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Droit du travail - relations individuelles
Conditions d’exercice du droit de grève au sein d’une entreprise privée gérant une activité de service public
Mots-clefs : Droit de grève, Entreprise privée gérant une activité de service public, Préavis, Liberté du travail des salariés
Les dispositions spécifiques relatives à l'exercice du droit de grève dans le service public ne s'appliquent, au sein d'une entreprise privée gérant un service public, qu'au seul personnel affecté à cette activité de service public.
Afin d’assurer la continuité du service public, le droit de grève dans le secteur public fait l’objet d’une réglementation spéciale (C. trav., art. L. 2512-1 à L. 2512-5).
L’article L. 2512-2 du Code du travail prévoit ainsi que la grève doit être précédée d’un préavis adressé aux autorités hiérarchiques cinq jours francs avant le déclenchement de celle-ci. Lorsqu’elle débute moins de cinq jours avant la réception du préavis, la grève est illégale, les salariés qui y participent commettent alors une faute disciplinaire que l’employeur est en droit de sanctionner (Soc. 11 janv. 2007).
Ce préavis doit préciser les motifs du recours à la grève et mentionner le champ géographique, l’heure du début ainsi que la durée, limitée ou non, de la grève envisagée (C. trav., art. L. 2512-2).
Cette réglementation, propre au service public, est applicable aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics chargés de la gestion d’un service public, qu’il s’agisse d’un service public administratif ou d’un service public industriel et commercial (Soc. 16 juill. 1997).
Mais qu’en est-il du personnel de l’entreprise non affecté à la gestion de ce service ?
La question a été tranchée par la Cour de cassation à l’occasion d’une affaire touchant un navire de la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM).
En l’espèce, le syndicat CGT des marins de Marseille avait déposé deux avis d’arrêt de travail impliquant l’ensemble de l’équipage du navire « Le Corse » exploité par la SNCM. Cette dernière, qui considérait les appels à la grève comme illicites, avait saisi le juge des référés. Elle estimait que le syndicat ne s’était pas conformé à l’article L. 2512 -2 du Code du travail, prescrivant la communication d’un préavis lorsqu’une grève s’organise dans le service public, ce qui rendait le mouvement social illégal.
La cour d’appel n’avait pas suivi cette argumentation et avait infirmé l’ordonnance du juge des référés en ce qu’elle enjoignait au syndicat de mettre fin à toute entrave aux manœuvres des grévistes. La SNCM s’était donc pourvue en cassation.
Relevant que la convention de délégation de service public passée entre la collectivité territoriale de Corse et la SNCM se rapporte à la seule fourniture de services maritimes réguliers entre le port de Marseille et les ports de Corse et non entre celui de Toulon et des ports de Corse, auquel était affecté le navire « Le Corse », la Cour de cassation en conclut que l'arrêt de travail du personnel attaché à cette dernière ligne n’était pas soumis aux modalités particulières d'exercice du droit de grève.
Les Hauts magistrats énoncent en principe que « les dispositions des articles L. 2512-1 et L. 2512-2 du code du travail, relatives à l'exercice du droit de grève dans le service public, ne s'appliquent au sein d'une entreprise privée gérant un service public, qu'au seul personnel affecté à cette activité de service public ».
Ainsi seul le personnel d’une entreprise privée chargé de gérer l’activité destinée à satisfaire un besoin qualifié d’intérêt général est soumis aux règles applicables à la grève dans le service public. Les salariés grévistes non concernés par la convention de délégation de service public n’étaient donc pas tenus de déposer un préavis auprès de leur employeur.
On précisera que les arrêts de travail sont protégés lorsqu’ils prennent la forme d’une grève et non d’un mouvement illicite. Est uniquement autorisée la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles (Soc. 18 juin 1996), revendications dont l’employeur doit avoir connaissance avant l’arrêt du travail (Soc. 19 nov. 1996 ; Soc. 22 oct. 2014).
La grève, licite dans son principe, ne peut excuser la commission d’actes illicites ou de débordements. Elle peut, par nature, entraîner une désorganisation de la production mais ne doit en aucun cas être une entrave à la liberté du travail des salariés de l’entreprise non participants au mouvement social, auquel cas elle pourrait entraîner des poursuites disciplinaires, civiles ou pénales. Ainsi, une telle entrave permet d'ordonner sur requête l'évacuation d'une usine par ses occupants (Soc. 17 mai 1977, arrêt Férodo) et justifie la qualification de faute lourde, cause du licenciement (Soc. 15 mai 2001; Soc. 26 mai 2004 ; Soc. 14 juin 2005).
Conformément à cette ligne jurisprudentielle, la Cour de cassation a eu l’occasion, dans le conflit social qui opposait le syndicat CGT des marins de Marseille à la SNCM, d’affirmer que l’occupation du navire par les grévistes empêchant celui-ci de prendre le large, constituait une entrave à la liberté du travail des salariés non-grévistes de nature à justifier la mise à pied des salariés grévistes (Soc. 8 oct. 2014).
Soc. 8 oct. 2014, n°13-13.792
Références
■ Soc. 11 janv. 2007, n°05-40.663.
■ Soc. 16 juill. 1997, n°95-22.276.
■ Soc. 19 nov. 1996, n°94-42.631 et 94-42.635.
■ Soc. 22 oct. 2014, n° 13-19.858, 13-19.859 et 13-19.860.
■ Soc. 17 mai 1977, arrêt Férodo, n° 75-11.474.
■ Soc. 15 mai 2001, n° 00-42.200.
■ Soc. 26 mai 2004, n° 02-40.395.
■ Soc. 14 juin 2005, n° 02-42.177.
■ Soc. 8 oct. 2014, n° 13-18.873.
■ Code du travail
« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent :
1° Aux personnels de l'Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ;
2° Aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public. »
« Lorsque les personnels mentionnés à l'article L. 2512-1 exercent le droit de grève, la cessation concertée du travail est précédée d'un préavis.
Le préavis émane d'une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé.
Il précise les motifs du recours à la grève.
Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il mentionne le champ géographique et l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée.
Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier. »
« En cas de cessation concertée de travail des personnels mentionnés à l'article L. 2512-1, l'heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel intéressé.
Sont interdits les arrêts de travail affectant par échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories professionnelles d'un même établissement ou service ou les différents établissements ou services d'une même entreprise ou d'un même organisme. »
« L'inobservation des dispositions du présent chapitre entraîne l'application des sanctions prévues par les statuts ou par les règles concernant les personnels intéressés.
Les sanctions ne peuvent être prononcées qu'après que les intéressés ont été mis à même de présenter des observations sur les faits qui leurs sont reprochés et d'avoir accès au dossier les concernant.
La révocation et la rétrogradation ne peuvent être prononcées qu'en conformité avec la procédure disciplinaire normalement applicable.
Lorsque la révocation est prononcée à ce titre, elle ne peut l'être avec perte des droits à la retraite. »
« En ce qui concerne les personnels mentionnés à l'article L. 2512-1 non soumis aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982, l'absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Les retenues sont opérées en fonction des durées d'absence définies à l'article 2 de la loi précitée. »
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