jugement d'adoption ne se confond pas avec le bien-fondé de la demande en adoption » (Civ. 1re, 6 févr. 2008).

Toutefois, la cour d’appel de renvoi résista à la première chambre civile, admettant la recevabilité de la tierce opposition, sur le fondement de l’article 353-2 du Code civil. Elle maintenait le fait que les deux femmes avaient cherché à détourner l’adoption de son objet, ce qui constituait bel et bien une fraude au sens de l’article 353-2 du Code civil, qui énonce les conditions de recevabilité de la tierce opposition.

En d’autres termes, l’existence de la fraude permettait la recevabilité de la tierce opposition (le silence de l’adoptante au cours de sa vie sur ses relations avec l’adoptée au jour du jugement), et le détournement de l’objet de l’adoption constituait l’irrégularité (la volonté de faire hériter sa compagne, jurisprudence bien établie, v. Civ. 1re, 7 mars 1989).

La Cour de cassation se plie ici à l’analyse des juges du fond, ceux-ci ayant retenu que « l’adoption simple leur permettait [les deux femmes] de contourner les règles civiles régissant les donations entre vifs » et a « souverainement apprécié leur demande au regard de la finalité de l’institution et constaté son détournement ».

Ainsi, l’existence et la qualification du dol ou de la fraude, conditions de la recevabilité de la tierce opposition, sont laissées à la libre appréciation des juges du fond. La réunion des conditions relatives à l’adoption également.

Civ. 1re, 4 mai 2011, Publié au Bulletin

Référence

Nue-propriété

« Selon la théorie classique, prérogatives conservées par un propriétaire sur une chose qui fait l’objet d’un démembrement de propriété. Il donne à son titulaire le droit de disposer juridiquement de la chose, mais ne lui confère ni l’usage, ni la jouissance, lesquels sont les prérogatives de l’usufruitier sur cette même chose. »

Adoption

« Adoption laissant subsister des liens juridiques entre l’enfant et sa famille d’origine, tout en créant des liens de filiation entre l’adoptant et l’adopté. »

Tierce opposition

« Voie de recours extraordinaire, de rétractation ou de réformation, ouverte aux personnes qui n’ont été ni parties ni représentées dans une instance et leur permettant d’attaquer une décision qui leur fait grief et de faire déclarer qu’elle leur est inopposable. »

Recevabilité

« Caractère d’une demande en justice rendant possible son examen au fond par la juridiction saisie, parce que les conditions de l’action sont remplies et qu’il n’existe aucune fin de non-recevoir. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article 353-2 du Code civil

« La tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption n'est recevable qu'en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants. »

Civ. 1re, 6 févr. 2008, Bull. civ. I, n° 46 ; D. 2008. 638 obs. P. Chauvin et C. Creton.

Civ. 1re, 7 mars 1989, Bull. civ. n° 112.

 

Auteur :B. H.


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