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Droit des obligations
Confirmation de l’application anticipée de l’exécution forcée aux promesses unilatérales de ventes
Ferme et définitif, l’engagement du signataire d’une promesse unilatérale de vente l’empêche de se rétracter avant la levée de l’option du bénéficiaire, sous peine d’être sanctionné par l’exécution forcée de cette promesse, même conclue antérieurement à la réforme de 2016.
Civ. 3e, 20 oct. 2021, n° 20-18.514
Par acte sous seing privé en date du 16 avril 2009, réitéré par acte authentique le 6 janvier 2011, des vendeurs avaient cédé un premier ensemble de parcelles à une société, sous une convention particulière de rétrocession aux termes de laquelle la société acheteuse s’engageait, après exploitation et obtention de diverses autorisations administratives, à revendre lesdites parcelles aux vendeurs originaires.
Par acte sous-seing privé du même jour, les vendeurs avaient également cédé, aux mêmes conditions et au profit de la même société, un autre ensemble de parcelles, la convention de rétrocession ayant ensuite été étendue à un troisième ensemble de parcelles que la société se proposait d'acquérir.
Or malgré la signature de plusieurs avenants de prolongation, ce dernier acte n’avait finalement pas été réitéré par acte authentique. La société ayant alors rétracté sa promesse de revendre le premier ensemble des parcelles acquises, l’un de ses bénéficiaires l’avait assignée en justice afin que soient déclarées parfaites les reventes des parcelles et ordonnée leur réalisation forcée.
Pour rejeter sa demande, la cour d’appel retint que la rétractation par la société de sa promesse de revente des parcelles, intervenue avant la levée de l’option de ses cocontractants, faisait obstacle à l’exécution forcée de cet acte.
Son bénéficiaire s’est pourvu en cassation, invoquant la violation de l’article 1134, devenu 1103, du Code civil : selon lui, la société ayant donné son consentement « ferme et définitif » à la promesse litigieuse dont il demandait l’exécution, la révocation de celle-ci avant l’expiration du délai d’option n’empêchait pas la formation du contrat promis.
L’arrêt est cassé au visa de l’article 1134 précité, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
La Cour de cassation réitère la solution affirmée dans son arrêt de revirement du 23 juin dernier (Civ. 3e, 23 juin 2021, n° 20-17.554) : « le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation à moins d’une stipulation contraire », la rétractation de la société étant alors susceptible d’être sanctionnée par la réalisation forcée de la vente promise, même antérieurement à la réforme du 10 février 2016. Or la cour d’appel avait retenu que la rétractation de la société, en ce qu’elle était intervenue avant la levée de l’option par les bénéficiaires de la promesse, s’opposait à la réalisation forcée de la revente des parcelles acquises, l’accord initial des consentements des parties à l’avant-contrat ayant ainsi été rompu : « En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu le caractère ferme et définitif de l’engagement du promettant et relevé que la promesse ne prévoyait aucun délai pour lever l’option d’achat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Ainsi la juridiction du second degré avait-elle méconnu la portée de l’arrêt précité, constitutif d’un revirement de jurisprudence, ayant jugé le droit nouveau applicable aux promesses unilatérales de vente, même conclues antérieurement à la réforme de 2016.
Rappelons que depuis l’entrée en vigueur de la réforme des contrats, la révocation de la promesse unilatérale de vente faite par son auteur avant l’expiration du délai d’option n’interdit plus la formation du contrat définitif ; en effet, selon l’article 1124, alinéa 2, « (l)a révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ». Le nouveau texte précise explicitement que le consentement du bénéficiaire est le seul élément qui fait défaut pour que le contrat promis soit formé. Si le promettant révoque son engagement durant le temps laissé au bénéficiaire pour opter et que ce dernier entend précisément « lever l’option », ce dernier pourra donc contraindre le promettant à conclure l’acte définitif en sollicitant du juge l’exécution forcée de la promesse, étant précisé que lorsque tel qu’en l’espèce, celle-ci est conclue pour une durée indéterminée, ce droit d’option est conféré jusqu’à l’expiration du délai de prescription quinquennal de droit commun (C. civ., ancien art. 2224).
Cependant, jusqu’à l’arrêt du 23 juin dernier, la Cour de cassation considérait, conformément aux dispositions transitoires de l’ordonnance (Ord. 10 févr. 2016, art. 9 et L. n° 2018-287 du 20 avr. 2018, art. 16, III : « les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016 [et que] les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne »), que la rétractation de la promesse par son signataire avant la levée d’option du bénéficiaire n’ouvrait droit, en vertu du droit antérieur, qu’à des dommages et intérêts envers le bénéficiaire (Civ. 3e, 6 déc. 2018, n° 17-21.170) : en application des articles 1101 et 1134 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1583 du même code, la Cour de cassation jugeait en effet que tant que le bénéficiaire n’avait pas déclaré acquérir, l’obligation du promettant ne constituait qu’une obligation de faire. Selon la Cour, il en résultait que la levée de l’option postérieure à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199), la violation par le promettant de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu’à des dommages-intérêts, en application de l’article 1142 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (Civ. 3e, 28 oct. 2003, n° 02-14.459). La Haute cour retenait par ailleurs que si la sanction de l’exécution forcée était par principe exclue, toute partie au contrat de promesse gardait la faculté, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci demeurait possible (Civ. 1re, 16 janv. 2007, n° 06-13.983). Selon que la promesse avait été signée avant ou après le 1er octobre 2016, il en résultait donc des solutions différentes ; ainsi, en l’espèce, le refus traditionnel de sanctionner la rétractation du promettant par l’exécution forcée du contrat de promesse aurait-il dû trouver à s’appliquer, le litige étant né antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme.
Toutefois, réitérant la nouvelle règle prétorienne d’application dans le temps de la sanction de l’exécution forcée aux promesses unilatérales de ventes adoptée le 23 juin dernier, la Cour de cassation confirme sa volonté d’unifier et d’étendre sa solution par une application anticipée du droit nouveau à toute promesse, qu’elle soit conclue avant ou après l’entrée en vigueur de la réforme.
Renouvelant son analyse, la Cour rappelle ici implicitement la nécessité d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement d’un promettant avec celui liant un simple offrant (Civ. 3e, 23 juin 2021, préc. : à la différence de la simple offre de vente, « (l)a promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien », pt 11), et réaffirme le principe selon lequel le signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation.
L’application du texte nouveau à une promesse unilatérale de vente, même conclue antérieurement à la réforme, est justifiée par l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance précitée.
Il résulte de cette dérogation faite à la règle d’application dans le temps prévue par l’ordonnance, comme d’ailleurs par la loi de ratification de 2018, limitant le champ temporel d’application du nouveau texte aux contrats de promesse conclus à compter de son entrée en vigueur, un renforcement de la portée conférée à la sanction de l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente qui, indépendamment de sa date de conclusion, est donc de droit lorsque le promettant se rétracte. Cela étant, lui reste la faculté d’insérer dans l’acte une clause écartant expressément cette sanction au profit de celle, s’il la veut exclusive, de l’octroi l’allocation de dommages et intérêts (« sauf stipulation contraire »).
Références
■ Civ. 3e, 23 juin 2021, n° 20-17.554 P: DAE 12 juill. 2021, note Merryl Hervieu ; D. 2018. 919
■ Civ. 3e, 6 déc. 2018, n° 17-21.170 P : D. 2019. 300 ; ibid. 279, obs. M. Mekki ; ibid. 298, avis P. Brun ; ibid. 301, note M. Mekki ; AJDI 2019. 154 ; AJ contrat 2019. 94, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2019. 317, obs. H. Barbier ; RTD com. 2019. 398, obs. A. Lecourt
■ Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199 P : D. 1994. 507, note F. Bénac-Schmidt ; ibid. 230, obs. O. Tournafond ; ibid. 1995. 87, obs. L. Aynès ; AJDI 1994. 384 ; ibid. 351, étude M. Azencot ; ibid. 1996. 568, étude D. Stapylton-Smith ; RTD civ. 1994. 584, obs. J. Mestre
■ Civ. 3e, 28 oct. 2003, n° 02-14.459
■ Civ. 1re, 16 janv. 2007, n° 06-13.983 P : D. 2007. 1119, note O. Gout ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2007. 342, obs. J. Mestre et B. Fages
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